Les chroniques de Virginie Roy: C’est n’importe quoi!

J’ai sous les yeux le dernier texte de Virginie Roy, chroniqueuse du site Canoë, intitulée “L’or bleu en otage”.  Je n’en suis qu’au troisième paragraphe, et j’hallucine déjà!  C’est qu’en trois paragraphes à peine, elle a dit une chose, son contraire, et des bêtises grosses comme le fleuve Saint-Laurent, dont elle vante pourtant la qualité.  Et en cette journée mondiale de l’eau, décrétée par l’ONU suite au sommet de Rio, en 1992, que madame Roy qualifie pourtant dans sa chronique de “journée nationale de l’eau” (merci à ses recherchistes), je trouve son texte plutôt, comment dire, pétillant!

Évidemment, en bonne partisane de la “justice” qu’elle doit se croire, elle affirme d’entrée de jeu que “Cet événement n’est pas sans nous rappeler que l’eau est essentielle à la vie. Elle devrait donc être potable, accessible et gratuite pour tous. L’eau n’appartient à personne, sauf au peuple. C’est un bien commun.”  Et dès le paragraphe suivant, elle dit “Or, certaines compagnies semblent vouloir faire de l’eau leur propre bien. Coca-Cola, Dadone, Pepsi…ne semblent pas vouloir se gêner pour s’approprier ce bien commun pour le revendre à la population au gros prix. Soit nous sommes complètement dupes, soit nous sommes trop riches pour nous en rendre compte. Ne me considérant ni dupe, ni trop riche, je me demande encore pourquoi on encourage ce genre de supercherie.”  Ce n’est pourtant pas si compliqué à comprendre.  Les compagnies installées au Québec (en passant, c’est Danone, madame Roy, pas Dadone!) prennent l’eau du fleuve, ou de diverses nappes phréatiques souterraines, justement parce qu’elle est accessible et gratuite pour tous, et par extension, pour eux aussi!

Elle commence son troisième paragraphe comme suit: “Pourtant, le Saint-Laurent frappé, surnom donné par les serveurs de restaurant pour inciter leurs clients à acheter de l’eau embouteillée, est pourtant une des meilleures eaux du monde.”  Je voudrais ici rappeler à madame Roy que l’expression “Saint-Laurent frappé” existait probablement avant même qu’elle soit de ce monde, puisque j’utilisais moi-même cette expression étant jeune enfant, et que j’ai atteint la mi-quarantaine.  De plus, je suis convaincu que ce n’est pas moi qui l’ai inventée.  Alors il s’agit probablement d’une autre de ses nombreuses affirmations gratuites, que ses lecteurs avalent comme une gorgée d’eau.  Euhhh, je veux dire, que ses lecteurs avalent comme si c’était la vérité vraie.

J’aime aussi les interprétations des statistiques que fait madame Roy.  Elle écrit que “Il y a à peine dix ans, la très grande majorité des gens aux États-Unis et au Canada consommaient l’eau directement du robinet. Mais aujourd’hui, près d’une personne sur cinq consomme seulement de l’eau en bouteille pour satisfaire ses besoins quotidiens d’hydratation.”  Quand je relis ce passage, je constate qu’elle dit encore une chose et son contraire dans le même passage.  Évidemment, on me dira que je suis de mauvaise foi, et que le fait que “près d’une personne sur cinq consomme seulement de l’eau embouteillée” ne veut pas nécessairement dire que les quatre autres ne boivent seulement de l’eau du robinet.  Je suis d’accord.  Ce qu’elle tente de démontrer, avec ces statistiques aux interprétations tordues, c’est que l’eau embouteillée représente une source de pollution, par rapport aux bouteilles laissées pour compte une fois vidées de leur contenu.

Elle y arrive justement dans son quatrième paragraphe, citant des statistiques de ventes aux USA, puis chez nous.  Elle suit en prétendant que l’eau en bouteille a fait de l’environnement la grande perdante de toute l’aventure, puis décrit plus loin que l’eau embouteillée représente l’arnaque du siècle, puisque l’elle coûte environ mille fois plus cher au consommateur que l’eau du robinet.  Si madame Roy s’était donné la peine de faire un tant-soit-peu de recherche, elle aurait probablement découvert, dans les archives du Journal de Montréal, une entrevue d’un des patrons de la source Amaro, située à Saint-Cuthbert, dans la région de Lanaudière.  Elle aurait pu lire, dans cet article, que le prix de l’eau embouteillée consiste principalement en deux points précis, soit son embouteillage, et son transport vers les points de vente.  Le type disait lui-même que l’eau ne coûte rien, et qu’il ne suffit de la prendre là où elle se trouve, dans leur cas à 90 mètres dans le roc.

Madame Roy accuse, en définitive, l’industrie privée de tirer profit d’une ressource naturelle, accessible et gratuite.  Premièrement, qu’y a-t-il de mal, là-dedans?  Toutes les entreprises, publiques ou privées, prennent des choses dans la nature, les transforment au besoin, et les vendent avec profit, non?  Ensuite, Virginie Roy accuse-t-elle l’industrie pour se donner un certain crédit?  A-t-elle quelque chose à vendre, hormis la pérennité de son job de chroniqueuse?

Je vais donc faire une révélation qui fera probablement tomber madame Roy de sa chaise, mais que la plupart des gens le moindrement sensés comprendront rapidement.

L’industrie puise l’eau, de source ou traitée (l’eau Dasani, vendue via le réseau de distribution de Coca-Cola, n’est rien de plus qu’une eau de distribution municipale), puis l’embouteille et la distribue.  Rien de plus normal, ici.  Il s’agit d’une autre des très nombreuses applications de la loi de l’offre et de la demande.  Les gens veulent de l’eau embouteillée, et les entreprises en fournissent.  Il y a transaction, et tout le monde est content.  Si les bouteilles se retrouvent dans l’environnement, ce n’est pas la faute des compagnies qui les vendent, mais plutôt celles des individus qui laissent traîner leurs bouteilles dans l’environnement.  Si l’on appliquait le raisonnement de madame Roy dans tout, il faudrait interdire les fèves au lard, parce que ceux qui pètent causent des gaz nocifs à l’environnement!  L’eau en bouteille est pratique, puisqu’elle évite de transporter un boyau relié à un robinet.  Les consommateurs paient donc pour le côté pratique d’avoir de l’eau en quantité désirée à portée de la main sans avoir à aller la chercher directement au robinet.  Elle permet aussi d’obtenir de l’eau à la température désirée, puisqu’il faut laisser couler l’eau du robinet pendant quelques secondes afin qu’elle soit froide, ce qui gaspille plusieurs litres de ce liquide essentiel à la vie.

Par contre, à défaut d’empêcher cette industrie de fonctionner, pourquoi, comme société, ne pas en tirer profit?  Madame Roy explique elle-même le principe, en prenant le pétrole à titre d’exemple.  Le Québec possède environ 3% de toute l’eau douce de la planète.  Pourquoi le gouvernement québécois ne pourrait-il pas exiger une certaine redevance, raisonnable, de toutes les entreprises qui exploitent les sources d’eau potable?  Une telle redevance pourrait être ajustée en fonction des ressources d’eau disponibles, et permettrait une exploitation de l’eau qui serait profitable à tous.  L’Alberta le fait bien avec le pétrole, après tout.  Et à voir les résultats atteints là-bas, il y a vraiment de quoi s’inspirer!

Bref, Virginie Roy est, à mes yeux, une grande Don Quichotte des temps modernes.  Ses combats avec les moulins à vent que sont les entreprises, qui ne font rien d’autre que fournir ce que les consommateurs demandent, sont remplis d’un certain charme et d’une naïveté évidente.  Une lecture légère, à ne surtout pas prendre au sérieux, puisqu’au fond, c’est un peu n’importe quoi.

5 réactions sur “Les chroniques de Virginie Roy: C’est n’importe quoi!

  1. Si il y a une chose sur laquelle l’on devrait songer, c’est de faire payer une taxe sur l’eau puisée dans les nappes phréatiques situées au Québec.

    A ce que je sache, les citoyens Québécois paient une taxe d’eau, même si celle ci sort du robinet.

    Alors pourquoi en serait il autrement, avec les compagnies qui siphonnent les nappes phréatiques du Québec.

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  2. Bonjour, Guy, et bienvenue sur mon blogue.

    C’est un peu ce que je propose dans l’avant-dernier paragraphe de mon billet, dans le passage suivant:

    « Le Québec possède environ 3% de toute l’eau douce de la planète. Pourquoi le gouvernement québécois ne pourrait-il pas exiger une certaine redevance, raisonnable, de toutes les entreprises qui exploitent les sources d’eau potable? Une telle redevance pourrait être ajustée en fonction des ressources d’eau disponibles, et permettrait une exploitation de l’eau qui serait profitable à tous.

    Cela pourrait se faire selon le même principe que pour toutes les autres richesses naturelles, comme le pétrole, les différents minerais, etc. Dans le cas de l’eau, la quantité pourrait être vérifiée par un compteur à la source, que celle-ci soit un cours d’eau ou une nappe phréatique, ou encore selon les statistiques de ventes de l’entreprise.

    Les québécois qui paient une « taxe d’eau » paient en fait pour être raccordés au système de distribution d’eau potable de leur fournisseur local; il s’agit plus souvent qu’autrement de la municipalité (de là l’utilisation commune du mot « taxe »), mais il peut arriver que ce soit une coopérative, ou même un aqueduc privé. Le fournisseur charge un montant annuel fixe, assorti d’un taux à la consommation s’il utilise des compteurs. Les gens qui possèdent leurs propres installations de captage d’eau (puits artésien, puits de surface, etc.), ce qui est souvent le cas en région, ne paient généralement pas de taxe d’eau.

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  4. Je suis tombé par hasard sur ton blog et j’ai vu ton texte. Je l’ai lu. C’est sûr que c’est bien présenté et tout mais sérieusement…

    Tu me fais penser aux gens qui lisent une fois de temps en temps les journaux et QUI ONT UNE OPINION ! Et bien sûr, ils veulent la partager croyant qu’on veut la connaitre, et aussi, croyant pouvoir sortir de la noirceur les gens qui lisent le journal de Mourial. C’est noble mais tellement condescendant !

    Bon, concernant ton texte, tu as le réflexe de beaucoup de gens. Tu penses que l’eau est une ressource inépuisable. Fait juste transposer ton raisonnement pour une ressource comme la forêt. Tous les citoyens, y compris les citoyens corporatifs doivent en bénéficier (même à outrance) ? Le dernier qui pensait de même, il vendait le Québec aux Anglais et il s’appelait Duplessis. Pour ce qui est de ton idée de mettre une redevance, c’est pas pire et ca fait longtemps qu’on en parle… Il faut au moins quelque chose pour contrôler la ressource mais je ne crois pas que ce sera suffisant.

    Au plaisir et continue de prêcher dans le désert si ca t’amuse !
    Michael T.

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  5. Bienvenue sur mon blogue, Michael.

    Avoue, d’abord, que tu croyais bien que je n’allais pas autoriser ton commentaire! Comme tu vois, je suis pour l’honnêteté, alors je suis d’abord honnête envers toi, et je te publie.

    Venons-en à ton commentaire en tant que tel, maintenant.

    En quoi est-ce mal d’avoir une opinion? C’est justement le problème de beaucoup de gens; ils n’en ont pas, et ils achètent les propos des David Suzuki et autres Al Gore de ce monde, parce qu’ils sont à la mode, et ce sans même prendre le temps de penser aux conséquences, sous-jacentes et incontournables, de leurs prétendues “solutions”. Exemple frappant, ces temps-ci; l’éthanol. Les environnementalistes ont passé des années à faire l’éloge de l’éthanol, prétendant que c’est moins polluant que le pétrole, que c’est plus vert, que c’est mieux d’aider les agriculteurs que ces sales pétrolières, etc. Or, on constate, maintenant, que d’une part, certaines forêts sont dévastées pour faire place à la culture du maïs, à partir duquel est extrait l’éthanol, ce qui réduit la capacité de “poumon de la terre” que constitue la forêt en général, et d’autre part, d’autres agriculteurs ont abandonné différentes cultures céréalières pour produire du maïs, lequel sera aussi transformé en éthanol. Les effets combinés de ces deux opérations ont donné comme résultat une augmentation marquée du prix des céréales, et par ricochet, la crise alimentaire que connaît nombre de pays pauvres aujourd’hui. Mais ça, Michael, jamais, mais alors là JAMAIS, les environnementalistes n’avoueront que tout cela est de leur faute. Alors si toi, tu achètes les propos de Virginie Roy parce qu’ils semblent plus “verts” que les miens, grand bien t’en fasse, mais pour ma part, je demeure sceptique. J’ai effectivement une opinion, et ni le verbiage de madame Roy, ni ton propre argumentaire, ne me convainquent pas du tout de la changer.

    Quant à “mon réflexe”, vu que ça me concerne en propre, je peux te dire que tu es complètement “dans le champ”, mon vieux! C’est justement parce que l’eau n’est PAS une ressource inépuisable, contrairement à la forêt – du moment que l’exploitation en soit faite selon les règles de l’art, et non pas n’importe comment – qu’il faut y coller une redevance, et que celle-ci soit ajustable non seulement par rapport à l’inflation, mais également par rapport aux réserves d’eau, dans le sens que plus l’eau se raréfie, plus la redevance devient élevée. Autre exemple pour dire qu’un prix ridicule amène au gaspillage; l’électricité. Présentement, les québécois paient un prix ridiculement bas pour l’électricité, comparativement aux autres provinces canadiennes. Résultat: les canadiens, incluant les québécois, consomment en moyenne 18,030 kWh, comparativement à 14,684 kWh pour les américains, alors que les québécois à eux seuls consomment pas moins de 30,687 kWh! Si l’on enlève les québécois de la moyenne canadienne, elle équivaudra plus ou moins à la moyenne américaine. Comment expliquer cet écart, sinon par le gaspillage de la ressource? Peut-être que Duplessis vendait le Québec aux américains, mais au moins, il se faisait payer pour! Aujourd’hui, on gaspille l’électricité au lieu de la vendre, et le gouvernement du Québec, quel que soit le parti politique au pouvoir, fait toutes sortes d’entourloupettes, d’année en année, pour réussir à camoufler ses déficits.

    Alors tu vois, Michael, peut-être que je prêche dans le désert, à tes yeux. C’est ton opinion (donc, tu en a une, toi aussi?), et je la respecte. Mais une chose est sûre, par contre; c’est que mon opinion, elle s’appuie sur autre chose qu’une mode véhiculée par un Grand prophète dont le comportement se résume à “faites ce que je dis, et non ce que je fais”.

    Voilà.

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