La taxe de Jackie Smith, ou comment atteindre le contraire de ce que l’on vise

La conseillère municipale de Limoilou, à Québec, Jackie Smith, met au défi le maire de la ville, Bruno Marchand, de financer la gratuité des transports collectifs en imposant une nouvelle taxe sur l’immatriculation des véhicules. Cette nouvelle ponction proposée par la conseillère, aussi membre du conseil d’administration (CA) du Réseau de transport de la Capitale (RTC), ferait passer la taxe d’immatriculation de 30$ à… 1167$. Oui oui, vous avez bien lu; une modeste augmentation de 1137$, ou encore de 3890%.

Ben mieux que ça; elle a sommé monsieur le maire de clarifier ses intentions avant la prochaine séance du CA, qui avait lieu à 17h00 hier (mercredi 1er mai). Elle a même laissé entendre qu’elle allait claquer la porte du conseil d’administration du RTC si Marchand ne se rendait pas à ses arguments.

Ces informations sont tirées d’un article d’Olivier Lemieux, paru hier après-midi sur le site web de la Société Radio-Canada, article qui se complétait ainsi; “Le cabinet du maire Marchand n’a pas souhaité commenter la sortie de la cheffe de Transition Québec.” Parce que madame Smith est aussi la cheffe, et la seule représentante élue, du parti municipal Transition Québec.

Je présume donc qu’il y aura un siège vacant au sein du CA du RTC au moment où j’écris ces lignes, ou pas longtemps après. L’avenir nous le dira. Par contre, pour ce qui est de passer aux nouvelles, et avoir un tant-soit-peu de visibilité dans les médias, Jackie Smith a manifestement réussi, à tout le moins auprès de la SRC.

On voit souvent des coups d’éclat de ce genre; il y a quelques jours à peine, les maires de Montréal, Laval et Longueuil ont signé une lettre, adressée à la ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, réclamant un rehaussement du financement des transports collectifs dans leurs villes, lettre dans laquelle on retrouvait différents scénarios, conduisant même à une hausse de la taxe d’immatriculation allant jusqu’à 228$. La ministre a répondu vaguement à des députés de l’opposition, devant la commission qui étudie les crédits budgétaires, que les transports collectifs n’étaient pas une “mission de l’état”, et que le gouvernement n’allait pas éponger systématiquement les déficits des sociétés de transports en commun, sociétés sur lesquels Québec n’a aucun contrôle.

Faisons un exemple, dans lequel Jackie Smith était parvenue à convaincre le maire de Québec d’augmenter la taxe d’immatriculation à 1167$ par année. Évidemment, une telle décision devrait forcément passer par une résolution au Conseil municipal, ce qui, je présume, n’était pas possible, mais bon, disons que pour les fins de l’exemple, elle y soit parvenue. Imaginons ce qui pourrait se produire.

L’espoir de la conseillère aurait été un feu de paille; elle qui disait “Ça va nous donner 350 millions de dollars en revenus. C’est plus que le budget total du Réseau de transport de la Capitale.”, madame Smith verrait ses prédictions s’amenuiser rapidement, en ce sens que tous les locataires qui possèdent une, ou plusieurs voitures s’enfuiraient hors des limites de la ville, de façon à échapper à la nouvelle taxe. À moyen terme, il en serait de même pour plusieurs propriétaires de condos de Québec, qui iraient acquérir une propriété hors de la vieille capitale, le tout augmentant ainsi le volume de circulation sur les voies rapides et les traversées du fleuve, augmentant la pression en faveur… de la construction d’un 3e lien autoroutier, ainsi qu’une augmentation du taux de gaz à effet de serre, que la conseillère souhaite pourtant voir diminuer.

Tout cela pour dire qu’une fleur ne pousse pas plus vite si l’on tire dessus. Et pour montrer, comme si cela était encore nécessaire, que “trop d’impôt tue l’impôt”. Les sociétés de transports en commun devraient commencer par examiner leurs frais en profondeur; des chauffeurs payés jusqu’à 30% plus chers que dans l’industrie, des administrateurs ayant plusieurs “bénéfices marginaux” coûteux, sans parler de leurs propres salaires, et bien d’autres choses encore, pourraient être coupées, ou substantiellement rationalisées, dans le but de réduire leurs coûts, de façon à réduire, et éventuellement éliminer, leurs déficits d’opérations. Ainsi, ces sociétés n’auraient pas à formuler des ultimatums au gouvernement, sachant très bien que ceux-ci resteront lettre morte.

3e lien: C’est encore le camionnage qui va écoper

La nouvelle de l’abandon du projet de 3e lien Québec-Lévis a soulevé toutes sortes de réactions; soulagement pour les uns, trahison pour les autres. À mes yeux, tout projet routier qui est annulé représente un autre retard à combler par l’offre pour satisfaire la demande, toujours grandissante.

Bon, toujours grandissante, c’est vide dit; la pandémie de COVID-19 a offert un répit de quelques années, ce qui a ralenti la progression de la courbe de la demande en capacité du réseau.

Au lieu de prétexter ce ralentissement pour laisser tomber le projet, le gouvernement aurait dû en profiter pour élargir les diverses études, autant sur la forme du 3e lien (pont ou tunnel) que sur ses coûts. Mais à la place, on a tout simplement noyé le poisson. Le premier ministre, François Legault, était juste trop content de se débarrasser de ce boulet.

À travers tous les arguments avancés par les opposants à ce grand projet, la facture salée revenait très souvent. Pourtant, quand on regarde les estimations de coût du 3e lien, celui-ci se comparait avantageusement au coût du dernier grand projet routier québécois, soit le pont Samuel-de Champlain, qui a coûté 4,24 milliards de dollars pour une longueur totale de 3,4 kilomètres.

J’ai fait un petit calcul – une simple règle de 3, et l’on arrive à 1,247,058.82$ par mètre. Si l’on fait le même calcul pour la version la plus onéreuse du projet, soit le gros tunnel unique de 8,3 kilomètres, au coût de 10 milliards$, on se retrouve avec un coût de 1,204,819.28$ par mètre. Le 3e lien aurait donc été plus économique que le pont Samuel-de Champlain, à hauteur de 42,239,54$ par mètre.

Mais bon, nos gouvernements ne savent pas compter les véhicules par jour qui passent sur un pont; comment peut-on se fier sur eux pour calculer les coûts d’un projet routier?

Trêve de plaisanteries, le problème que cela nous montre, c’est que le gouvernement Legault n’a aucune idée de solution face au vieillissement des deux ponts de la vieille capitale. Ceux-ci demanderont d’énormes investissements juste pour être maintenus avec leur capacité actuelle.

Or, comme il faut maintenant pas moins de dix ans pour construire une traversée du fleuve de l’importance du 3e lien, la population du grand Québec peut se compter chanceuse d’avoir pu profiter du répit de la pandémie, et des conséquences de celui-ci. Elle peut se compter chanceuse aussi de pouvoir trouver une solution pendant que le problème de la circulation entre les deux rives du fleuve est encore gérable.

La population du grand Montréal aurait bien aimé profiter d’une telle chance; avec les travaux actuels au tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine, le pont entre Repentigny et Varennes, inclus dans les conclusions du rapport Nicolet, déposé il y a 20 ans, serait bien utile aujourd’hui.

Mais une fois encore, le grand perdant de toute cette affaire sera l’industrie du camionnage; si les bouchons de circulation privent la grande région de Montréal du quelques milliards de dollars par année, n’allons pas nous imaginer que le grand Québec n’accuse aucune perte, même si la congestion est moindre.

Et comme la téléportation n’est pas pour demain, il faudra composer encore longtemps avec les camions; autant s’organiser pour que ceux-ci puissent circuler le plus fluidement possible. Parce que les citoyens veulent des magasins de quartier bien garnis, il faut s’assurer de leur approvisionnement.

Bref, le gouvernement actuel s’est mis un doigt dans l’oeil en mettant fin au projet de 3e lien Québec-Lévis.

Les batteries de Bécancour: Oui, mais aura-t-on un vrai réseau routier?

Je regardais un reportage de Véronique Prince, de Radio-Canada, sur le développement de la ville de Bécancour; les projets d’usines reliées à ce que l’on appelle désormais la filière batteries tournent à plein régime, question de commencer la production quelque part autour de 2025. Le reportage compare Bécancour à l’ancienne ville de Gagnon, entre Baie-Comeau et Fermont; on dit que les choses ne seront pas pareilles, que Gagnon était isolée au milieu de nulle part, ce qui n’est pas le cas de Bécancour, située au coeur d’une région déjà grouillante d’activités.

Beaucoup d’aspects sont abordés, dans le reportage, mais un aspect important a été, consciemment ou non, ignoré; de quoi aura l’air le réseau routier autour du Parc industriel et portuaire de Bécancour (PIPB) dans les prochaines années? Actuellement, le PIPB est traversé par ce que l’on appelle l’autoroute 30. En fait, il s’agit d’un tronçon isolé de cette autoroute qui, à part pour son échangeur avec l’autoroute 55, n’a pas grand chose à voir avec une autoroute. Les photos de ce billet, qui date des premiers balbutiements de ce modeste blogue, sont encore tout à fait d’actualité, malgré qu’elles datent de 15 ans. Cette section de l’autoroute 30 est ce que j’appelle une super-2 de première génération, munie d’intersections à niveau.

La question qu’il faudra poser à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, est la suivante; va-t-on favoriser les transports ferroviaires et maritimes pour l’expansion du PIPB, au détriment des transports terrestres? On sait qu’il est plus rentable, pour déplacer de grandes quantités de biens, de les mettre sur un train, ou sur un bateau, mais les travailleurs, eux? On parle, dans le reportage, de 5000 travailleurs, le ministre Pierre Fitzgibbon pousse jusqu’à 10,000. Il faudra bien que ceux-ci, et leurs familles, logent quelque part. Au début, ils iront là où les logements sont déjà existants, c’est à dire dans le grand Trois-Rivières, mais ces travailleurs se construiront des maisons, à Bécancour et dans ses alentours. Le réseau routier suffira-t-il à la tâche de permettre les déplacements de ces gens en toute sécurité? L’A-30 actuelle, avec sa configuration de super-2, n’est déjà pas sécuritaire; il faudra doubler cette section, et qui sait, peut-être la prolonger dans les deux sens, d’abord vers Nicolet, ce qui est demandé depuis près de 60 ans, puis, si le besoin s’en fait sentir, vers Gentilly.

Bref, c’est très bien de vouloir dynamiser une région en y amenant de l’industrie nouvelle. Mais pour ce faire, il faut voir à mettre tous les aspects à jour, question de rendre la région attractive non seulement pour des travailleurs qui viendront bosser, mais qui iront vivre ailleurs, mais pour ceux et celles qui voudront s’y installer, et en faire leur chez-soi. Et parmi ces aspects, il y a le réseau routier, qu’il ne faudra surtout pas négliger.

BIXI: Ça va mal à’ shoppe!

Selon ce que rapporte le site web Canoe.ca, la Société de vélos en libre-service (SVLS), qui opère le système BIXI, s’est placé sous la protection de la Loi sur les faillites et l’insolvabilité, ce lundi.  Fondée en 2008, cette supposée réussite n’a fait qu’accumuler des dettes!  Un prêt de 37 millions$ de la ville de Montréal, est encore dû à raison de 31,6 millions, alors que 6,4 millions$ d’une garantie de prêt de 11 millions, aussi de Montréal, ont également été utilisés.  Le maire de Montréal, Denis Coderre, a donc décidé que la ville n’allait plus mettre une cent là-dedans!  Si l’on ajoute les 9 millions$ que la SVLS doit à ses fournisseurs, c’est 47 millions$ que BIXI doit à ses créanciers.

À mes yeux, c’est la fin d’une gigantesque erreur!

La location de vélos devait être laissée entre les mains des différents commerces qui se prêtaient à l’exercice auprès des touristes.  Mais la ville, à l’époque, avait acheté cette autre lubie verte; elle croyait faire des millions avec un système qui allait concurrencer, grâce à l’argent des contribuables, une industrie dans laquelle les protagonistes impliqués faisaient à peine leurs frais.  Maintenant que tous ces commerces ont dû fermer leurs portes, à cause de la concurrence déloyale que j’ai déjà dénoncé, la SVLS se montre incapable de faire le moindre profit, au contraire!  Mais il semblerait toutefois que la ville va trouver, avec la SVLS, un moyen de garder les vélos en ville encore cet été!  Comme quoi l’erreur, finalement, n’est peut-être pas encore terminée!

J’ai entendu, entre les branches, que la Société de transport de Montréal (STM) serait intéressée à poursuivre l’expérience BIXI!  Évidemment, quoi de mieux pour relancer une société dilapideuse de fonds publics qu’une autre société dilapideuse de fonds publics!  Avec son budget qui dépasse le milliard de dollars, la STM aimerait bien, semble-t-il, ajouter cet autre trou sans fond – et sans fonds! – à sa lourde gamme de trous sans fond!  Reste à savoir si, sous la férule de la STM, les BIXI seront aussi fiable que le métro, dont la fiabilité n’est plus tout à fait digne du fleuron qu’avait inauguré Jean Drapeau, à une autre époque.

Québec: Des élections avant les Fêtes?

L’économie est en banqueroute?  Le Québec perd des emplois par milliers?  Pas grave!  Rien de mieux qu’une bonne crise identitaire pour ramener les brebis égarées!  C’est ce que semble se dire le Parti québécois (PQ), ces jours-ci.  Ben mieux que ça; Jean-Marc Salvet, du Soleil, ne met même pas de point d’interrogation à la phrase!

Depuis l’élection du PQ, il y a maintenant un an, les sondages mettaient Pauline 1ère 1ère presque au même niveau que Jean Charest, à l’époque, en ce qui concerne la popularité du premier ministre.  D’un sondage à l’autre, le PQ descendait encore un peu plus, se retrouvant même, à un certain moment, à 11 points derrière les libéraux, dont le nouveau chef, Philippe Couillard, n’a pas mis les pieds dans le Salon bleu de l’Assemblée nationale depuis sa nomination.  Il fallait faire quelque chose, et vite!  Pauline a alors mis en application la bonne vieille recette de Jacques Parizeau; la bonne petite crise identitaire!  Résultat; les sondages remettent le PQ en position plus prometteuse.

Jean-Marc Salvet va même jusqu’à dire que selon ses sources, l’élection partielle, dans la circonscription de Viau, là où Emmanuel Dubourg a démissionné pour se porter candidat du Parti libéral du Canada (PLC) à la succession de Denis Coderre, qui lui lorgne du côté de la mairie de Montréal, “est suspendu jusqu’à ce que Pauline Marois décide si elle convoquera ou pas l’ensemble des Québécois aux urnes en décembre”.  Il ajoute même qu’elle visiterait le lieutenant-gouverneur tout juste après les élections municipales du 3 novembre prochain, soit le, ou autour du, 6 novembre prochain, de façon à convoquer les québécois aux urnes pour le lundi 9 décembre.  Il déclare même que l’un de ses interlocuteurs avance que les chances d’élections sont de “8 sur 10”, et ce sans même qu’il ne lui pose la question!

L’auteur de l’article liste ensuite les arguments qui pourraient faire pencher la balance vers la retenue; l’écart entre libéraux et péquistes, même s’il se resserre, demeure présent.  Des révélations de témoins, devant la commission Charbonneau, pourraient nuire aux péquistes, même si les libéraux courent le même risque.  Sans compter qu’avant de sauter dans l’arène, le PQ devra être certain de rafler une majorité des sièges.  Bref, chez les stratèges péquistes, on semble soupeser le pour et le contre, et on aiguise les armes, en vue d’une bataille qui pourrait être imminente.

Salvet parle ensuite des annonces, déjà faites et à venir, dans les cartons du PQ.  D’abord les “grandes orientations”, comme il les appelle; le projet de loi 14, sur la langue française, et la charte des valeurs québécoises, ont déjà laissé des traces parmi les discussions.  Viendront ensuite trois nouvelles politiques, à être annoncées par le ministre des finances, Nicolas Marceau, portant sur l’industrie, sur le commerce extérieur, et sur la recherche.  Quant à la pluie de millions, un peu partout au Québec, qui précède normalement la tenue d’élections, elle est déjà commencée; investissements de 24,3 M$ en formation professionnelle; 1,2 M$ à Technicolor Canada; 4 M$ pour une nouvelle salle de spectacles à Sherbrooke; 6 M$ d’investissements en Gaspésie, et aux Îles-de-la-Madeleine.  Tout cela, c’est juste lundi dernier!  Le vendredi précédent, on annonçait le prolongement de la ligne verte du métro de Montréal, en plus du “Rendez-vous de la forêt québécoise”, qui se tiendra les 21 et 22 novembre prochain, dans le coin de Roberval, justement là où le chef libéral Philippe Couillard a décidé de se présenter, au prochain scrutin!

Bref, la table est mise pour des élections juste avant Noël!  Il est donc probable que Pauline attende les résultats des deux prochains sondages, afin de prendre sa décision.  Tout indique qu’une fois de plus, elle montrera que sa façon de gérer le Québec diffère très peu de celle de Jean Charest, qui a fait le même coup, en 2008; il dirigeait un gouvernement minoritaire, et a tenté sa chance, juste après une élection fédérale, et ce même s’il avait tout le Québec contre lui.  Il a passé “sur les fesses”, mais il a gagné son pari.

Pauline nous refera-t-elle le coup?