J’ai déjà écrit quelques billets, dans un passé plus ou moins récent, au sujet de l’enseignement, au Québec. J’ai souvent mentionné, ici ou ailleurs dans la blogosphère, que la meilleure façon d’éviter le décrochage, au primaire (un enfant qui reste dans sa classe, mais qui ne suit pas, a déjà décroché, selon moi) et au secondaire, c’est de permettre aux profs d’enseigner ce qui les passionne, et pour ce faire, il faut attribuer les postes selon les compétences, et non pas selon l’ancienneté. Même qu’une fois, je donnais l’exemple d’une future prof passionnée d’arts plastiques qui, lors d’un stage, a littéralement séduit tous ses élèves, ainsi que la sévère chargée de stage qui devait la contrôler. Je vous présente ici un autre exemple.
Dans le cadre de la série « Les meilleurs profs du Québec », Sébastien Ménard, du Journal de Montréal, est allé rencontrer Johanne Girard, et ses élèves de 5e année, à l’école Perce-Neige, un établissement multiethnique et défavorisé, situé à Montréal, dans l’arrondissement Pierrefonds-Roxboro, arrondissement que je connais un peu, pour y avoir résidé, il y a plusieurs années. Cela peut sembler tout ce qu’il y a de plus incompatible, à prime abord, mais cette prof est à la fois sévère, et « cool » (et fort jolie, au demeurant!). L’article de Ménard parle évidemment de son job de prof, ainsi que de divers trucs de discipline qu’elle applique en classe (parce qu’elle applique de la discipline), mais ce qui est venu me chercher se trouve dans le petit jeu de questions et réponses, à la fin de l’article, et plus précisément à la toute dernière question. Jugez-en par vous-même.
Q Si vous étiez ministre de l’Éducation, que changeriez-vous ?
R Moi, je suis tannée de voir des profs qui n’ont pas le goût d’être là.
C’est ça qui fait la différence dans nos écoles.
Il y en a quelques-uns qui ne sont pas capables d’arriver avec le sourire le matin.
Quand je pense qu’un enfant va passer toute la journée avec ces profs-là, ça me dépasse. C’est sûr que ce n’est pas facile, qu’on a la réforme, mais tout se fait.
Je ne sais pas ce que la ministre devrait faire, mais il faudrait trouver une solution à ce problème.
Johanne risque de se faire des ennemis, parmi ses collègues.
C’est clair que lorsque l’on ne fait pas quelque chose que l’on aime, cela se transmet dans son entourage; l’air bête que l’on affiche va se passer, de personne en personne, au fur et à mesure de nos interventions, et en bout de ligne, tout le monde aura hâte que ça se termine. Et comme les enfants sont très influençables, ils seront les premiers à en souffrir. Finalement, comme je le disais, ils auront rapidement décroché, et ce sans même sortir de leur classe.
C’est la principale raison pour laquelle je préconise constamment la préséance des compétences sur l’ancienneté, lors de l’attribution des postes, au primaire et au secondaire. D’ailleurs, c’est ce qui se passe au collégial, et à l’universitaire; comme les profs enseignent ce dans quoi ils sont spécialistes, ils ont hâte de communiquer leur savoir – et leur passion – à leurs étudiants. Je me demande pourquoi on a permis que ce ne soit pas comme cela, au primaire et au secondaire; est-ce que les « spécialistes » du ministère de l’éducation prendraient les enfants pour des lemmings? Pourtant, le taux de décrochage nous démontre trop bien que les enfants ne sont pas si cons qu’on le croit; ils constatent bien que le prof n’en sait pas beaucoup plus long qu’eux.
Je doute fort que ce billet se retrouve sous les yeux de la ministre Michelle Courchesne, mais je vais le dire quand même, juste au cas où. Je joins ma voix à celle de Pascal Bourdeau, de Marie-Anick Arsenault, de David Soucy, et de toutes les Johanne Girard du Québec, qui se démènent pour tenter de rendre l’école intéressante, aux yeux des enfants, et je somme la ministre de trouver une solution à ce problème qu’est le décrochage. Et à mes yeux, l’une des principales pistes de solutions passe par l’attribution des postes selon la compétence, et non par l’ancienneté.