3e lien Québec-Lévis: C’est donc compliqué d’avoir une vision d’avenir

C’est aujourd’hui, 14 avril, que le ministre des transports du Québec, François Bonnardel, et la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, ont présenté une « mise-à-jour » du projet de 3e lien entre Québec et Lévis. De gros changements, en comparaison avec la version 2021, ont été dévoilés lors de ce point de presse. Voyons voir…

D’abord, exit le plus gros tunnelier au monde. Le projet passe d’un gros tube à deux plus petits, ce qui, dit-on, réduit les risques liés à la construction, et augmente la concurrence lors de l’étape des appels d’offres. Ensuite, les deux chaussées compteront deux voies chacune, au lieu de trois, et seront gérées par un système de « gestion dynamique des voies », qui réservera, par exemple, une des deux voies pour le transport en commun lors des heures de pointe. Finalement, la facture passera de 10G$ à 6,5G$, soit une économie de plus de 25% des coûts.

À mon point de vue, le gouvernement tente de réparer les pots cassés, dans ce dossier. Il a commencé par s’embarrasser d’une promesse électorale, celle de la première pelletée de terre avant la fin de ce mandat. Puis, après s’être cassé les dents sur la première mouture du projet (le tunnel sous la pointe ouest de l’île d’Orléans), il a vu l’enthousiasme du grand Québec, ravi de la deuxième mouture (centre-ville à centre-ville), tomber à plat lors du dévoilement de la facture. Maintenant, il s’agira de voir, outre les réactions des oppositions à l’Assemblée nationale, comment la région de la Capitale-Nationale va réagir à cette troisième mouture.

Je veux bien croire que le maire de Québec, Bruno Marchand, n’en veux rien savoir, mais il faudra qu’il se rende bien compte, un jour ou l’autre, que sa ville a le luxe de tergiverser sur la solution au problème de circulation inter-rives, et ce avant que le problème soit total. Montréal aurait bien aimé avoir cette chance. Parce que l’expérience a démontré que malgré un nouveau pont (à six voies, Olivier-Charbonneau, sur l’autoroute 25), et l’avènement du métro à Laval, le volume de circulation n’a pas vraiment diminué entre les deux rives de la rivière des Prairies. Et la raison est simple; l’étalement urbain, qui traumatise présentement le maire Marchand, était déjà installé bien avant les nouvelles infrastructures.

Il devra comprendre que l’on ne peut pas forcer les gens à habiter des condos en hauteur, et que les résidences unifamiliales, avec une cour arrière suffisamment grande pour y installer une piscine, sont tout simplement inabordables en ville, 3e lien ou pas. C’est un phénomène qui existe depuis les tout-débuts de l’organisation municipale. Le maire Marchand devra faire avec, qu’il le veuille ou non.

Pour en revenir au tunnel lui-même, le gouvernement, en essayant de flatter les opposants dans le sens du poil, est en train de transformer un projet désiré, et attendu, en un gaspillage total. D’abord, l’idée de réduire le nombre de voies de trois à deux, par direction, vient réduire l’efficacité du lien; il aidera à la circulation pendant une dizaine d’années, quinze tout au plus, au lieu de soulager la situation à plus long terme. Parce que comme je l’ai déjà mentionné, la théorie de la circulation induite, ce n’est qu’une théorie. Toute région qui attire plus de gens aura inévitablement plus de gens en circulation. Ensuite, quand le gouvernement se rendra bien compte que le nouveau lien est plein, lui aussi, il sera trop tard pour essayer d’y ajouter des voies.

Parce qu’il faut l’avouer; la voiture individuelle ne disparaîtra pas de sitôt. On peut faire rouler les véhicules à l’électricité, à l’essence, au diesel, à l’hydrogène, ou même à l’huile de foie de morue (…non, j’exagère), il n’en demeure pas moins que les gens voudront se déplacer quand bon leur semble. Et les transports en commun n’offrent pas cette latitude, surtout hors des grands centres. Ainsi, les lieux où la population augmente auront besoin, tôt ou tard, de nouveaux liens, quelle que soit leur forme. Et puisqu’il en faut, autant les construire de façon qu’ils soient les plus efficaces possibles, le plus longtemps possible. Malheureusement, le gouvernement actuel semble avoir perdu de vue cet objectif.

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3e lien Québec-Lévis: Vous oubliez un détail ou deux, madame Hachey!

Je viens de lire une chronique d’Isabelle Hachey, sur le site web de La Presse, intitulé “L’éléphant dans la pièce”.  Quoique bien instructif, particulièrement au sujet de la Katy Freeway (Interstate-10), un monstre de 26 voies qui traverse Houston, au Texas, ce texte de madame Hachey ne prouve rien en ce qui concerne le 3e lien Québec-Lévis, dont la dernière annonce du ministre des Transports du Québec, François Bonnardel, nous permet désormais de savoir qu’il prendra la forme d’un tunnel.

Il ne prouve rien parce que l’augmentation du nombre de véhicules aurait sans doute lieu, qu’il y ait nouveau lien ou pas. Le problème, c’est que nos bons gouvernements ne planifient pas le nombre de voies disponibles sur le réseau routier en fonction de la potentielle augmentation du volume de la circulation, mais plutôt en fonction des belles annonces qui, espèrent-ils, se traduiront par des votes en leur faveur dans les urnes, aux prochaines élections. À preuve, le pont Samuel-de-Champlain, inauguré en grandes pompes cette semaine; malgré sa “bénédiction” par un chef Mohawk, il n’améliorera pas la circulation entre Montréal et sa rive-sud. Pourquoi? Parce qu’à l’instar de l’ancien pont Champlain, inauguré en 1962, et qui sera définitivement condamné ce lundi, le nouveau pont fut construit avec trois voies par direction, alors qu’il en aurait fallu au moins cinq.  Parce que la population, entre autres, a définitivement augmenté, des deux côtés du fleuve, depuis 57 ans.

Même le gouvernement actuel, dont le parti en est à sa première expérience au pouvoir, s’est fait prendre à ce même petit jeu, en promettant un tunnel au lieu d’un pont, ainsi qu’une autre infrastructure, un pont à haubans, pour rejoindre l’île d’Orléans, en remplacement du vieux pont suspendu.  Juste ça, c’est au moins un demi-milliard de dollars jeté par-dessus bord! Il aurait été mieux de construire un seul pont pour relier l’île, y mettre un échangeur, et poursuivre vers la rive-sud, quitte à y aller en tunnel, quoique j’aurais préféré un autre pont, question de permettre une deuxième option pour le transport des matières dangereuses.

Et ça, c’est l’autre détail oublié par madame Hachey; le camionnage.

À Montréal, il se perd quelque chose comme deux milliards – peut-être même davantage –  par année, à travers l’économie, juste dans les bouchons de circulation, via les retards qu’ils provoquent. Le 3e lien Québec-Lévis sert principalement à éloigner le jour où la grande région de Québec deviendra aussi congestionnée que celle de Montréal, parce que l’économie verte a beau promouvoir les commerces de proximité, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ne reçoivent toujours pas leurs marchandises par téléportation! Et ce n’est pas demain la veille du jour où cela va se produire. L’économie a besoin de routes. De plus, prenez les voitures électriques, si prisées par nos amis verdoyants; elles devront toujours bien rouler quelque part!  Bref, il faudra toujours des routes. Et comme la population augmente, la demande de routes aussi.

Ce n’est pas tout le monde qui veut – ou qui peut – se payer un appartement, ou un condo, dans la vieille capitale; je lisais dernièrement qu’un terrain, à Québec, pour une construction résidentielle, pouvait se détailler jusqu’à 175,000$, ce qui est carrément inabordable pour les familles de la classe moyenne. Un tel coût poussera définitivement ceux-ci vers les banlieues, que ce soit Donnacona, ou Beaumont, où le prix des terrains résidentiels se situe plutôt dans les 60,000 à 75,000$; l’économie représente presque tout le coût de la maison! Or, en bagnole, sans trafic, Google Maps donne un trajet qui se réalise, dans les deux cas, en 36 minutes. Quand on clique sur l’icône des transports en commun, encore une fois dans les deux cas, il n’y a rien! Niet! Comme dans “zéro, pis une barre”! Google indique:

“Désolé, nous n’avons pas pu calculer l’itinéraire en transports en commun entre « Québec » et « Donnacona » .”

Idem pour Beaumont, by the way!

Peut-être existe-t-il du transport en commun, entre ces villes et Québec, mais Google Maps, manifestement, n’est pas au courant.  De toute façon, s’il y avait eu une véritable demande de transport en commun entre les deux rives du fleuve, le vénérable pont de Québec aurait très bien pu servir de voie privilégiée pour établir des lignes de train de banlieue.

Autrement dit, qu’on ne vienne pas essayer de me faire brailler avec le concept de “circulation induite”; c’est un concept aussi vague que celui des “retombées économiques”, et ce même si la très grande majorité des festivals, à travers la belle province, dit baser son existence sur cette théorie.  Isabelle Hachey a beau amener trois métaphores pour tenter d’expliquer l’inutilité du 3e lien Québec-Lévis, elle ne me convainc pas du tout.  Au contraire, je lui répondrai par une seule; ce n’est pas parce que l’on rapetisse la conduite d’eau que les gens, au bout de celle-ci, auront moins soif.

Ma première réplique à Madeleine Pilote-Côté

J’aime bien, vous le savez, répliquer à un texte paragraphe par paragraphe.  Comme cela fait un sacré bout que je n’ai pas commis l’exercice, l’idée de le faire m’est venue aussitôt que j’ai lu le texte de la dernière recrue du Journal de Montréal, Madeleine Pilote-Côté.

Diplômée de l’école nationale de l’humour, elle s’était inscrite à un concours intitulé “Les novices”, qui visait à faire connaître aux lectorat du Journal de Montréal de nouveaux chroniqueurs d’opinion.  Et comme elle a remporté le concours, on voit de ses textes, à l’occasion, dans les pages d’opinion du quotidien montréalais.

Sa dernière colonne, parue dans l’édition papier de ce matin, m’a sauté aux yeux.  Bien entendu, je ne peux pas lui reprocher d’avoir une opinion. Au contraire; nous devrions tous, autant que nous sommes, suivre suffisamment l’actualité pour être capable d’avoir sa propre idée sur des sujets qui nous intéressent.  Par contre, et j’espère que ce sera le cas pour madame Pilote-Côté, le fait d’exprimer une opinion inclut aussi le fait que l’on doive s’attendre à ce que d’autres personnes aient une opinion contraire.

Allons-y donc! Le texte de Madeleine Pilote-Côté sera en couleur, alors que mes répliques seront en noir.

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L’homme blanc: d’un océan à l’autre

Présentement, au Canada, tous les premiers ministres des provinces sont des hommes blancs de plus de 45 ans. Allô la diversité.

C’est la victoire de Dennis King, mardi passé à l’Île-du-Prince-Édouard, et celle de Jason Kenney la semaine d’avant en Alberta qui ont tué mon espoir de voir mon pays représenté par une pluralité de visages. Dix provinces canadiennes, 10 premiers ministres baby-boomers blancs.

Évidemment, madame Pilote-Côté fait ce constat alors qu’il n’y a pas si longtemps, pas moins de 5 femmes occupaient simultanément la fonction de premier ministre de diverses provinces du Canada.

Pourquoi est-ce que je prends ces élections pour faire l’objet de ma chronique d’aujourd’hui ? C’est parce que je ne me sens pas représentée par ces dirigeants politiques. Quand je marche dans la rue, je vois un Canada coloré, féminin, masculin, homo, noir, métis… Pourquoi ne vois-je pas cette diversité sur la scène politique ? Je veux me voir, je veux nous voir, je veux être représentée par des gens qui sont à l’image de ce qu’est mon pays dans toute son hétérogénéité.

Mais les canadiens sont représentés par des gens qui sont à l’image de ce qu’est le Canada dans toute son hétérogénéité!  Pour l’heure, les premiers ministres des provinces sont tous des hommes blancs parce que ça s’adonne comme ça pour l’instant, mais lors des prochains scrutins, qui sait de quoi le portrait aura l’air.  Comme je l’écrivais plus tôt, il fut une époque pas si lointaine où 5 femmes étaient premières ministres; en effet, entre le 11 février 2013 et le 24 janvier 2014, Kathleen Wynne (première lesbienne déclarée, de surcroit) était en poste en Ontario, Christy Clark en Colombie-Britannique, Kathy Dunderdale en Terre-Neuve-et-Labrador, et Alison Redford en Alberta, sans oublier Pauline Marois au Québec, dirigeaient les destinées de leur province respective.

Diversité, où te caches-tu ?

Il y a à peine trois décennies, personne n’aurait souligné cet état de fait. Nous vivions alors dans une société où non seulement les femmes, mais aussi les minorités étaient sous-représentées. Aucune mesure n’était instaurée pour corriger le tir.

Dites-moi, madame Pilote-Côté, quel genre de mesure pourrait-on mettre en place pour obliger les gens à voter pour ceux – ou celles – qu’ils ne veulent pas voir en poste?

Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus à trouver que cela doit changer. À ressentir une « écœurantite », un « ça va faire ». À savoir que ces déclinaisons de Blancs qui nous sont proposées ne sont pas représentatives de la large palette des identités qui forment notre nation. Combien de temps allons-nous laisser les choses aller ? Surtout quand on sait qu’à ce rythme, c’est dans 106 ans que nous atteindrons la parité.

La meilleure façon de représenter une population donnée est encore de mettre sa face sur un poteau.  Je prendrai l’exemple ici de ma députée fédérale, Ruth Ellen Brosseau.  Elle a fait davantage parler d’elle, lors de sa première candidature, en 2011, à cause du voyage qu’elle a fait à Las Vegas, en pleine campagne électorale, et par son ignorance totale de sa circonscription (elle a avoué l’avoir trouvé via Google Maps!) que par son expérience politique, qui était alors nulle.

Une fois sa victoire confirmée, elle a eu une formation accélérée auprès de son parti politique, le NPD.  Ensuite, elle est allée voir son vis-à-vis provincial de l’époque, Jean-Paul Diamond, et lui a demandé les bons vieux “trucs du métier”, ce qu’il s’est fait un plaisir de lui donner.  En fait, cela se résumait en une phrase; “sois partout!”  Elle mit en pratique les conseils qu’elle a reçus, et lors de la campagne suivante, elle a battu son plus proche adversaire par plus de 8900 votes (de majorité!), alors que plus de la moitié des députés sortants du NPD, élus comme elle lors de la célèbre “vague orange”, ont carrément mordu la poussière.

Le programme de son parti est diamétralement opposé à ce que je recherche en politique fédérale, mais si je me retrouve en situation où je dois “voter l’homme”, comme on disait autrefois (c’est-à-dire voter pour la personne avant le parti), c’est clair qu’elle aura mon appui, car à titre de députée, elle fait une sacrée bonne job. Reste à savoir si son chef, Jagmeet Singh, saura faire remonter la pente à son parti; selon les derniers sondages, il semble qu’on soit loin de la terre promise!

J’ose espérer que si la tendance se maintient, ma génération propulsera aux postes de pouvoir les citoyens sous-représentés : femmes, personnes racisées, handicapées, trans et tous les autres. Et là, on pourra dire qu’on s’est prévalus de gouvernements majoritairement représentatifs.

Il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier; les électeurs votent pour un programme avant de voter pour la diversité. Si une femme – ou une personne disons différente – présente un programme dont les électeurs ne veulent pas, elle ne gagnera pas! Point! C’est ainsi que Rita Johnson a mordu la poussière en Colombie-Britannique, en 1991, et que Kim Campbell a fait de même en 1993, sur la scène fédérale. La première femme à vraiment gagner ses élections – à titre de première ministre – fut Catherine Callback, à l’Ïle-du-Prince-Édouard, en janvier 1993.

Suite à la défaite de Hillary Clinton, face à Donald Trump, chez nos voisins du Sud, en 2016, d’aucuns se demandaient si madame Clinton avait perdu parce qu’elle était une femme.  La réponse est non.  Elle n’a pas perdu parce qu’elle est une femme; elle a perdu parce qu’elle est Hillary Clinton.  Elle a fait sa marque en tant que secrétaire d’état pendant le premier mandat de Barack Obama, et son passé a parlé pour elle.

De retour chez nous, l’une des époques les plus effervescentes, en politique, fut après l’échec de l’Accord du lac Meech; c’est à cette époque que les québécois sont passés à deux cheveux de se donner un pays bien à eux.  À ce moment-là, on aurait pu présenter une perruche pour le PQ qu’elle se serait fait élire!  J’exagère à peine!  Si vous voulez être représentée par un – ou une – personne sous-représentée, c’est simple; votez pour cette personne, et encouragez vos voisins à faire de même.  Voilà!

3e lien: Catherine Dorion aussi dit n’importe quoi!

Depuis un jour ou deux, nous avons tous vu – ou à tout le moins entendu parler de – la vidéo de la députée solidaire de Taschereau, Catherine Dorion, qui raconte que le 3e lien – dans le grand Québec – est comme une ligne de coke.  Regardons cette intervention de plus près.

Madame Dorion raconte que ce serait un éventuel 3e lien qui pousserait les gens à s’établir “super-loin” du centre-ville, et de ce fait, le répit que ce lien apporterait à la circulation serait de courte durée, soit environ deux ou trois ans, toujours selon ses dires.  Dans les faits, le scénario de madame Dorion – c’est scénarisé puisque l’on voit les multiples coupures dans l’enregistrement – présente la chose en regardant du mauvais côté des lunettes d’approche.  Les gens s’établissent en banlieue, plus ou moins rapprochée, parce que les propriétés qu’ils recherchent sont inabordables – ou tout simplement inexistantes – en ville.  Aussi, pour trouver la propriété recherchée à un prix accessible, les gens doivent s’établir de plus en plus loin de la ville.  Il y a donc, puisque les deux liens actuels sont côte-à-côte, de plus en plus de gens qui se présentent “à la tête des ponts”, comme on dit communément; à l’échangeur A-20/A-73 le matin, et à l’échangeur A-73/A-540/QC-175 l’après-midi.

Ce que madame Dorion prend bien soin de ne pas mentionner, dans son scénario qui sonne bien, c’est que cet axe – même s’il y a deux ponts – est le seul qui permet de relier les régions de Québec et de Lévis.  Or, ces deux villes sont à l’ouest de cet axe, et qu’un nouveau lien à l’est permettrait d’établir ce que la majorité des grandes villes ont, c’est à dire une autoroute périphérique.  Une telle infrastructure permet, en principe, de contourner une agglomération sans y pénétrer.  Et ça, c’est essentiel pour un autre type de transport que madame Dorion oublie – par inadvertance ou non, et c’est le transport de marchandises par camion.  Si l’on permet aux camions de choisir une ou l’autre des traversées du fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de la région de Québec, soit entre le pont Pierre-Laporte et le 3e lien, on allège la circulation, et améliore la fluidité.

Je serais curieux de connaître l’expérience routière – mesurée en kilomètres par année au volant d’un véhicule – de madame Dorion.  Pour ma part, en tant que camionneur, j’estime mon expérience à quelque chose comme entre 150,000 et 180,000 kilomètres par année, et ce à travers l’Amérique du Nord.  Je dirai à madame Dorion que les seuls endroits où les problèmes de circulation sont aussi sévères qu’au Québec sont les endroits où l’on a négligé ces problèmes.  Le Québec a négligé l’entretien de ses routes, mais a aussi et surtout négligé le développement de son réseau routier supérieur.  Le Québec est en retard d’environ 40 ans sur le développement de son réseau, ce qui entraîne une détérioration accélérée de son réseau actuel, qui est, forcément, surutilisé.  Cela entraîne une multiplication des travaux d’urgence, une prolifération des cônes orange, et un niveau supérieur de cas de rage au volant, dont seuls les cas aux conséquences les plus graves sont médiatisés.

De nombreuses métropoles américaines investissent dans leur réseau d’autoroutes, situation dans laquelle il est important de mentionner que le réseau des Interstate de nos voisins du Sud reçoit un financement fédéral à hauteur de 90%.  Le secret de leur succès est que les investissements se font avant que la circulation ne devienne trop problématique.  Aussi, il faudrait prendre exemple sur les Américains.  Chez nous, au contraire, il faut que ça tombe à terre avant d’y mettre des fonds; pensons à l’échangeur Turcot, ou au pont Champlain, où il a fallu passer à deux doigts de véritables drames avant que des investissements soient annoncés.

Madame Dorion dit, dans sa vidéo, que des solutions comme le 3e lien ne durent, au mieux, que deux ou trois ans.  Je ne nie pas que, dans la situation actuelle, un nouveau lien fixe puisse effectivement se remplir assez rapidement; d’ailleurs, un nouveau pont entre Montréal et sa rive sud, par exemple, ne changerait pas grand chose à la situation actuelle, tellement elle est problématique.  Par contre, les situations problématiques en transport en commun ne se règlent pas de façon permanente non plus!  Parlez-en aux usagers du métro, à la station Henri-Bourassa, à Montréal, qui passent leur temps à regarder des rames remplies d’usagers de Laval passer dans leur face.  Les temps changent, les situations démographiques aussi, et aucune situation ne se règle jamais “une fois pour toutes”.

En bout de ligne, les usagers du transport en commun de Québec ont besoin d’un réseau structurant – c’est la plus grande agglomération en Amérique du Nord à ne pas en avoir un, et les gens de la rive sud de Québec ont besoin d’un 3e lien, afin d’éviter que la situation, dans le grand Québec, ressemble à celle de Montréal.  Aussi, contrairement à ce que prétend madame Dorion, nous devrions être capables de marcher, et de mâcher de la gomme, en même temps; le réseau structurant, et le 3e lien, s’adressent à deux clientèles différentes, et aucune d’entre-elles ne mérite de passer avant l’autre.

Éducation: On continue de niveler par le bas!

Une de mes amies Facebook (et amie dans la vraie vie, aussi!  Oui oui, j’en ai!) m’a partagé une lettre ouverte, publiée sur le site web de La Presse, en disant “J’ai hâte de connaître ton opinion!”  La lettre est écrite par Stéphane Lévesque, qui se présente comme un enseignant de français au secondaire, ce qui lui donne l’avantage de voir le système d’éducation de l’intérieur.  Il intitule sa lettre “Le diplôme d’études secondaire n’est plus”.

Dans sa missive, il explique que depuis la réforme de l’éducation (j’ajoute ici qu’il s’agit d’une autre grande réalisation de Pauline Marois!), les élèves de 1ère année du secondaire ne peuvent plus “couler” leur année, parce que l’on considérait désormais les deux premières années du secondaire comme un cycle, et que l’évaluation se ferait globalement, pour ces deux années, à la fin du cycle.  La chose avait choqué, dit-il, mais on avait rassuré les profs en leur disant qu’il faudrait aux élèves 28 unités sur 36, en 2e secondaire, pour passer en 3e.  Sauf que sa commission scolaire – qu’il ne nomme pas – vient de décider de continuer d’évaluer les élèves à la fin de la 2e année du secondaire, comptant les deux premières années comme un cycle, mais d’abaisser le nombre d’unités requises, pour passer à la 3e année, de 28 à 18, sur 36.  Ce qui revient à dire que le jeune qui coule tout son secondaire 1, et la moitié de ses cours en secondaire 2, passera quand même au secondaire 3.  Le tout fait en sorte que les élèves seront de moins en moins qualifiés, à mesure qu’ils atteindront les dernières années du secondaire.  L’auteur de la lettre conclut qu’en 2017, le diplôme d’études secondaires n’aura plus de diplôme que le nom, et que celui-ci ne sera plus qu’un permis de travail.  Il dit également que ce faisant, on a pelleté une bonne partie du problème du décrochage scolaire sous le tapis.

Cela revient à ce que je concluais dans plusieurs billets, depuis nombre d’années, à savoir que lorsque se produisent des problèmes, dans les écoles, on se fout royalement des enfants, et on va au plus court, avec la bénédiction des syndicats, bien sûr.  Mais avant de lancer tout le fiel à la commission scolaire – que Stéphane Lévesque prend bien soin de ne pas nommer, je vais demander à ce professeur de français au secondaire quels sont les efforts qu’il fait, personnellement, pour que la matière soit intéressante – à défaut d’être excitante – pour ses élèves.  Évidemment, on me dira que ce n’est pas une mince tâche de rendre la grammaire française excitante, mais comme le disait Johanne Girard, qui enseignait en 5e année du primaire, dans l’ouest de l’île de Montréal, lorsqu’elle a accordé une entrevue à Sébastien Ménard, du Journal de Montréal, entrevue que j’ai rapporté dans ce billet, il faudrait à tout le moins que les profs aient le goût de rentrer à l’ouvrage, le matin!

Dans une usine de broche à foin, on peut avoir l’air bête, en se pointant au travail; il n’y a que la machine sur laquelle on travaille qui va s’en rendre compte.  Dans une école, surtout au primaire et au secondaire, l’humeur que l’on affiche en entrant dans une classe peut changer l’atmosphère de celle-ci du tout au tout!  Quand on entre avec une bonne humeur qui se voit, et se sent, c’est difficile pour un jeune de persister à avoir l’air bête.  Bien entendu, Stéphane Lévesque ne nous indique pas s’il entre dans sa classe avec un sourire communicatif, on encore s’il arrive avec l’air d’un accident qui s’en va quelque part pour arriver!  Pour avoir longtemps côtoyé des gens syndiqués, et non-syndiqués, dans des situations comparables, je peux vous dire par expérience que les gens syndiqués sont toujours plus difficiles à faire sourire que les autres; je ne sais pas si c’est à cause du “combat” à poursuivre, ou d’une autre raison, mais il reste que l’humeur que l’on affiche, en tant que prof, fait partie de l’ensemble des éléments qui vont assurer le succès – ou l’échec – d’un élève, d’une classe, et d’une école.

Bien sûr, le fait d’abaisser les exigences pour passer d’un niveau à un autre n’encourage en rien la réussite, au contraire!  Elle encouragera le jeune à privilégier le moindre effort, parce que de toute façon, il va passer quand même.  Cela devient plus difficile pour le prof de motiver ses troupes.  Celui-ci doit donc trouver un moyen pour stimuler ses élèves, les sortir de leur bulle, et les amener à montrer ce dont ils sont capables.  L’auteur de la lettre mentionne que la décision origine des gestionnaires de sa commission scolaire, mais il n’indique pas si les conditions qu’il constate sont présentes seulement dans la sienne, ou s’il en est de même à travers tout le Québec.  Le cas échéant, l’amour de la langue française – pour s’en tenir à cette matière – ne sera qu’un peu plus théorique, et le fait de bien la parler, et de bien l’écrire, tiendra davantage du discours identitaire que de l’objectif de réussite en éducation.

Dommage.