Camionnage: Ils l’ont voulu, alors qu’ils vivent avec!

Après de multiples efforts pour venir à bout de combler des milliers d’emplois disponibles, voilà que les compagnies de camionnage doivent recruter ailleurs dans le monde pour dénicher de nouveaux chauffeurs.  C’est ce que rapportait le Journal de Montréal, le 4 mars dernier, sous la plume d’Yvon Laprade.  Le problème, c’est que l’industrie du camionnage s’est fermée elle-même la porte à d’éventuels excellents employés, et ce par excès de paresse.  Je m’explique.

Ce n’est pas d’hier que l’industrie du transport par camion lourd est en mode de recrutement.  Plusieurs entreprises de camionnage ont même offert des bonis en argent sonnant pour recruter des chauffeurs.  Sauf que parmi les candidats qui s’y présentaient, plusieurs étaient des passionnés de la route qui avaient, oh! malheur, accumulé des points d’inaptitude à leur permis de conduire.  Et le fait d’avoir à enquêter, auprès de la SAAQ, pour chacun des candidats, afin de vérifier si son dossier de conducteur correspondait bien avec les prétentions de son CV, demandait beaucoup de temps, et de moyens, à ces compagnies.

Elles ont donc confié à leur puissant lobby de s’adresser directement à la SAAQ, afin de réglementer l’accessibilité au permis de conduire des classes 1 (ensemble camion-remorque), 2 (autobus de plus de 24 passagers) et 3 (camion porteur de gros format), dans le but d’empêcher les détenteurs de permis de conduire affichant des points d’inaptitude d’obtenir ces classes de permis.  Une telle façon de faire permettrait aux compagnies de transport d’avoir des candidats présentant soit de l’expérience, soit un permis de conduire sans tache majeure.  La SAAQ a donc adopté un règlement dans ce sens, faisant en sorte que quiconque a plus de 3 points d’inaptitude à son dossier ne puisse obtenir un permis de classe 1, 2 ou 3.  Le règlement va encore plus loin, puisque même le permis d’apprenti-conducteur, pour ces classes, est inaccessible, ce qui veut dire qu’un candidat à l’obtention d’un tel permis, qui a 4 points ou plus à son dossier, ne pourra même pas suivre la formation en attendant que son dossier se libère des points en trop.

Comprenez-moi bien; je ne dis pas que les compagnies de transport se doivent d’engager des conducteurs dangereux.  Par contre, pour des passionnés de la route, qui doivent composer avec un point ici, deux points là, etc., c’est facile d’accumuler plus de 3 points, à la longue.  Parce que le problème, vous en conviendrez, avec les points d’inaptitude, c’est qu’ils ne prouvent pas nécessairement que l’on est un mauvais conducteur, mais plutôt que l’on a pas vu le radar du policier à temps.  Et comme il faut deux ans pour que les points d’inaptitude s’effaçent du dossier d’un conducteur, et que contrairement à un criminel, qui a violé ou tué, il n’y a aucun moyen d’avoir une « remise de peine » pour des points accumulés, cela met parfois un frein à des personnes qui pourraient profiter d’un tel métier pour améliorer leurs conditions de vie.  Il est clair dans mon esprit qu’une telle réglementation permet aux compagnies de transport d’éviter de véritables « dangers publics », mais elle empêche également à ces mêmes compagnies de compter sur des conducteurs qui, même s’ils ont accumulé quelques points, au fil du temps, demeurent des conducteurs consciencieux, qui aiment la route et les déplacements.

Évidemment, cette raison n’est pas la seule cause des difficultés de recrutement de l’industrie du camionnage.  Il y a aussi le fait de devoir quitter la maison pour plusieurs jours, pour des voyages sur de longues distances.  Les nombreuses heures de travail quotidien, ainsi que le fait d’avoir à composer avec les intempéries, et les sautes d’humeur de Dame Nature, sont d’autres raisons qui font que les gens y pensent à deux fois avant de se diriger vers une carrière dans ce domaine.  Mais si les entreprises de transport n’avaient pas demandé une telle réglementation à la SAAQ, elles n’auraient peut-être pas à faire face à une telle pénurie de chauffeurs, et à se payer des missions de recrutement à l’étranger.  D’ailleurs, lorsque la SAAQ a adopté cette réglementation, elle prétendait le faire pour augmenter la sécurité routière; or, les statistiques des dernières années ont prouvé que cette règle n’a rien amélioré de ce côté, bien au contraire!

Bref, l’industrie du camionnage s’est tirée dans le pied en faisant adopter « la règle des 3 points » par la SAAQ, et elle doit maintenant vivre avec les conséquences de cette règle.

Jeff Healey: Le cancer a fini par gagner

Le site web de Radio-Canada publiait, il y a deux heures à peine, que le chanteur de blues et de rock Jeff Healey venait de perdre son combat contre le cancer, dans un hôpital de Toronto.  Il était âgé de 41 ans.  Il laisse dans le deuil son épouse Cristie, sa fille Rachel, 13 ans, et son fils Derek, trois ans.

Jeff Healey a toujours été un fonceur.  Ayant perdu la vue dès l’âge d’un an, des causes d’une rare forme de cancer, il a commencé à jouer de la guitare à 3 ans.  Il avait une façon particulière de jouer; il posait sa Fender Stratocaster sur ses genoux.  Il a formé son premier groupe à l’âge de 17 ans, puis plus tard, forma le trio qui porta le nom de Jeff Healey’s Band.  Il a fait partie de la distribution du film Road House, en 1989, auprès de Patrick Swayze, Ben Gazzara, Kelly Lynch et Sam Elliott.  Il a connu le succès sur disque avec l’album See The Light, contenant entre autres le succès Angel Eyes.  Après d’autres albums rock, il se tourna, au cours des années 1990, vers l’une de ses passions, soit le jazz des années 1920, 30 et 40.  Il devint une vedette internationale, partageant la scène avec les plus grands noms, dont B. B. King et Stevie Ray Vaughn, et enregistrant avec George Harrison, Mark Knopfler, ainsi qu’avec une légende du blues, le regretté Jimmy Rogers.

Malgré tout ce succès, il préférait rester près de chez lui, avec sa femme et ses enfants, et ne faisait plus beaucoup de grandes tournées.  Il a animé une émission de radio, sur les ondes de CBC, intitulée My Kinda Jazz, pendant plusieurs années, et une autre, plus récemment, du même titre, sur Jazz-FM, à Toronto.  Il aimait particulièrement faire tourner des pièces rares, et très peu entendues, issues de sa propre collection de plus de 30,000 disques 78 tours.

Les détails de ses obsèques seront connus plus tard, cette semaine.

Personnellement, Jeff Healey m’a toujours impressionné.  Quelques-unes de ses chansons tournent régulièrement à CHOM, la station classic rock montréalaise que j’écoute constamment, dont sa propre version de While My Guitar Gently Weeps, des Beatles.  Il était la preuve que peu importe les écueils que la vie peut mettre sur son chemin, il y a moyen de voir l’espoir, et d’aller au bout de ses rêves.  Il a perdu la vue, il s’est pratiquement toujours battu contre le cancer, mais il est quand même parvenu, en tenant sa guitare comme personne d’autre, à devenir une vedette, à jouer sur scène, comme en studio, avec les plus grands, et à prendre sa place parmi eux.  Par ces mots, je tente de passer le message à ceux qui se prétendent pauvres, dans la misère, rejetés, qu’il y a toujours de l’espoir, et qu’il faut croire en ses rêves.

Évidemment, il ne faut pas seulement y croire; il faut aussi passer à l’action.

J’espère que la vie de Jeff Healey sera portée à l’écran, afin de bien montrer que même avec des handicaps, on peut aller au bout de ses rêves.