Commission Bastarache: Je le disais depuis le début!

Profitant de mon dernier jour “entre deux jobs”, je glanais, sur le web, entre les nécrologies des uns et les articles des autres, quand je suis tombé sur le billet de Pascal Henrard, publié plus tôt, aujourd’hui, sur le site Branchez-vous Matin, et intitulé “Bastarache: mes conclusions”.

Il y va d’une suite de sarcasmes – à peine exagérés – qui illustrent fort bien que ladite commission n’était rien de plus qu’un cirque, qui attirait toute l’attention pendant qu’il se passait autre chose.  Il conclut que toute cette affaire a simplement permis au gouvernement de retarder, à défaut de balayer sous le tapis, une éventuelle “enquête publique sur l’industrie de la construction et l’apparence de collusion entre celle-ci et les hautes sphères du pouvoir”.

J’ai bien peur que monsieur Henrard, comme beaucoup de québécois, soient déçus.  Parce que le gouvernement Charest n’a pas du tout l’intention d’aller de l’avant avec une telle enquête publique.  Pourquoi?  Jetons-y un coup d’oeil.

Premièrement, il était écrit dans le ciel que le gouvernement du Québec allait dépenser des sommes importantes – devrait on plutôt dire “colossales”? – dans ses infrastructures.  Et ce, tout simplement parce qu’il n’avait pas le choix; celles-ci tombent en ruines, et pas que littéralement!  Des milliards$ allaient devoir être investis, ne serait-ce que pour revamper les structures construites dans les années 1960 et 1970, et qui avaient allègrement dépassé leur durée de vie.  Et on ne parle même pas du retard – d’une trentaine d’années! – accumulé sur le développement de nouvelles infrastructures, particulièrement au niveau des transports.  La nature était ce qu’elle est, là où ça sent la mort, les vautours s’amènent!  Aussi, peu importe la couleur du gouvernement en place, il est clair comme de l’eau de source que les entrepreneurs en construction allaient tous contribuer, légalement ou autrement, aux caisses des partis politiques, et surtout de celui qui a les deux mains sur le volant.  Juste à voir qui a bénéficié des dons, pendant que les libéraux étaient minoritaires; les trois principaux partis ont été généreusement graissés!

Ensuite, il y a les boîtes de génie civil.  On les regarde peu, mais la collusion se fait plutôt de ce côté, diront certains.  Idem, dans la forme comme pour le fond; la commission Johnson, sur l’effondrement du viaduc de la Concorde, à Laval, a tiré, parmi ses conclusions, qu’il fallait davantage de surveillance, sur les chantiers, pour éviter les erreurs, commises sciemment ou non, lors de la construction des infrastructures.  Et selon vous, qui effectue ce type de surveillance?  Les maisons d’ingénieurs, bien sûr.  Normal que si l’on engage l’une de ces boîtes, pour concevoir un projet, plus une deuxième, pour surveiller les travaux, les coûts d’ingénierie vont forcément doubler!  Personne ne travaille bénévolement, dans ce domaine!  Et quand nous savons que les firmes d’ingénierie, au moment de soumissionner sur de plus grands projets, se regroupent en consortiums, peut-on vraiment parler de saine concurrence?

Cela me fait un peu penser à une vieille blague.

C’est le maire de Montréal, qui veut des opinions pour réaliser un projet, et fait appel à des entrepreneurs, pour des fins de consultation.  Trois entrepreneurs se présentent; un de Toronto, un de Calgary, et un de Montréal.  Le maire accueille d’abord celui de Toronto, qui lui dit, après avoir jeté un oeil sur les plans, qu’il peut faire le travail pour 4 millions$.  Le maire le remercie, puis accueille l’entrepreneur de Calgary, qui lui garantit qu’un tel projet ne devrait pas coûter plus de 3 M$.  Le maire s’en réjouit; un million de moins!  Il reçoit finalement le type de Montréal, qui lui annonce qu’il fera le job pour 5 M$.  Le maire de lui demander “Hein? 5M$?”, et l’entrepreneur de lui répondre “Ben oui, 5 M$; un pour toi, un pour moi, puis on prend le gars de Calgary en sous-traitance!”

Après, nos politiciens grimpent dans les rideaux, lorsque l’on lit, dans le Maclean’s, que les québécois ont la corruption inscrite dans leurs gênes!

Bref, tout cela pour dire, à monsieur Henrard comme aux autres, qu’une enquête publique sur la construction, et tout ce qui l’entoure, amènera à peu près les mêmes conclusions que la commission Bastarache, et la commission Gomery, avant elle; un gros show de télé, beaucoup d’effets de manche, des millions$ dépensés, et des conclusions que l’on connaissait déjà, à savoir d’une part que la machine est graissée de l’extérieur, et d’autre part, que les preuves sont insuffisantes pour accuser quelque politicien que ce soit!  Et pour Jean Charest, ce sera une éclaboussure de plus.  Une parmi tant d’autres.

10,000$ pour 197 viaducs

Le Journal de Montréal publie un article, ce matin, dans lequel Michel Gagnon, président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), vient dénoncer le fait que la direction de Laval du MTQ, en 2003-2004, n’a attribué que 10,000$ de budget pour l’entretien des 197 ponts et viaducs disséminés ça et là sur le territoire, et que rien de tout cela n’ait été discuté ou fouillé lors de la Commission Johnson, qui a rendu son rapport dernièrement.

Le pauvre monsieur déplore que tout le monde ait été blâmé, sauf les politiciens. Mais lui, ce monsieur Gagnon, où était-il, pendant les travaux de la commission? Sur une plage de Cuba? Pourquoi n’a-t-il pas fait appel à ses contacts pour venir témoigner devant la commission? S’il savait quelque chose de pertinent, il n’avait qu’à se faire voir au Journal de Montréal avant, ou même pendant les travaux de la commission, je suis convaincu que Pierre-Marc Johnson lui-même, ou encore l’un de ses proches collaborateurs, l’auraient contacté personnellement. Mais non, il attend que tout le monde soit rentré chez lui pour venir se plaindre à Mathieu Boivin, de Journal de Montréal. Et maintenant, qu’est-ce que Michel Gagnon croit que le gouvernement va faire, à partir de ces informations? Rouvrir une autre commission, à 6 millions$ de la « shot », pour l’écouter?

Quant à savoir pourquoi les politiciens s’en tirent toujours, il n’y a qu’à jeter un oeil sur l’affaire du scandale des commandites; trois ou quatre prête-nom sont derrière les barreaux, alors que Jean Chrétien continue à jouer au golf avec son cardiologue. Probablement avec des balles portant sa signature. Jean Charest avait déclaré, en 2003, que sa priorité première, c’est la santé. Son plan était de geler tous les autres ministères pour mettre de l’argent en santé. Et la population l’a élu. Le président de l’APIGQ s’attendait-il à des augmentations de budget? Tous les projets routiers ont été retardés d’une, ou de plusieurs années. Quant aux travaux d’entretien, le gouvernement Charest a fait la même chose que ses prédécesseurs depuis la grande purge de René Lévesque, c’est à dire couper et retarder.

Parlant de cela, je me demande combien d’ingénieurs travaillent à temps plein pour le gouvernement du Québec. Ne serait-ce pas une responsabilité que l’on pourrait très bien donner en sous-traitance?