Postes Canada: La fin du service rural?

Dany Doucet, du Journal de Montréal, écrivait un article, dimanche dernier, dans lequel il laissait deviner que le service rural de Postes Canada allait bientôt tirer à sa fin.  Dans son papier, repris par le site Canoë, il mentionnait que l’organisme avait édicté de nouvelles normes, et que celles-ci feraient en sorte que des boîtes aux lettres, pourtant utilisées avec succès depuis parfois des décennies, seraient déclarées dangereuses, et devraient faire l’objet de modifications importantes, et/ou de déplacement, sous peine de ne plus recevoir le courrier.  Le cas échéant, le propriétaire de ladite boîte n’aurait d’autre choix que d’aller cueillir son courrier au bureau de poste auquel il est rattaché.

L’article cite un porte-parole de Postes Canada, Michel Larouche, qui évoque des raisons de sécurité, ainsi que des raisons légales, pour justifier les nouvelles normes.  Du même souffle, il nie que la société ne prenne ces mesures par souci d’économie, ou encore ne transfère les risques présumés de ses facteurs ruraux vers la clientèle elle-même.  Par contre, ni le porte-parole, ni le journaliste, ne soulignent un point qui est loin d’être négligeable, dans toute cette affaire, et c’est le suivant; il y a quelques années, lors d’une négociation de convention collective des postiers, les facteurs ruraux, qui étaient jusque là des entrepreneurs indépendants, ayant un contrat à terme avec Postes Canada, et dont le renouvellement était annoncé localement, afin de permettre aux personnes intéressées de déposer une soumission, sont devenus des employés à part entière de Postes Canada, salariés et surtout, syndiqués.

Or, comme les syndicats ne sont jamais ouverts à prendre quelque risque que ce soit, et ont une tendance naturelle à tout mettre sous la responsabilité de l’employeur, celui-ci se retrouve maintenant avec une patate chaude dans la bouche, à savoir, et particulièrement au Québec, les coûts supplémentaires liés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), qui sont couverts à 100% par l’employeur.  Comme les accidents du travail des facteurs ruraux se produisent sur la route, et qu’il y a rarement des témoins neutres, qui peuvent corroborer les témoignages des accidentés, Postes Canada se retrouve probablement avec beaucoup de petits accidents du travail, qui impliquent, en plus des coûts de remplacement des travailleurs accidentés, les frais exorbitants du remplacement du salaire de travailleur blessé, qui a droit à 90% de son salaire net.

Le grand perdant, dans toute cette affaire, sera bien sûr le client, qui n’a pas droit à la concurrence, et qui doit se contenter du service monopolistique du syndicat des postiers de Postes Canada.  D’ailleurs, si un entrepreneur indépendant voulait reprendre une route postale rurale, comme dans le bon vieux temps, il sera aussitôt dépeint comme un « scab », soit un briseur de grève, en temps de grève, bien sûr, ou encore comme un « voleur de job », le reste du temps.  Bref, Postes Canada, en donnant le statut d’employé à part entière à ses facteurs ruraux, s’est mis le pied dans la bouche, et refile maintenant la facture à ses clients, qui n’ont d’autre choix que d’acquiescer.  Le second grand perdant sera le facteur rural lui-même, puisque le jour où toutes les boîtes aux lettres de sa route seront déclarées dangereuses, il se fera couper son poste, et se retrouvera au chômage.

Je voudrais en profiter pour dire un grand merci aux syndicats, pour cette autre merveilleuse contribution à l’avancée des travailleurs.

6 réactions sur “Postes Canada: La fin du service rural?

  1. Et comme disait JC Lauzon: « Avez-vous vu le prix des timbres? À ce prix-là, on se demande si ce ne serait pas eux qui devraient nous licher. »

    J’ai bien aimé la passe de la patate chaude dans la bouche…succulent.

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  2. Et comme disait JC Lauzon: “Avez-vous vu le prix des timbres? À ce prix-là, on se demande si ce ne serait pas eux qui devraient nous licher.”

    Mouahahahaha!!!!!!!

    Le pire c’est qu’on n’a plus besoin de licher les timbres de Postes Canada car maintenant ils ont un meilleur colle 🙂

    J’ai toujours demande si c’est vraiment rentable de faire du service rural par contre… ca me semble meilleur de juste aller a le bureau de postes dans le ville / village quand les residants vont la-bas pour se approvisioner (du bouffe, biere, etcetera)

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  3. Bonjour Richard,

    Je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul québécois qui s’intéresse aux dessous des affaires gouvernementales et politiques. Vous comme moi, avons lu le week-end dernier, le même article rédigé par Dany Doucet. Comme vous le savez, en politique ou à la haute direction des grandes entreprises, les portes-paroles doivent toujours être très prudents dans leurs commentaires et propos et trop souvent, la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Et oui, la loi est si bien faite au Canada que malheureusement, il est parfois impossible de dire les vraies choses, sous peine de poursuites judiciaires. Je suis certain que je vous apprends rien ici.

    Votre article est très juste, mais les lecteurs ne le verront jamais à Radio-Canada, La Presse, Journal De Montréal, etc. Aujourd’hui, un autre article du même genre est parut sur le site de Radio-Canada et dans celui-ci, Michel Larouche souligne qu’il y a eu un enregistrement de 117 accidents et 3 morts, depuis les 4 dernières années, moment qui correspond parfaitement à la signature de la dernière convention collective des Travailleurs et Travailleuses des Postes. De plus, il est aussi vrai de dire qu’il avait été convenu l’inclusion des Facteurs ruraux, à titre d’employé de Postes Canada, à part entière. Il est aussi vrai de dire, qu’avant la signature de cette convention, ces employés ruraux étaient des contracteurs à soumissions.

    Malheureusement, les médias prennent toujours la part des syndicats et c’est ce qui empêche la vérité d’éclater. Si un porte-parole de Postes Canada écrivait sur votre site, peut-être qu’il écrirait quelque chose du genre à : En effet, si vous habités en campagne, probablement que votre boite aux lettres va foutre le camp parce que, nos employés ruraux, maintenant syndiqués, ont été  »brainwashé » un petit peu trop en santé et sécurité par leur syndicat et dorénavant, le simple fait de se déplacer pour aller travailler représente, pour eux, un danger.

    Imaginez un porte-parole de Postes Canada qui dit cela dans les médias. Il est certain qu’il ne finira pas sa journée de boulot. Et pourtant, c’est en partie la vérité. Par contre, d’un autre côté, il est peut-être possible que certaines boites aux lettres soient devenues dangereuses, avec le temps, en raison de l’augmentation de la circulation routière. Mais au point de déplacer 230 000 boites !! C’est une blague, le syndicat y est pour quelque chose, c’est certain.

    Mais bon, comme nous sommes dans un monde de mensonge, il est certain que cela ne se dira pas dans les médias populaires comme il ne se dira pas plus que le transport ambulancier est surchargé car il est utilisé comme taxi par les assistés-sociaux, que les hôpitaux sont utilisés comme hôtel de luxe en fin de mois par ceux qui n’ont plus d’argent de leur chèque de bs. Pourtant, il suffit que de connaitre une personne dans le milieu de la santé pour savoir cela, mais vous en entendrez pas parler dans les médias.

    Bref, c’était mon témoignage et merci de m’avoir permis de le partager avec tous.

    Nicola

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  4. Je vais dire la même chose ce que j’ai dit dans un forum de discussion,que je ne nommerai pas et je cites,

    «La manière démagogique de Postes Canada et du Gouvernement Harper si vous ne voulez pas vous débarrasser de votre boites aux lettres au bord de la route et de votre cour,donc plus de courrier pour vous et vous ne pourrez plus en recevoir.»

    «C’est beau hein comme décision ? Tout ça parce que tout d’un coup,c’est rendu trop dangereux pour le facteur,qui livre vos lettres et vos comptes importants,comme les comptes banquaires,électricité,de téléphone,du cable et de l’internet,et ceux des taxes municipales et scolaires et vos petites lettres d’amour en automobile.»

    «FOUTAISE.» «Il faut se lever debout et dire à Postes Canada et à Stephen Harper,que les postes,c’est un droit acquis.» «Pas un privilège.»

    Maintenant,ce que je ne comprends pas et ce que je trouve bizarre c’est, Comment ça se fait que ce n’était pas dangereux pour les facteur qui livraient le courrier postal dans les régions rurales,pendant tant d’années,et là,tout d’un coup,c’est dangereux ?

    Expliquez moi ça ? Parce que moi,je trouve que c’est pour une manière de faire encore plus d’argent sur notre dos,que pour des raisons de sécurité. Est-ce que je me trompes ?

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  5. @ Cyrus:

    La poste rurale n’est pas vraiment rentable, à proprement dire. Avec le prix des carburants, ce service l’est d’ailleurs de moins en moins. C’est probablement l’une des raisons qui a poussé le syndicat des postiers à inclure les postiers ruraux parmi leurs membres, d’autant plus que les postiers « à pied » sont de moins en moins fréquents, dans nos villes modernes; ceux-ci, surtout dans les nouvelles banlieues, sont remplacés par les « super-boîtes », auxquelles les gens s’arrêtent pour prendre leur courrier.

    Quant aux bureaux de poste de villages, ils ne sont souvent ouverts que de 9h00 à 17h00, jamais en soirée, et sont souvent fermés de midi à 14h00, faute de personnel. Donc, pas très pratique pour les gens qui veulent y passer en faisant les courses. C’est pourquoi on introduit, de plus en plus, les comptoirs postaux dans d’autres commerces, comme les pharmacies; si cette façon de faire est pratique, dans les villes de moyenne et de grande taille, elle est souvent impossible dans les petits villages, faute de commerces intéressés, d’une part, et d’autre part, le fait de fermer un bureau de poste signifie souvent, pour les citoyens de la place, la fermeture du village, et tout le monde s’y oppose.

    @ Nicola:

    Je suis né à la campagne, et du temps que je me souvienne, le type qui passait le courrier, en voiture, était un cultivateur, qui faisait ce travail entre la traite de ses vaches du matin, et celle du soir. Il était toujours accompagné d’un membre de sa famille, plus souvent qu’autrement de sa femme, ce qui lui évitait de s’étirer à chaque fois, pour parvenir à mettre le courrier dans la boîte aux lettres depuis sa position de conduite.

    Puis, un jour, le contrat fut repris par un jeune, qui accomplissait le travail tout seul, avec un véhicule de type Suzuki Sidekick. Un jour que j’étais passé à la maison, je demande à mon frère à quelle heure, environ, il passait le courrier, ce à quoi il me répondit « Ça dépend de son niveau de brosse de la veille », ce qui donne un idée de sa fiabilité. Son contrat fut repris par une jeune dame, qui oeuvrait aussi comme surveillante, le midi, dans une école primaire du village, et comme « barmaid », certains soirs. Si ma mémoire est fidèle, c’est elle qui est devenue une employée syndiquée des Postes.

    Quant aux dires du porte-parole de Postes Canada, au sujet du projet-pilote de véhicules à conduite à droite, dans la région de Trois-Rivières, c’est loin d’être une primeur; un concessionnaire Hyundai de Joliette transformait son modèle de base de l’époque, une Pony (ce n’est donc pas d’hier), afin d’y installer la conduite à droite. Il en a vendu plusieurs exemplaires à des facteurs ruraux, à l’époque. Le porte-parole n’évoque le syndicat d’aucune façon, dans les propos publiés dans l’article, mais je crois qu’il s’agit surtout d’une décision qui vise à répondre à des plaintes syndicales, et que l’on tente de refiler la facture aux citoyens. Malheureusement, le syndicat va se tirer dans le pied, car si beaucoup de boîtes aux lettres ne sont plus desservies, le nombre de facteurs va diminuer, de par la reconfiguration des routes rurales que cela apportera. Et bien sûr, le syndicat se plaindra, directement devant les médias, cette fois, du geste « inhumain » de l’employeur de couper le gagne-pain de leurs membres.

    Bref, tout cela sonne comme un refrain connu, pour moi.

    @ Sylvain Lacroix:

    J’ai bien peur que Stephen Harper ait bien peu à voir avec ce genre de décision. En fait, il s’agit plutôt, selon moi, d’une décision de dirigeants de Postes Canada, en réaction à une éventuelle hausse des primes de CSST, que la société doit verser, parce que la CSST est payée à 100% par l’employeur. Avant, quand les facteurs ruraux étaient à leur propre compte, ils devaient s’inscrire eux-mêmes à la CSST, afin de bénéficier de compensations, en cas d’accident du travail, mais maintenant, c’est à Postes Canada s’assumer la facture totale, et comme les facteurs ruraux sont désormais syndiqués, il devient facile, pour un délégué syndical, de dire à un facteur qui s’est blessé, même très légèrement, de « se mettre sur la CSST », ce qui augmente sensiblement les frais de l’employeur, en bout de ligne.

    Aussi, comme c’est la cas de nombreux nouveaux secteurs résidentiels, qui sont desservis par des « super-boîtes », il est probable que Postes Canada veuille aller dans le même sens, cette fois avec la poste rurale, dans le but de réduire ses coûts.

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  6. @Richard,

    Je vais dire comme vous Stephen Harper et sa bande n’ont à peu près rien à voir là-dedans. La seule chose dont on pourrait peut-être les blâmer est de ne pas complètement privatiser Poste Canada où à tout de moins maintenir la vis serrée face à ces employés de société d’état. Après tout, ils ont le pouvoir de mettre leur poing sur la table et de dire c’est assez et forcer les gens à abdiquer face au gros bon sens.

    J’aurais également l’impression que le syndicat est également sévèrement à blâmer dans ce genre d’affaire. Cependant, quand il y a du syndicalisme des « deux bords de la table de négociation », on peut s’attendre définitivement à ce genre d’aberrations.

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