Éducation: On continue de niveler par le bas!

Une de mes amies Facebook (et amie dans la vraie vie, aussi!  Oui oui, j’en ai!) m’a partagé une lettre ouverte, publiée sur le site web de La Presse, en disant “J’ai hâte de connaître ton opinion!”  La lettre est écrite par Stéphane Lévesque, qui se présente comme un enseignant de français au secondaire, ce qui lui donne l’avantage de voir le système d’éducation de l’intérieur.  Il intitule sa lettre “Le diplôme d’études secondaire n’est plus”.

Dans sa missive, il explique que depuis la réforme de l’éducation (j’ajoute ici qu’il s’agit d’une autre grande réalisation de Pauline Marois!), les élèves de 1ère année du secondaire ne peuvent plus “couler” leur année, parce que l’on considérait désormais les deux premières années du secondaire comme un cycle, et que l’évaluation se ferait globalement, pour ces deux années, à la fin du cycle.  La chose avait choqué, dit-il, mais on avait rassuré les profs en leur disant qu’il faudrait aux élèves 28 unités sur 36, en 2e secondaire, pour passer en 3e.  Sauf que sa commission scolaire – qu’il ne nomme pas – vient de décider de continuer d’évaluer les élèves à la fin de la 2e année du secondaire, comptant les deux premières années comme un cycle, mais d’abaisser le nombre d’unités requises, pour passer à la 3e année, de 28 à 18, sur 36.  Ce qui revient à dire que le jeune qui coule tout son secondaire 1, et la moitié de ses cours en secondaire 2, passera quand même au secondaire 3.  Le tout fait en sorte que les élèves seront de moins en moins qualifiés, à mesure qu’ils atteindront les dernières années du secondaire.  L’auteur de la lettre conclut qu’en 2017, le diplôme d’études secondaires n’aura plus de diplôme que le nom, et que celui-ci ne sera plus qu’un permis de travail.  Il dit également que ce faisant, on a pelleté une bonne partie du problème du décrochage scolaire sous le tapis.

Cela revient à ce que je concluais dans plusieurs billets, depuis nombre d’années, à savoir que lorsque se produisent des problèmes, dans les écoles, on se fout royalement des enfants, et on va au plus court, avec la bénédiction des syndicats, bien sûr.  Mais avant de lancer tout le fiel à la commission scolaire – que Stéphane Lévesque prend bien soin de ne pas nommer, je vais demander à ce professeur de français au secondaire quels sont les efforts qu’il fait, personnellement, pour que la matière soit intéressante – à défaut d’être excitante – pour ses élèves.  Évidemment, on me dira que ce n’est pas une mince tâche de rendre la grammaire française excitante, mais comme le disait Johanne Girard, qui enseignait en 5e année du primaire, dans l’ouest de l’île de Montréal, lorsqu’elle a accordé une entrevue à Sébastien Ménard, du Journal de Montréal, entrevue que j’ai rapporté dans ce billet, il faudrait à tout le moins que les profs aient le goût de rentrer à l’ouvrage, le matin!

Dans une usine de broche à foin, on peut avoir l’air bête, en se pointant au travail; il n’y a que la machine sur laquelle on travaille qui va s’en rendre compte.  Dans une école, surtout au primaire et au secondaire, l’humeur que l’on affiche en entrant dans une classe peut changer l’atmosphère de celle-ci du tout au tout!  Quand on entre avec une bonne humeur qui se voit, et se sent, c’est difficile pour un jeune de persister à avoir l’air bête.  Bien entendu, Stéphane Lévesque ne nous indique pas s’il entre dans sa classe avec un sourire communicatif, on encore s’il arrive avec l’air d’un accident qui s’en va quelque part pour arriver!  Pour avoir longtemps côtoyé des gens syndiqués, et non-syndiqués, dans des situations comparables, je peux vous dire par expérience que les gens syndiqués sont toujours plus difficiles à faire sourire que les autres; je ne sais pas si c’est à cause du “combat” à poursuivre, ou d’une autre raison, mais il reste que l’humeur que l’on affiche, en tant que prof, fait partie de l’ensemble des éléments qui vont assurer le succès – ou l’échec – d’un élève, d’une classe, et d’une école.

Bien sûr, le fait d’abaisser les exigences pour passer d’un niveau à un autre n’encourage en rien la réussite, au contraire!  Elle encouragera le jeune à privilégier le moindre effort, parce que de toute façon, il va passer quand même.  Cela devient plus difficile pour le prof de motiver ses troupes.  Celui-ci doit donc trouver un moyen pour stimuler ses élèves, les sortir de leur bulle, et les amener à montrer ce dont ils sont capables.  L’auteur de la lettre mentionne que la décision origine des gestionnaires de sa commission scolaire, mais il n’indique pas si les conditions qu’il constate sont présentes seulement dans la sienne, ou s’il en est de même à travers tout le Québec.  Le cas échéant, l’amour de la langue française – pour s’en tenir à cette matière – ne sera qu’un peu plus théorique, et le fait de bien la parler, et de bien l’écrire, tiendra davantage du discours identitaire que de l’objectif de réussite en éducation.

Dommage.

Enseignement: Je savais que je n’étais pas le seul à le voir!

J’ai déjà écrit quelques billets, dans un passé plus ou moins récent, au sujet de l’enseignement, au Québec.  J’ai souvent mentionné, ici ou ailleurs dans la blogosphère, que la meilleure façon d’éviter le décrochage, au primaire (un enfant qui reste dans sa classe, mais qui ne suit pas, a déjà décroché, selon moi) et au secondaire, c’est de permettre aux profs d’enseigner ce qui les passionne, et pour ce faire, il faut attribuer les postes selon les compétences, et non pas selon l’ancienneté.  Même qu’une fois, je donnais l’exemple d’une future prof passionnée d’arts plastiques qui, lors d’un stage, a littéralement séduit tous ses élèves, ainsi que la sévère chargée de stage qui devait la contrôler.  Je vous présente ici un autre exemple.

Dans le cadre de la série « Les meilleurs profs du Québec », Sébastien Ménard, du Journal de Montréal, est allé rencontrer Johanne Girard, et ses élèves de 5e année, à l’école Perce-Neige, un établissement multiethnique et défavorisé, situé à Montréal, dans l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro, arrondissement que je connais un peu, pour y avoir résidé, il y a plusieurs années.  Cela peut sembler tout ce qu’il y a de plus incompatible, à prime abord, mais cette prof est à la fois sévère, et « cool » (et fort jolie, au demeurant!).  L’article de Ménard parle évidemment de son job de prof, ainsi que de divers trucs de discipline qu’elle applique en classe (parce qu’elle applique de la discipline), mais ce qui est venu me chercher se trouve dans le petit jeu de questions et réponses, à la fin de l’article, et plus précisément à la toute dernière question.  Jugez-en par vous-même.

Q Si vous étiez ministre de l’Éducation, que changeriez-vous ?

R Moi, je suis tannée de voir des profs qui n’ont pas le goût d’être là.

C’est ça qui fait la différence dans nos écoles.

Il y en a quelques-uns qui ne sont pas capables d’arriver avec le sourire le matin.

Quand je pense qu’un enfant va passer toute la journée avec ces profs-là, ça me dépasse. C’est sûr que ce n’est pas facile, qu’on a la réforme, mais tout se fait.

Je ne sais pas ce que la ministre devrait faire, mais il faudrait trouver une solution à ce problème.

Johanne risque de se faire des ennemis, parmi ses collègues.

C’est clair que lorsque l’on ne fait pas quelque chose que l’on aime, cela se transmet dans son entourage; l’air bête que l’on affiche va se passer, de personne en personne, au fur et à mesure de nos interventions, et en bout de ligne, tout le monde aura hâte que ça se termine.  Et comme les enfants sont très influençables, ils seront les premiers à en souffrir.  Finalement, comme je le disais, ils auront rapidement décroché, et ce sans même sortir de leur classe.

C’est la principale raison pour laquelle je préconise constamment la préséance des compétences sur l’ancienneté, lors de l’attribution des postes, au primaire et au secondaire.  D’ailleurs, c’est ce qui se passe au collégial, et à l’universitaire; comme les profs enseignent ce dans quoi ils sont spécialistes, ils ont hâte de communiquer leur savoir – et leur passion – à leurs étudiants.  Je me demande pourquoi on a permis que ce ne soit pas comme cela, au primaire et au secondaire; est-ce que les « spécialistes » du ministère de l’éducation prendraient les enfants pour des lemmings?  Pourtant, le taux de décrochage nous démontre trop bien que les enfants ne sont pas si cons qu’on le croit; ils constatent bien que le prof n’en sait pas beaucoup plus long qu’eux.

Je doute fort que ce billet se retrouve sous les yeux de la ministre Michelle Courchesne, mais je vais le dire quand même, juste au cas où.  Je joins ma voix à celle de Pascal Bourdeau, de Marie-Anick Arsenault, de David Soucy, et de toutes les Johanne Girard du Québec, qui se démènent pour tenter de rendre l’école intéressante, aux yeux des enfants, et je somme la ministre de trouver une solution à ce problème qu’est le décrochage.  Et à mes yeux, l’une des principales pistes de solutions passe par l’attribution des postes selon la compétence, et non par l’ancienneté.