Les batteries de Bécancour: Oui, mais aura-t-on un vrai réseau routier?

Je regardais un reportage de Véronique Prince, de Radio-Canada, sur le développement de la ville de Bécancour; les projets d’usines reliées à ce que l’on appelle désormais la filière batteries tournent à plein régime, question de commencer la production quelque part autour de 2025. Le reportage compare Bécancour à l’ancienne ville de Gagnon, entre Baie-Comeau et Fermont; on dit que les choses ne seront pas pareilles, que Gagnon était isolée au milieu de nulle part, ce qui n’est pas le cas de Bécancour, située au coeur d’une région déjà grouillante d’activités.

Beaucoup d’aspects sont abordés, dans le reportage, mais un aspect important a été, consciemment ou non, ignoré; de quoi aura l’air le réseau routier autour du Parc industriel et portuaire de Bécancour (PIPB) dans les prochaines années? Actuellement, le PIPB est traversé par ce que l’on appelle l’autoroute 30. En fait, il s’agit d’un tronçon isolé de cette autoroute qui, à part pour son échangeur avec l’autoroute 55, n’a pas grand chose à voir avec une autoroute. Les photos de ce billet, qui date des premiers balbutiements de ce modeste blogue, sont encore tout à fait d’actualité, malgré qu’elles datent de 15 ans. Cette section de l’autoroute 30 est ce que j’appelle une super-2 de première génération, munie d’intersections à niveau.

La question qu’il faudra poser à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, est la suivante; va-t-on favoriser les transports ferroviaires et maritimes pour l’expansion du PIPB, au détriment des transports terrestres? On sait qu’il est plus rentable, pour déplacer de grandes quantités de biens, de les mettre sur un train, ou sur un bateau, mais les travailleurs, eux? On parle, dans le reportage, de 5000 travailleurs, le ministre Pierre Fitzgibbon pousse jusqu’à 10,000. Il faudra bien que ceux-ci, et leurs familles, logent quelque part. Au début, ils iront là où les logements sont déjà existants, c’est à dire dans le grand Trois-Rivières, mais ces travailleurs se construiront des maisons, à Bécancour et dans ses alentours. Le réseau routier suffira-t-il à la tâche de permettre les déplacements de ces gens en toute sécurité? L’A-30 actuelle, avec sa configuration de super-2, n’est déjà pas sécuritaire; il faudra doubler cette section, et qui sait, peut-être la prolonger dans les deux sens, d’abord vers Nicolet, ce qui est demandé depuis près de 60 ans, puis, si le besoin s’en fait sentir, vers Gentilly.

Bref, c’est très bien de vouloir dynamiser une région en y amenant de l’industrie nouvelle. Mais pour ce faire, il faut voir à mettre tous les aspects à jour, question de rendre la région attractive non seulement pour des travailleurs qui viendront bosser, mais qui iront vivre ailleurs, mais pour ceux et celles qui voudront s’y installer, et en faire leur chez-soi. Et parmi ces aspects, il y a le réseau routier, qu’il ne faudra surtout pas négliger.

Tunnel L.-H.-Lafontaine: Retour sur “Le goulot de la bouteille”

Ceux et celles qui me suivent le savent; j’aime bien prendre un texte d’opinion, et y répondre coup sur coup, à travers les paragraphes de celui-ci. J’ai choisi, cette fois, le texte d’Aurélie Lanctôt, chroniqueuse du journal Le Devoir, texte intitulé “Le goulot de la bouteille”, et qui parle de l’affaire des travaux majeurs du tunnel L.-H.-Lafontaine, et de la proposition du président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc. Comme je le fais normalement, je mettrai le texte intégral de madame Lanctôt en couleur, disons en bleu, cette fois-ci, et j’y répondrai avec le noir habituel. Allons-y.

Le goulot de la bouteille

Aurélie Lanctôt, Le Devoir, 28 octobre 2022.

Le message a été accueilli avec un sourire en coin par celles et ceux qui, à longueur d’année et même en temps « normal », se soucient de rendre la ville plus conviviale, mais nous y voilà : le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, suggérait mercredi qu’on interdise l’auto solo dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine à l’heure de pointe. « Une solution difficile pour limiter les dégâts », disait-il.

Évidemment, puisque cela fait des années que “celles et ceux qui, à longueur d’année et même en temps « normal », se soucient de rendre la ville plus conviviale” font des pieds et des mains pour amener, lentement mais sûrement, la grande région de Montréal – et par extension tout le Québec – dans une situation intenable, du point de vue de la circulation routière, et ce en s’opposant à quelque projet routier que ce soit, et que l’on appellera, pour les fins de l’exercice, les “écolos”, ceux-ci se frottent les mains de voir le président de la CCMM proposer au ministère des transports du Québec (MTQ) d’interdire l’auto solo aux heures de pointe dans le tunnel. C’est le cas de le dire, il l’ont eu à l’usure.

Sur les ondes de LCN, Michel Leblanc soulignait que les autres solutions ne seraient pas suffisantes pour alléger la circulation dans le pont-tunnel durant les travaux. « La voiture solo n’a pas sa place sur le pont-tunnel en heure de pointe dans les prochaines semaines, mois », a-t-il déclaré sans détour, précisant tout de même qu’il ne serait pas question de bloquer le passage aux camions, qu’il juge « essentiels à la vie d’une métropole ».

Surtout, ne pas entraver la circulation des marchandises : on comprend bien le socle de valeurs sur lequel repose la proposition de Leblanc. Mais comme le messager fait souvent le message, surtout lorsqu’il se présente en complet et qu’il parle la langue de l’argent, la proposition a été accueillie avec une ouverture étonnante par le premier ministre, qui s’est dit ouvert à l’idée. Hier, après avoir visité le chantier, la nouvelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a cependant fermé la porte à une telle mesure, évoquant la panoplie d’options existantes. Il ne faudrait surtout pas créer un dangereux précédent en faisant quelque chose d’aussi radical.

Madame Lanctôt oublie que si elle veut des marchandises dans ses magasins de proximité, celles-ci ne sont pas – encore – livrées par téléportation. Donc, qu’il faut que les camions circulent, dans le tunnel comme sur les autres liens routiers transfluviaux, et ce afin d’approvisionner les commerces, allant de l’alimentation aux produits de divertissement électroniques, et tout ce que vous pouvez imaginer entre les deux.

À l’entendre, on croirait que le droit de poireauter tout seul dans sa voiture fait partie d’un noyau de libertés fondamentales inaliénables, qu’il faut aborder avec beaucoup de déférence. Le président de la Chambre de commerce a au moins le mérite de transgresser ce tabou : si l’on s’inquiète de la fluidité de la circulation routière aux portes de la métropole, la voiture individuelle est le premier problème qu’il faut nommer. La multiplication des voies d’accès ne sera jamais suffisante ; le nerf de la guerre, c’est le volume qu’il faut faire passer chaque jour à travers le goulot de la bouteille.

Justement; puisque madame Lanctôt parle du goulot de la bouteille, je vais en profiter pour mentionner que malheureusement, toutes les traversées du fleuve furent conçues comme des goulots d’étranglement. Sur le pont Honoré-Mercier, vers Montréal, deux voies arrivent de la route 138, et deux de la 132, et doivent se réduire à deux voies sur le tablier du pont. En direction de Kahnawake, deux voies arrivent de l’autoroute 20 ouest, et deux de l’A-20 est. Donc un autre 4-dans-2. Sur le nouveau pont Samuel-de-Champlain, vers Montréal, trois voies de l’A-10, plus deux de l’A-15, pour un 5-dans-3, et vers Brossard, trois de l’A-15 sud, plus deux de l’A-10 (Bonaventure) et une de l’île-des-Soeurs, pour un 6-dans-3. Jacques-Cartier, vers Montréal, montre un 5-dans-3 à l’heure de pointe du matin, un 5-dans-2 le reste du temps, et un 4-dans-2 vers Longueuil, sauf à l’heure de pointe du soir, où c’est un 4-dans-3. Le tunnel, finalement, affiche un 7-dans-3 vers Boucherville, et un 5-dans-3 vers Montréal. Il n’y a que le pont Victoria, aux heures de pointe, qui montre un 2-dans-2 dans la direction ouverte, alors que c’est 2-dans-1 hors-pointe. Il est à noter que les deux voies de Victoria vont dans le même sens lors des heures de pointe; vers Montréal le matin, vers Saint-Lambert le soir. Bref, l’expression “goulot de la bouteille” est tout à fait appropriée. Mais pourquoi a-t-on construit les traversées comme ça?

On l’avoue du bout des lèvres maintenant qu’on s’apprête à plonger dans le chaos, mais ce n’est pas moins vrai le reste du temps. La panique entourant la fermeture partielle du pont-tunnel est une démonstration éclatante de l’échec des politiques d’aménagement du territoire qui étendent sans cesse les périphéries de la ville sans créer de nouveaux centres de gravité. Depuis les couronnes de la métropole, on parle de la congestion routière montréalaise avec dédain et frustration, sans jamais dire que c’est la dépendance à l’automobile et le modèle de la « vie-de-transit » qui rendent le quotidien insupportable.

Il faut mettre les choses au clair dès le départ; on aura beau établir toutes les politiques d’aménagement du territoire que l’on voudra, il y aura toujours des familles qui ne voudront pas vivre dans une tour à condos, ou dans un 4½ au troisième étage d’un bloc dans ce que l’on pourrait qualifier d’ancien quartier ouvrier. Et comme les maisons individuelles sont hors de prix sur l’île de Montréal, ces familles continueront de s’expatrier dans les couronnes, puis dans les campagnes, où les maisons sont plus abordables. De là le besoin de liens routiers fiables, en qualité et en quantité. Depuis des décennies, la population augmente davantage par l’immigration que par les naissances; à l’époque, les recensements pouvaient prédire, une vingtaine d’années d’avance, combien il faudra de voies de circulation, d’écoles, d’hôpitaux, etc., afin de satisfaire à la demande. Maintenant, comme la hausse de la population se fait par l’immigration, les besoins doivent être comblés de façon beaucoup plus immédiate; le type s’installe au pays, il a déjà une famille, et son logement sur l’île de Montréal est temporaire dès son arrivée, puisqu’il sait qu’à mesure que sa position professionnelle va se définir, il voudra, lui aussi, offrir du confort à sa famille. Tout porte à croire que les gouvernements ont lancé la serviette, là-dessus; les logements abordables se font rares, le réseau routier tombe en ruines, j’en passe, et des meilleures.

Révélateurs inattendus du caractère intenable de ce mode de vie, les signaleurs routiers prennent ces jours-ci la parole pour exprimer leurs craintes à l’approche du début des travaux dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Plus tôt au mois d’octobre, à Carignan, Marc Séguin, un signaleur routier de 58 ans, est mort happé par un véhicule aux abords d’un chantier. L’an dernier, 161 signaleurs ont été blessés dans un accident au travail, un nombre qui ne cesse d’augmenter depuis cinq ans. Et il s’agit seulement des accidents reconnus par la CNESST. Or, le mégachantier qui débute fait craindre le pire aux travailleurs, indique Jean-François Dionne, président de l’Association des travailleurs en signalisation routière du Québec (ATSRQ).

En écoutant les entrevues accordées un peu partout par M. Dionne, on reste bouche bée. Le président de l’ATSRQ parle d’agressivité constante, d’un mépris pour les limites de vitesse comme pour les travailleurs qui risquent leur vie en se tenant aux abords des chantiers (tout cela pour un salaire entre 18 $ et 23 $ de l’heure, notons). « Les automobilistes, c’est une arme que vous avez dans les mains ! » déclarait-il en entrevue à Radio-Canada. À l’émission de radio de Nathalie Normandeau, il disait estimer qu’environ la moitié des automobilistes ralentissent réellement à l’approche d’un chantier. La moitié. Il faut prendre la mesure de cette folie. Pas étonnant que, selon la SAAQ, en 2021, 836 personnes aient été blessées et 9 soient décédées dans une zone de travaux.

Les signaleurs routiers ont raison de s’inquiéter, alors qu’on s’apprête à faire l’expérience d’une singulière zizanie sur le réseau routier de la métropole : ces travailleurs sont aux premières loges de l’hostilité qui imprègne la culture de l’automobile. Une culture qui produit l’éloignement géographique, qui organise la vie à une échelle inhumaine et qui — j’en suis intimement convaincue — favorise les comportements antisociaux.

Premièrement, le nombre de signaleurs routiers augmente, puisque les chantiers se multiplient au Québec. Ensuite, même si chaque mort est une mort de trop, il faut souligner que l’on fournit aux signaleurs de nouveaux équipements, comme les barrières mobiles, qui permettent aux signaleurs de se tenir loin des véhicules en mouvement, plus souvent qu’autrement bien assis à l’intérieur de leur pick-up, qui supporte le nouvel équipement. Finalement, il faut aussi comprendre que l’agressivité des automobilistes vient aussi – quoique pas exclusivement – du fait des nombreux chantiers qui retardent la circulation, chantiers causés entre autres par le manque de développement flagrant du réseau routier, résultat du manque de fonds publics, mais aussi de l’opposition, surtout par les écolos, à tout nouveau développement majeur dans le réseau routier du grand Montréal.

Cette histoire illustre aussi l’équilibre précaire sur lequel repose le mode de vie basé sur le transit perpétuel. Et pourtant, rien n’indique que nous avançons dans la bonne direction. L’achalandage sur les routes, et sur les ponts entourant la métropole, est déjà plus intense qu’avant la pandémie et, en parallèle, la fréquentation des transports en commun n’est toujours pas revenue à son niveau prépandémique.

…et ce pour une raison bien simple; les transports en commun actuels ne valent pas le coup. Que ce soit une question de délais, une question de proximité des autres, ou toute autre question, le passage du transport en commun à l’auto, pendant la pandémie, a rappelé aux gens que le jeu n’en vaut pas la chandelle, surtout que dans sa voiture, personne ne peut vous refiler un virus, que ce soit une grippe, ou la COVID-19.

Sans un plan clair d’affranchissement de l’auto solo, le nécessaire changement de culture ne se fera pas tout seul, à travers la multiplication des « options » et des « mesures palliatives ». Il est peut-être temps de brandir le bâton.

Il n’est jamais temps de brandir le bâton. La vie en société comporte son lot d’obligations, auxquelles on se prête de façon plus ou moins sympathique, obligations qui entravent la liberté, autant collective qu’individuelle. Chacune de ces obligations représente des occasions, pour les autorités, de brandir le bâton, comme le dit madame Lanctôt. Si elle veut réduire l’agressivité des automobilistes, et de la population en général, je lui suggère fortement de trouver une autre méthode que de brandir le bâton.

Je crois surtout que cette histoire est la résultante directe d’un manque de planification de nos dirigeants politiques, et ce depuis des décennies. Personne ne parviendra à me convaincre que la population, tant à Montréal que sur la rive-sud, n’a fait que s’étendre sur le territoire depuis l’ouverture du dernier lien en date, soit… le pont-tunnel Lafontaine, en 1967. Depuis 55 ans, la population s’est multipliée, et ce des deux côtés du fleuve. Le nombre de liens routiers, quant à lui, n’a pas changé. Madame Lanctôt devra comprendre, tôt ou tard, que la circulation des personnes et des marchandises, à l’image de la grande majorité des activités humaines, est une question d’offre et de demande; lorsqu’il y a un déséquilibre flagrant entre les deux, rien ne va. Mais qui sait? Peut-être que la récession qui s’annonce viendra mettre un terme à l’actuelle pénurie de main-d’oeuvre, ce qui serait un mal pour un bien. Mais je m’éloigne.

Nous savons que les principales infrastructures routières du grand Montréal – dont le pont-tunnel – ont été construites dans les années 1960; nul besoin d’être diplômé universitaire pour savoir que tout allait devoir être rénové plus ou moins en même temps. Après l’échangeur Turcot, et le pont Champlain, il fallait s’attendre que le tunnel Lafontaine ait besoin de travaux majeurs. Et qu’est-ce que l’on a fait pour alléger la circulation dans le secteur? Rien. La commission Nicolet, en 2003, recommandait de construire de nombreux nouveaux liens entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent, dont un pont reliant les autoroutes 30 et 640, à l’est de l’île de Montréal. Vingt ans plus tard, qu’est-ce qui a été accompli? Rien. Pourtant, on aurait bien besoin de ce pont aujourd’hui. Lors de la construction du pont Samuel-de-Champlain, on avait une opportunité formidable d’augmenter la capacité de ce lien, qui fut construit à trois voies par direction, et qui fut ouvert à la circulation en 1962. On l’a construit avec quelle capacité? Trois voies par direction. Comme en 1962. À cette époque, le pont Champlain, sur la rive-sud, se terminait sur des terres agricoles; 60 ans plus tard, il ne reste plus un seul hectare disponible à la culture.

Si l’on compare le lien entre Montréal et sa rive-sud avec le lien entre Montréal et Laval, on se rend compte que malgré une ligne de métro (la ligne orange et ses trois stations lavalloises), et un nouveau lien autoroutier (le pont Olivier-Charbonneau et l’autoroute 25), l’achalandage des ponts de Laval n’a pas diminué de façon significative au cours des dernières années. C’est dire à quel point les traversées actuelles étaient déjà surutilisées. Et globalement, le manque de développement du réseau routier n’arrange rien. Dans les années 1990, par exemple, on a reconstruit le tablier du pont Champlain. Une fois les travaux complétés, les politiciens se pétaient les bretelles, mentionnant que l’on ne retoucherait pas au tablier du pont avant 50 ans. Dans les faits, le tablier fut construit avec une capacité de 125,000 véhicules par jour, alors qu’il en passe plus de 300,000. Résultat des courses, le nouveau tablier n’avait pas 20 ans qu’il était déjà à reconstruire.

Le plan directeur, qui fut établi au milieu des années 1950, et qui visait une réalisation sur un horizon de 30 ou 40 ans, n’est pas encore complété presque 70 ans plus tard. Les sections déjà construites sont donc surutilisées, ce qui diminue leur durée de vie, et nécessite des travaux précoces, autant en réparations d’urgence qu’en réfections plus profondes. Certains corridors devant recevoir ces infrastructures ont été développés, ce qui empêche de compléter celles-ci, et fait perdurer les problèmes. Par ailleurs, on vante les bienfaits des véhicules électriques, qui ne produisent pas d’émissions polluantes. Mais tous ces véhicules ont le même défaut; ils ne volent pas. Ils ont tous besoin de routes. Bref, il faut rattraper le temps perdu, et cela va coûter très cher, autant en argent qu’en tergiversations de nos chers écolos. À condition que nos gouvernements aient le courage de s’attaquer aux problèmes, ce qui ne semble pas gagné d’avance.

3e lien Québec-Lévis: C’est donc compliqué d’avoir une vision d’avenir

C’est aujourd’hui, 14 avril, que le ministre des transports du Québec, François Bonnardel, et la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, ont présenté une « mise-à-jour » du projet de 3e lien entre Québec et Lévis. De gros changements, en comparaison avec la version 2021, ont été dévoilés lors de ce point de presse. Voyons voir…

D’abord, exit le plus gros tunnelier au monde. Le projet passe d’un gros tube à deux plus petits, ce qui, dit-on, réduit les risques liés à la construction, et augmente la concurrence lors de l’étape des appels d’offres. Ensuite, les deux chaussées compteront deux voies chacune, au lieu de trois, et seront gérées par un système de « gestion dynamique des voies », qui réservera, par exemple, une des deux voies pour le transport en commun lors des heures de pointe. Finalement, la facture passera de 10G$ à 6,5G$, soit une économie de plus de 25% des coûts.

À mon point de vue, le gouvernement tente de réparer les pots cassés, dans ce dossier. Il a commencé par s’embarrasser d’une promesse électorale, celle de la première pelletée de terre avant la fin de ce mandat. Puis, après s’être cassé les dents sur la première mouture du projet (le tunnel sous la pointe ouest de l’île d’Orléans), il a vu l’enthousiasme du grand Québec, ravi de la deuxième mouture (centre-ville à centre-ville), tomber à plat lors du dévoilement de la facture. Maintenant, il s’agira de voir, outre les réactions des oppositions à l’Assemblée nationale, comment la région de la Capitale-Nationale va réagir à cette troisième mouture.

Je veux bien croire que le maire de Québec, Bruno Marchand, n’en veux rien savoir, mais il faudra qu’il se rende bien compte, un jour ou l’autre, que sa ville a le luxe de tergiverser sur la solution au problème de circulation inter-rives, et ce avant que le problème soit total. Montréal aurait bien aimé avoir cette chance. Parce que l’expérience a démontré que malgré un nouveau pont (à six voies, Olivier-Charbonneau, sur l’autoroute 25), et l’avènement du métro à Laval, le volume de circulation n’a pas vraiment diminué entre les deux rives de la rivière des Prairies. Et la raison est simple; l’étalement urbain, qui traumatise présentement le maire Marchand, était déjà installé bien avant les nouvelles infrastructures.

Il devra comprendre que l’on ne peut pas forcer les gens à habiter des condos en hauteur, et que les résidences unifamiliales, avec une cour arrière suffisamment grande pour y installer une piscine, sont tout simplement inabordables en ville, 3e lien ou pas. C’est un phénomène qui existe depuis les tout-débuts de l’organisation municipale. Le maire Marchand devra faire avec, qu’il le veuille ou non.

Pour en revenir au tunnel lui-même, le gouvernement, en essayant de flatter les opposants dans le sens du poil, est en train de transformer un projet désiré, et attendu, en un gaspillage total. D’abord, l’idée de réduire le nombre de voies de trois à deux, par direction, vient réduire l’efficacité du lien; il aidera à la circulation pendant une dizaine d’années, quinze tout au plus, au lieu de soulager la situation à plus long terme. Parce que comme je l’ai déjà mentionné, la théorie de la circulation induite, ce n’est qu’une théorie. Toute région qui attire plus de gens aura inévitablement plus de gens en circulation. Ensuite, quand le gouvernement se rendra bien compte que le nouveau lien est plein, lui aussi, il sera trop tard pour essayer d’y ajouter des voies.

Parce qu’il faut l’avouer; la voiture individuelle ne disparaîtra pas de sitôt. On peut faire rouler les véhicules à l’électricité, à l’essence, au diesel, à l’hydrogène, ou même à l’huile de foie de morue (…non, j’exagère), il n’en demeure pas moins que les gens voudront se déplacer quand bon leur semble. Et les transports en commun n’offrent pas cette latitude, surtout hors des grands centres. Ainsi, les lieux où la population augmente auront besoin, tôt ou tard, de nouveaux liens, quelle que soit leur forme. Et puisqu’il en faut, autant les construire de façon qu’ils soient les plus efficaces possibles, le plus longtemps possible. Malheureusement, le gouvernement actuel semble avoir perdu de vue cet objectif.

Dénonciations sur les médias sociaux: Dangers à l’horizon

On assiste, depuis quelques jours, au Québec, à une nouvelle vague de dénonciations d’actes répréhensibles sur les médias sociaux. Harcèlement, agressions, intimidation, bref, il y en a pour tous les goûts. Le cas sur lequel je veux m’attarder, cette fois-ci (une fois n’est pas coutume, le domaine artistique n’étant habituellement pas ma tasse de thé), est celui de Safia Nolin dénonçant l’agression brutale qu’elle aurait subi de Maripier Morin.

Selon ce que j’ai pu lire, à gauche et à droite (j’avoue ne pas avoir fait une recherche approfondie), Maripier Morin aurait été “tannante” envers Safia Nolin lors d’une soirée bien arrosée, quelque part en 2018; quelques gestes coquins, dont une morsure à la cuisse, le tout accompagné de paroles à connotation raciste.  Qu’est-il réellement arrivé?  Seules les deux protagonistes pourraient le dire, quoique l’on obtiendrait probablement des versions fort différentes aujourd’hui.

Comme l’alcool est un désinhibiteur reconnu, c’est sous son effet que l’on peut constater certains “traits cachés” d’une personne.  Dans le cas présent, on pourrait croire que “c’est facile de sortir Maripier Morin de Pohénégamook, mais c’est plus compliqué de sortir Pohénégamook de Maripier Morin”.  Ceci dit, je n’ai rien contre la région, ni les gens, de Pohénégamook; ce n’est que le constat que les phénomènes sociaux (combat contre le racisme, égalité homme-femme, pour ne nommer que ceux-ci) se propagent comme la vague, quand on lance un caillou dans un étang.  Ça commence habituellement dans une grande ville, puis ça atteint les contrées plus éloignées au fil du temps.  J’aurais pu nommer n’importe quelle municipalité, d’ailleurs.

Je veux plutôt m’attarder sur les conséquences possibles de telles dénonciations sur les médias sociaux.  À court terme, c’est clair que l’on n’invitera plus ces deux femmes au même party.  À plus longue échéance, j’aurais tendance à croire que malgré tout, c’est à Safia Nolin que le tout risque de faire le plus de dommages.  Et voici pourquoi.

Dans le cadre d’une série d’émissions, Maripier Morin avait publié ses revenus annuels, qui se chiffraient, si ma mémoire est bonne, aux environs de 1,2 millions de dollars, cette année-là.  On sait que les revenus des artistes peuvent varier beaucoup d’une année à l’autre, mais on peut avancer, sans trop se tromper, que ses revenus oscillent, bon an mal an, autour du million.  Si elle a eu la sagesse d’en mettre un peu de côté, et qu’elle adopte un style de vie un peu plus modeste, elle pourrait passer un an ou deux loin des projecteurs.  Ensuite, elle pourrait concentrer sa carrière sur le mannequinat, à l’internationale, question de ne pas trop se faire voir au Québec, et elle pourrait ainsi vivre confortablement pour plusieurs années, tout en assurant son avenir financier.

Pour Safia Nolin, cela risque d’être un peu plus compliqué.  D’une part, parce que les revenus des auteurs-compositeurs-interprètes, malgré les subventions, sont plus limités.  Ensuite, et surtout, parce que Safia Nolin a commis, en faisant publiquement sa dénonciation, un geste qui risque d’être fatal pour sa carrière; elle a transgressé la solidarité féminine.  Je veux dire, si vous croyez qu’une bagarre entre deux hommes est violente, vous ne voudrez pas voir une bagarre entre deux femmes.  Autant une femme peut se démontrer pacificatrice dans plusieurs situations, autant elle peut, surtout lorsque poussée dans ses derniers retranchements, être drôlement intense.  Et lorsqu’une femme s’en prend à une autre femme, elle risque de s’isoler profondément, parce que non seulement elle perdra la confiance des hommes, mais aussi celle des femmes, qui se sentiront trahies par celle qui a refusé de faire preuve de solidarité.

Évidemment, c’est clair que les agressions de toutes sortes doivent être dénoncées, je suis le premier à en convenir.  Par contre, il y a des façons de faire les choses.  Et les dénonciations par les médias sociaux risquent de provoquer plus de dangers que de bienfaits.