(Voir la mise à jour, à la fin du texte.)
Depuis quelques jours, on entend parler des “Janettes”, dans les médias. C’est que Janette Bertrand (oui oui, “la” Janette Bertrand), auteure et activiste bien connue, a écrit une lettre ouverte, signée par une vingtaine de femmes, et publiée dans plusieurs quotidiens, ce mardi 15 octobre. La lettre, qui tient en quatre petits paragraphes, tente de faire un lien entre la lutte des femmes pour l’égalité avec les hommes, au Québec, lutte qui a abouti, entre autres, au droit de vote pour les femmes, et une autre lutte, celle pour le “dévoilement” des femmes voilées, qu’elle essaie tant bien que mal d’associer à la Charte des valeurs québécoises, déposée par le gouvernement de Pauline Marois, il y a de cela quelques semaines.
D’abord, elle a le droit de dire qu’elle “se souvient” de la lutte pour le droit de vote aux femmes, mais il faut s’en tenir à la textuelle, et ne pas conclure qu’elle a elle-même lutté pour ce droit. Lorsque le gouvernement d’Adélard Godbout a adopté la loi accordant le droit de vote aux femmes, le 25 avril 1940, Janette avait 15 ans et un mois, tout juste! Elle peut donc très bien s’en souvenir, mais je serais très surpris qu’elle soit elle-même sortie sur la place publique, à l’époque.
Mais le pire ne vient pas de la lettre elle-même, mais des entrevues accordées aux médias, suite à la publication de la lettre. Jeannette Bertrand elle-même a déclaré, dans une entrevue à La Presse, “Je n’aimerais pas être soignée par une femme voilée. J’aurais peur. Je me dirais: Tout d’un coup, dans sa religion, qu’on ne soigne pas les femmes autant que les hommes, qu’on laisse partir les vieux plus vite.” Sur quoi se base-t-elle pour dire de tels propos? Cela devient du racisme à peine voilé, c’est le cas de le dire! De toute façon, si madame Bertrand n’a pas confiance au système de santé québécois, de peur de tomber sur une femme voilée, elle peut toujours se faire suivre aux USA, elle en a sûrement les moyens!
Et que dire de Denise Filiatrault, autre signataire de la lettre ouverte. À Paul Arcand, dans une entrevue au 98,5 fm, lorsque celui-ci lui a demandé “Qu’est-ce que vous dites aux femmes qui disent avoir choisi de porter le voile?”, elle lui a répondu “Fuck off, c’est pas vrai, ça. C’est des histoires de bonshommes. Quand elles ne le portent pas, elles se font réprimander quand c’est pas pire et au bout, quand ça marche plus, on les sacre dans le lac. C’est notre choix? Voyons donc, ce sont des folles.” L’extrait audio nous montre bien le ton utilisé par madame Filiatrault; c’est un ton de mépris, le ton de celle qui regarde la chose du haut de sa hauteur, le ton de celle qui dit “C’est moi, qui a raison, et les autres, vos gueules!”
Il faut également tenir compte de certains faits. D’abord, ce n’est pas la loi ayant accordé le droit de vote aux femmes qui a affranchi celles-ci de la domination, par la religion catholique romaine, dans les années 1960 et 1970, mais bien un ensemble de prises de conscience qui a mis des décennies à se mettre en place, famille par famille. Ainsi, le parallèle que tente de faire Janette Bertrand, dans sa lettre, ne tient pas la route. Ce n’est pas une loi qui a permis l’émancipation des femmes face à l’église (et accessoirement face aux hommes), et encore une fois, ce n’est pas avec une loi que l’on finira par réconforter les Janettes. Ensuite, comme Janette Bertrand ose le prétendre, si une femme voilée pourrait risquer de moins soigner les femmes, ou les vieux, ce n’est pas le port, ou non, du voile qui va y changer quoi que ce soit. Un homme médecin musulman pourrait avoir les mêmes objectifs, et les mettrait à exécution à visage découvert. Comprenez-moi bien, toutefois; mon but n’est pas de soupçonner les médecins musulmans de ne pas soigner tous les patients, loin s’en faut, mais bien de dire que, de deux choses l’une; soit que Janette Bertrand se fait des peurs pour rien, ou encore qu’elle se sert du côté émotif des québécois de souche pour leur mettre des idées préconçues dans la tête. Et si c’est la seconde option qui prime, Janette Bertrand fait alors dans le racisme le plus primaire!
À l’image de la religion catholique romaine, la religion musulmane finira par se “décloîtrer”, et c’est déjà commencé; de plus en plus de gens vont et viennent librement, sans se soucier de l’heure de la prière, ou dans quelle direction se trouve La Mecque. Mais comme pour les cathos, il faudra lui laisser le temps. Il a fallu des décennies pour retirer l’influence catholique de la politique, et cela n’empêche pas des milliers de femmes de porter le crucifix! Ce n’est pas en obligeant les musulmanes à se dévoiler complètement, serait-ce par une loi, que l’on fera avancer les choses plus rapidement. Tout ce que l’on risque de faire, c’est de braquer les gens les uns contre les autres, et Janette Bertrand, de par sa lettre, y a mis du sien.
MISE À JOUR (18 octobre 2013, 10h42)
Sur le site web de La Presse, ce matin, voici que Denise Filiatrault s’excuse, pour certains propos exprimés lors de l’entrevue avec Paul Arcand. Trop peu, trop tard, madame! Souvenez-vous de l’histoire du gamin et de la clôture!
Très bel article, par contre je doit dire que je ne suis pas pour ni contre ton article. Je crois que c plutôt une atteinte a notre orgueil en tant que femmes québécoises de voire ces femmes voilées. Non je ne me souviens pas de toute cette bataille que les femmes ont menées et qu’elles mènent encore mais on dirait que c viscérale. Nos mères nous le lèguent et ça devient génétique. Personnellement j’adore ces femmes pour avoir travaille avec plusieurs d’entre elle . Même si elle me disait que ce n’étais pas par soumission j’ai toujours eu un doute. Peu importe de comment jeannette et Denise ont parlée je crois qu’elle feront avancer le débat et c’est ce que nous voulons que nous soyons pour ou contre parce que c ça la démocratie et la liberté d’expression. Merci Richard de lancer aussi le débat de part ton opinion!
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Salut Richard,je suis entièrement d’accord avec ta position et tu l’as exprimée d’une façon très mesurée.Tu devrais envoyer ton commentaire en lettre ouverte à La Presse.Cela pourraît faire des vagues puisque tu touches à certaines icônes de la culture populaire Québécoise mais cela en vaudrait la peine. Je t’y encourage.
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@ Élianne:
Merci beaucoup pour ton commentaire. J’apprécie énormément ton ouverture d’esprit; tu sais accueillir les opinions divergentes dans le respect, et j’avoue que c’est plutôt rare. Je te remercie encore, et reviens commenter quand tu veux, la porte sera toujours ouverte pour toi!
@ Pierre Martel:
Merci à toi aussi pour ton commentaire. Quant à ta suggestion, La Presse n’accepte que les textes contenant moins de 600 mots, soit l’équivalent d’une page 8½ x 11 tapée à double interligne, et mon billet en contient plus de 900. Faire des coupes de cet ordre enlèverait toute la « mesure » de mon texte, ce qui risquerait de le rendre tout aussi radical que les opinions que l’on lit sur Twitter, où la limite de 140 caractères fait que lorsque l’on y écrit, on ne fait pas dans la dentelle, si je puis dire. Mais la tentation y était, c’est certain! Merci encore, et reviens quand tu veux!
@ tous:
Je ne suis pas un fan de Marc Cassivi, de La Presse, mais dans ce texte, intitulé « L’indignation sélective », et publié hier, il rejoint assez bien ma pensée.
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A lire le titre du présent article de ce site libertarien, j’ai la vive impression de m’être trompé et d’avoir atteris sur un site « libertaire » (sic) « anarcho-communiste » qui vient à mettre l’Église catholique romaine, de Vatican II, sur le même pied d’égalité que l’islam salafiste.
Á tout le moins sur un site digne de la gaugauche québécoise abusivement naïve et déconnectée qui croit au Père Noël et à « tout le monde est beau et gentil ».
Mais on connaît bien les objectifs de ces « libertariens » et « libertaires de droite » (sic) assurément « anarcho-capitalistes » prêts à vendre leur mère au nom du libre-marché et de la sacro-sainte liberté individuelle et mercantile, quitte à offrir leur propre pays sur un plateau d’argent à l’islam conquérant.
Si cet auteur avait un brin de connaissance sur le sujet, il se serait donné la peine pour faire la distinction entre l’islam sunnite ou alaouite « plus modéré » que les islamistes integristes qui font un travail d’infiltration comme on ne l’a jamais vu au leu de leur donner le bon dieu sans confession.
Pour cette raison, mieux vaut que ces « anarchistes de droite » comme ces autres (tout aussi nocifs) « anarchistes de gauche » demeurent marginaux dans l’esprit du peuple et de la nation euro-occidentale québécoise.
Profiter du débat sur la laicité pour faire du PQ Bashing, c’est une chose. S’en prendre à la majorité québécoise d’un neo-liberalisme apatride et multiculture, c’est tout autre chose…
Donc vous savez où mettre vos accusations de « racisme » à la gaugauche quebec solidaire?!?!?!
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@ caporal punition:
Je suis heureux de lire votre commentaire; cela me permettra de faire une certaine mise au point sur la différence entre les théories et ce que j’appelle « le plancher des vaches ».
Nous devons sûrement, vous et moi, provenir de milieux très différents; vous, d’un monde universitaire, dans lequel sans diplôme, point de salut, et moi, d’un monde plus terre-à-terre, où chacun fait de son mieux avec ce qu’il a en mains.
Depuis votre monde, on peut facilement « catégoriser » (excusez-moi d’inventer le terme) les personnes, et leurs races, autant religieuses, et politiques, que génétiques; c’est ainsi que, malgré votre légère hésitation entre le libertarien, le libertaire de gauche anarcho-communiste, ou le libertaire de droite anarcho-capitaliste, vous n’hésitez pas à me cataloguer. Pour vous, il s’agit de bien définir les classes, et de leur appliquer toute la gamme de théories et de sophismes correspondants, de façon à mieux leur cracher dessus. Comme nous sommes dans un pays libre, vous avez bien sûr le droit de le faire.
Dans mon monde, on apprend à composer avec toutes les personnes qui nous entourent, et à bâtir avec les forces de chacun. Aussi, que le collègue de travail soit sunnite ou alaouite, tout ce qui compte, c’est de ne pas trop lui piler sur les pieds pendant le Ramadan, si l’on veut que la journée de travail demeure harmonieuse. Comme eux ne nous cassent pas les noix avec les questions de référendums et de constitution. J’ai travaillé avec de nombreux musulmans, des deux sexes, et aucun n’a jamais tenté de m’envahir, ni de me convertir. Il en est résulté une excellente compréhension de l’autre, dans une bonne entente globale.
Je suis de ceux qui croient que l’on doit punir les personnes coupables d’actes répréhensibles, et non pas de priver les gens de leurs droits sous prétexte de prévention de tels actes. C’est vraiment curieux, mais je constate que la très grande majorité des « québécois de souche » se dit ouverte et inclusive, mais dès qu’arrive quelqu’un de différent, ou quelqu’un qui ne fait pas les choses comme eux le font, ils sont sur la défensive, et sautent aux interdits. Bref, beaucoup prétendent « vivre et laisser vivre », mais bien peu l’appliquent dans leur vie.
Je crois donc qu’il serait mieux d’attendre que vos intégristes commettent des actes, afin de les arrêter, et qu’ils subissent les foudres de la loi, comme cela se produit au quotidien, au lieu d’empêcher tout le monde de vivre à sa façon.
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Excellente replique a ce « cpl punition ». Est-ce criminel de porter un voile? Non! Case close. Pour le reste des racistes qui souhaitent reprimer des libertés individuelles. Ca c’est beaucoup plus inquietant!
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Merci, Dan.
Anyway, à voir aller la plupart des nations européennes, de façon générale, et pas seulement sur la façon qu’ils traitent leurs immigrants, je n’ai pas vraiment envie de faire partie d’une nation « euro-occidentale » québécoise! Presque tous les pays d’Europe sont au bord de la catastrophe, économiquement parlant, et le Québec, grâce entre autres à Jean Charest, mais particulièrement à Pauline Marois, s’en va exactement dans la même direction. À force de courir après les voiles, et les crucifix, nous serons placés dans la même situation économique que les Grecs, et ce avant longtemps!
Nos chers amis péquistes, quand ils comparent la situation à ce qui s’est produit en France, oublient un détail qui est loin d’être négligeable, à savoir celui de la paperasserie administrative d’un processus d’immigration. Voici; si l’immigrant en France doit se plier à une loi qui interdit le port du voile, il doit, pour l’éviter, changer de pays à nouveau, ce qui implique de recommencer toutes les formalités liées à l’immigration. Au Québec, pour éviter de se plier à une telle loi, tout ce que l’immigrant – disons qu’il habite Montréal – a à faire, c’est de se louer un camion, et de rouler deux heures vers l’ouest; il débarquera à Ottawa, dans le même pays, et changera d’employeur. C’est tout! Pas besoin de reprendre tout le processus d’immigration.
Du coup, toute cette belle main-d’oeuvre que nous sommes allés chercher au Maghreb, parce qu’elle parle français, va nous filer entre les doigts. Et la raison en est simple; au lieu de se cloîtrer dans le français, comme nous encouragent à le faire nos bons dirigeants péquistes, ces immigrants, pour la plupart, parlent déjà l’anglais, et pourront se débrouiller « coast-to-coast »! Alors pendant qu’eux reconstruiront leur vie en moins de deux, nous devrons couper des places en garderies, fermer des lits dans les hôpitaux, les délais vont s’allonger dans nos urgences, etc., et ce pour cause de manque de personnel qualifié! Encore!
À court terme, Janette Bertrand a les moyens de se faire suivre aux USA; la plupart des québécois n’ont probablement pas ces mêmes moyens!
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