On assiste, depuis quelques jours, au Québec, à une nouvelle vague de dénonciations d’actes répréhensibles sur les médias sociaux. Harcèlement, agressions, intimidation, bref, il y en a pour tous les goûts. Le cas sur lequel je veux m’attarder, cette fois-ci (une fois n’est pas coutume, le domaine artistique n’étant habituellement pas ma tasse de thé), est celui de Safia Nolin dénonçant l’agression brutale qu’elle aurait subi de Maripier Morin.
Selon ce que j’ai pu lire, à gauche et à droite (j’avoue ne pas avoir fait une recherche approfondie), Maripier Morin aurait été “tannante” envers Safia Nolin lors d’une soirée bien arrosée, quelque part en 2018; quelques gestes coquins, dont une morsure à la cuisse, le tout accompagné de paroles à connotation raciste. Qu’est-il réellement arrivé? Seules les deux protagonistes pourraient le dire, quoique l’on obtiendrait probablement des versions fort différentes aujourd’hui.
Comme l’alcool est un désinhibiteur reconnu, c’est sous son effet que l’on peut constater certains “traits cachés” d’une personne. Dans le cas présent, on pourrait croire que “c’est facile de sortir Maripier Morin de Pohénégamook, mais c’est plus compliqué de sortir Pohénégamook de Maripier Morin”. Ceci dit, je n’ai rien contre la région, ni les gens, de Pohénégamook; ce n’est que le constat que les phénomènes sociaux (combat contre le racisme, égalité homme-femme, pour ne nommer que ceux-ci) se propagent comme la vague, quand on lance un caillou dans un étang. Ça commence habituellement dans une grande ville, puis ça atteint les contrées plus éloignées au fil du temps. J’aurais pu nommer n’importe quelle municipalité, d’ailleurs.
Je veux plutôt m’attarder sur les conséquences possibles de telles dénonciations sur les médias sociaux. À court terme, c’est clair que l’on n’invitera plus ces deux femmes au même party. À plus longue échéance, j’aurais tendance à croire que malgré tout, c’est à Safia Nolin que le tout risque de faire le plus de dommages. Et voici pourquoi.
Dans le cadre d’une série d’émissions, Maripier Morin avait publié ses revenus annuels, qui se chiffraient, si ma mémoire est bonne, aux environs de 1,2 millions de dollars, cette année-là. On sait que les revenus des artistes peuvent varier beaucoup d’une année à l’autre, mais on peut avancer, sans trop se tromper, que ses revenus oscillent, bon an mal an, autour du million. Si elle a eu la sagesse d’en mettre un peu de côté, et qu’elle adopte un style de vie un peu plus modeste, elle pourrait passer un an ou deux loin des projecteurs. Ensuite, elle pourrait concentrer sa carrière sur le mannequinat, à l’internationale, question de ne pas trop se faire voir au Québec, et elle pourrait ainsi vivre confortablement pour plusieurs années, tout en assurant son avenir financier.
Pour Safia Nolin, cela risque d’être un peu plus compliqué. D’une part, parce que les revenus des auteurs-compositeurs-interprètes, malgré les subventions, sont plus limités. Ensuite, et surtout, parce que Safia Nolin a commis, en faisant publiquement sa dénonciation, un geste qui risque d’être fatal pour sa carrière; elle a transgressé la solidarité féminine. Je veux dire, si vous croyez qu’une bagarre entre deux hommes est violente, vous ne voudrez pas voir une bagarre entre deux femmes. Autant une femme peut se démontrer pacificatrice dans plusieurs situations, autant elle peut, surtout lorsque poussée dans ses derniers retranchements, être drôlement intense. Et lorsqu’une femme s’en prend à une autre femme, elle risque de s’isoler profondément, parce que non seulement elle perdra la confiance des hommes, mais aussi celle des femmes, qui se sentiront trahies par celle qui a refusé de faire preuve de solidarité.
Évidemment, c’est clair que les agressions de toutes sortes doivent être dénoncées, je suis le premier à en convenir. Par contre, il y a des façons de faire les choses. Et les dénonciations par les médias sociaux risquent de provoquer plus de dangers que de bienfaits.