Attribution de postes, en enseignement: Qu’est-ce que je vous disais…

Depuis que je tiens ce blogue, il m’est arrivé à quelques reprises de vous parler du bordel – et le mot est faible! – de l’attribution des postes, dans le domaine de l’enseignement primaire et secondaire, et que ce bordel y est pour beaucoup, à mes yeux, dans la problématique du décrochage scolaire.  D’aucuns me répondaient que je ne voyais que le côté sombre de la question, et que des cas d’espèces, du genre de ce que je décrivais, n’existent pas, dans la vraie vie.  Juste pour vous contrarier, messieurs dames (ils et elles se reconnaîtront), en voici un.

Sébastien Ménard nous rapporte, dans le Journal de Montréal de ce matin, ainsi que sur le site web Canoë, la situation d’une classe de maternelle de l’école Philippe-Labarre, dans le quartier Tétreaultville, dans l’est de Montréal.  En 7 mois de classes, les élèves ont vu défiler pas moins de 6 enseignantes.  Il s’agit d’enfants de 5 et 6 ans, qui en sont à leur premier contact avec l’école.  Et à lire les opinions exprimées par les parents de ces enfants, dans cet article complémentaire de Ménard, les enfants ont déjà décroché!  Ils ne veulent plus retourner à l’école.  Franchement, pour eux, ça commence vraiment mal.

Et les raisons, pour expliquer qu’il y ait autant de profs qui passent dans cette classe, ne sont pas incontournables.  Aucun prof n’a subi d’accident, n’a eu de problèmes de santé, ou d’autres contretemps qui l’empêchait de planifier l’emploi du temps de cette classe.  Non, ils n’ont que pris des dispositions que l’on retrouve dans leur convention collective.  Je vais reproduire ici la liste qui figure dans l’un des deux articles de Sébastien Ménard, pour mieux la commenter.  Le texte en brun, et en italique, est de Sébastien Ménard.

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Le jeu de chaises musicales*

Voici à quoi ressemble l’année scolaire dans cette classe de maternelle. Toutes les dates sont approximatives.

(*Les dates sont basées sur les informations fournies par la CSDM, sur les témoignages de parents et sur le calendrier scolaire.)

– Prof 1.  Du 24 août au 4 septembre

Remplace la prof enceinte à qui le groupe avait été confié, pendant que le poste est soumis à un «affichage.» Je veux bien croire qu’une prof a le droit d’être enceinte, mais il me semble qu’elle n’a sûrement pas dû l’apprendre la veille de la rentrée, et que son poste aurait pu être attribué à une autre prof de façon permanente.  Je veux dire, les affichages de poste, ça ne peut pas se faire par internet, pendant les vacances d’été?

– Prof 2.  Du 8 septembre au 8 octobre

Obtient le poste. Doit quitter en raison d’un retrait préventif. Celle-là, par contre, c’est le comble!  Elle ne viendra pas me faire croire qu’elle ne savait pas qu’elle était enceinte, lorsqu’elle a signé sur cet affichage!  Come on!  Un mois, t’sé!

– Prof 3.  Du 9 octobre au 30 octobre

Remplace la deuxième enseignante, pendant que le poste est soumis à un second «affichage». La chaise musicale se poursuit.  Comment expliquer à des enfants qui viennent de passer de la garderie à l’école que l’on peut régler les choses de façon simple, quand une telle farce se déroule sous leurs yeux?

– Prof 4.  Du 2 novembre au 26 février

Remplace l’enseignante qui avait obtenu le poste au terme du second affichage. Celle-ci ne pouvait pas l’occuper tout de suite, étant à la maison en congé de maternité. Bien sûr, on peut signer sur un poste pendant qu’on est à la maison, en congé de maternité, mais curieusement, pas pendant les vacances.  Cette prof, qui ne pouvait pas commencer dès maintenant, elle n’avait pas déjà un poste, avant de quitter, pour sa grossesse, poste qu’elle pourrait réintégrer?  Mais non, ça ne se passe pas comme ça, dans le domaine de l’enseignement primaire et secondaire; tous les postes passent par “l’encan à bétail” du mois d’avril.

– Prof 5.  Du 8 au 10 mars

L’enseignante qui avait obtenu le poste en novembre entre en fonction, mais quitte après trois jours. Ben disons qu’elle a sûrement eu droit à tout un comité d’accueil, compte tenu des circonstances.  Je veux dire, quand on ne peut pas prendre un poste maintenant, on ne signe pas dessus!  C’est pas un job de videur de poubelles, que je sache!

– Prof 6.  Depuis le 15 mars

La CSDM fait appel à une 6e enseignante. Un technicien en éducation spécialisée est appelé en renfort dans la classe. Certains demanderont pourquoi mettre un TES dans la classe, en permanence, avec la nouvelle prof.  C’est simple; c’est parce que les enfants ont besoin d’une personne “stable”, qui sera encore là, le jour où une autre prof viendra combler le poste, probablement après un éventuel troisième affichage, qui ne saurait tarder.  Parce qu’il faut comprendre que pour obtenir le poste, l’enseignante devra signer sur un nouvel affichage.  Et qu’il est tout probable que la prof 6 risque de se faire damer le pion par une autre, qui a plus d’ancienneté qu’elle.

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Ça, c’est la connerie qui se produit quand un poste devient vacant, et qu’il faut le combler par le biais de l’ancienneté.  Pour un job dans une “shop de guenilles”, ou dans un abattoir de poulets, pas de problèmes, mais il me semble que pour des besoins spécifiques, comme les élèves de la maternelle, il y aurait lieu de combler les postes d’une manière à donner une stabilité, au sein de la classe.  Un changement de prof, dans une classe de secondaire, pour l’avoir moi-même vécu (il a trépassé suite à une crise cardiaque, le pauvre!), apporte souvent des répercussions négatives, au niveau de la réussite des élèves, alors imaginez six profs, qui passent dans la même classe, au niveau de la maternelle (clientèle qui requiert énormément de stabilité), et ce en sept mois!

Là-dessus, je n’ai qu’un mot à dire: SO-SO-SO-SOLIDARITÉ!

Les enfants peuvent bien aller chier, les droits des profs sont préservés!  Merci à nos grands syndicaleux, vous faites les choses en grand!  À travers tout cela, je demeure foncièrement convaincu qu’aucune de ces six profs n’accepterait une telle situation pour son propre enfant.  Depuis que j’entends la publicité du syndicat des profs, à CHOM (forcément, en anglais), qui dit “Mister Charest, are you listening?” (publicité qui doit sûrement exister aussi en français), je rêve d’avoir les moyens financiers nécessaires pour acheter du temps d’antenne, et répliquer aux syndicaleux, dans les mêmes termes qu’eux-mêmes utilisent pour passer leur message.  Y a-t-il un volontaire, dans la salle?

Déneigement: Autre preuve de l’inutilité des arrondissements

Dans un article d’André Beauvais, du Journal de Montréal, le maire de l’arrondissement Rosemont — La Petite-Patrie, et membre du comité exécutif de la ville de Montréal, André Lavallée, disait qu’en cas de « tempête exceptionnelle », le directeur général de la ville de Montréal devrait avoir des « pouvoirs exceptionnels » afin de mieux gérer le déneigement de la ville, à savoir décider quelles artères compléter en premier, ou encore de regrouper l’équipement et le personnel de plusieurs arrondissements afin de mieux faire le travail.

Malgré que monsieur Lavallée ne nie pas – un point sur lequel je me permets d’avoir des doutes – que les arrondissements fassent du bon travail, en ce qui a trait au déneigement, je crois, de mon côté, que l’on a sous les yeux une nouvelle preuve que la duplication des pouvoirs, et la multiplication des paliers décisionnels, n’apporte rien de bon au fonctionnement d’une ville.  Si le « plan Ville », que semble vouloir élaborer le maire de Rosemont — La Petite-Patrie, s’avérerait plus efficace que le plan de déneigement actuel,  dites-moi donc pourquoi on ne pourrait pas l’appliquer de façon générale à chaque déneigement?  La réponse est simple.  C’est que le dédoublement des pouvoirs permet à plus de personnes de régenter leurs petits royaumes, et de ramasser ainsi des salaires intéressants, alors qu’un pouvoir central simplifié fonctionnerait avec beaucoup moins d’acteurs, ce qui serait plus économique pour les citoyens, soit, mais enlèverait du « panache » à tous ces personnages.

Souvenez-vous de l’affaire des fusions municipales de 2002; l’un des principaux arguments des opposants aux fusions étaient le risque de perdre leur « identité » au sein d’une grande ville.  Si cet argument était fondé, pourriez-vous me dire pourquoi on parle toujours de Cartierville, du Sault-au-Récollet, de Tétreaultville, ou de Notre-Dame-de-Grâce?  Il s’agit pourtant d’appellations de villes fusionnées à Montréal depuis de nombreuses générations, et ces appellations ont toujours cours dans les quartiers correspondant à ces anciennes villes.  C’est donc dire que les élus de l’époque – la ministre Louise Harel et les autres péquistes – se sont fait endormir par de beaux discours qui ne tiennent pas la route, et ont créé le monstre ingérable qu’est l’actuelle ville de Montréal.  À Laval, lors de la grande fusion de 1965, il n’y avait pas d’arrondissement, et il n’y en a toujours pas.  Et la gestion ne s’en porte que mieux!

Reste maintenant à savoir qui sera le courageux élu qui osera faire le ménage dans tout ce bordel administratif.