Réseau autoroutier: Y a-t-il des “autoroutes vers nulle-part”, au Québec?

Il y a quelque temps, déjà, je visionnais sur YouTube une vidéo qui montrait quelques projets autoroutiers non-complétés aux USA, qu’ils appellent “highways to nowhere”, ou en français, des “autoroutes vers nulle-part”. Cela m’a donné l’idée de voir si nous avons, nous aussi, au Québec, des projets commencés, mais pas encore complétés, que ce soit des projets intéressants, mais mis “sur la glace”, faute de budget, ou encore de vieux trucs oubliés au fil des décennies.

Devinez quoi? J’en ai trouvé.

Je dois préciser que toutes les images de ce billet proviennent de Google Earth.

En voici une première, qui se situe sur la rive-sud de Montréal, plus précisément aux limites de Brossard et de La Prairie. J’ai déjà écrit sur ce projet, probablement enterré pour toujours, et qui serait probablement devenu l’autoroute 6.

Jusqu’au tournant des années 2000, environ, les chaussées que l’on voit à gauche, au sud de la rivière Saint-Jacques, étaient séparées de façon à construire un échangeur avec l’A-15, échangeur donnant sur une éventuelle nouvelle autoroute. L’autoroute 6 devait longer l’autoroute des Cantons-de-l’Est (A-10) afin de relier Brossard à Saint-Jean-sur-Richelieu, Farnham et Cowansville.

À l’ouest de Farnham, un bout de chaussée d’environ un kilomètre a même été construit; il sert aujourd’hui de piste d’atterrissage à une école de parachutisme. De plus, les voies de contournement sud, tant de Farnham que de Cowansville, montrent une largeur d’emprise beaucoup plus large que ce que la route 104 ne pourrait jamais avoir besoin. Vous pouvez voir le billet sur l’autoroute 6 en cliquant ici.

Il y a ensuite, bien entendu, les “chaînons manquants” de l’autoroute 40, à Trois-Rivières et à Québec.

On voit ici qu’au nord-est de l’échangeur A-40/A-55, deux bouts de chaussées ont été entamés, alors que tout en haut, au centre de l’image, un développement commercial a été construit, mais que celui-ci respecte la ligne d’emprise de l’autoroute; on a l’impression que le terrain a été découpé de travers, et que seule la partie ouest fut développée. C’est que la partie ouest, où il reste quelques arbres, appartient toujours au MTQ. Nous savons que l’A-40 originale devait continuer vers le nord-est après l’A-55, et se raccorder à l’actuelle “courbe Courteau”, dans l’ancienne municipalité de Saint-Louis-de-France, maintenant regroupée à Trois-Rivières.

Du côté de Québec, plus précisément de Saint-Augustin-de-Desmaures, on voit les deux chaussées de l’A-40 très distancées l’une de l’autre. C’est parce que l’autoroute 40 devait se continuer entre les chaussées actuelles, qui sont en principe les bretelles menant à, ou provenant de, l’autoroute 440.

L’A-40 devait ensuite passer au sud de l’aéroport Jean-Lesage, que l’on voit à gauche, sur cette image, passer dans le petit corridor, au centre de la photo, dans la municipalité de l’Ancienne-Lorette, et rejoindre le gros échangeur A-40/A-73/A-573, complètement en-haut de l’Image. Le gouvernement actuel a promis que jamais une autoroute ne sera construite dans le petit corridor et, joignant le geste à la parole, profite des travaux de reconstruction de l’échangeur pour créer des espèces de buttes antibruit, question de couper le son vers le quartier situé au sud-ouest de l’échangeur. De plus, tous les ponts d’étagement existants, qui auraient permis de raccorder une éventuelle autoroute 40 à l’échangeur, mais qui auraient eu besoin d’être rafraichis, n’ont tout simplement pas été reconstruits.

Retournons sur la rive sud du fleuve, cette fois aux limites des régions de l’Estrie et du Centre-du-Québec, là où devaient se rejoindre les autoroutes 55 et 51.

Situé dans le canton de Melbourne, en Estrie, ce lieu devait être celui d’un échangeur, mais quand on a décidé d’éliminer l’A-51, et de faire passer l’A-55 par Drummondville, cette grande courbe, sur le chemin situé au sud de l’autoroute, est devenue bien inutile. Par contre, elle nous permet de voir les dimensions de la boucle que devait opérer l’A-55 si elle avait été construite; celle-ci devait arriver du coin nord-est de l’image, puis passer sous les ponts que l’on voit au niveau du petit sentier, là où les chaussées de l’A-55 se séparent. Vous pouvez voir plus de détails sur ce lieu dans ce billet, qui date de… bien plus longtemps que cela.

Un autre site qui, celui-là, est bien visible sur les images satellites, est celui de la sortie 258 de l’autoroute 50, au sud de la ville de Lachute.

On peut clairement voir, à gauche sur l’image, que l’A-50 devait continuer tout droit vers l’est, et que l’échangeur de la sortie 258 devait être à l’est de la route, et non pas à l’ouest. C’est que, probablement, on a fait cette courbe de façon temporaire, au moment de la construction de la section de l’autoroute qui devait contourner la ville de Lachute, dans le milieu des années 1970. Lorsque vint le temps de compléter l’A-50, il fut clairement établi que l’autoroute ne passera définitivement pas au sud de l’aéroport de Mirabel, mais plutôt par la route d’accès à l’aéroport, construite par le fédéral, et comme celle-ci passait au nord de l’aéroport, on a probablement décidé de conserver la courbe temporaire de façon permanente.

Voici maintenant un endroit où vous vous direz sûrement que l’on n’aura probablement jamais besoin d’une autoroute, c’est à dire juste un peu au nord de la frontière Québec-New York.

Complètement à droite de l’image, on voit l’autoroute 15, à la hauteur de la sortie 6, à Hemmingford. À peu près au centre de l’image, dans un axe est-ouest, c’est la route 202. Mais curieusement, elle fût construite avec, au nord et au sud de celle-ci, des voies de service et, entre celles-ci, l’espace nécessaire pour construire une deuxième chaussée. À l’est de l’A-15, l’emprise de la route 202 permet aussi de construire une deuxième chaussée, et ce jusqu’à la route 221. Celle-là, je n’ai aucune idée de ce que le MTQ avait en tête, au moment de l’acquisition de l’emprise.

À voir certains endroits, tout porte à croire que le MTQ a déjà eu un département de planification à long terme du réseau routier. On peut alors se demander si ce département existe toujours, et s’il a laissé des documents que l’on pourrait consulter, afin de constater les planifications effectuées par le passé, et peut-être découvrir d’autres projets que le MTQ envisageait. De nos jours, par contre, il est clair que la planification du réseau routier tient beaucoup plus de contexte électoral que de celui de la fluidité de la circulation; le gouvernement actuel promettait, lors de la campagne électorale de 2018, le début de la construction du 3e lien Québec-Lévis avant la fin de ce mandat électoral, alors que la ministre des transports, sept ans plus tard, se promène encore avec ses cartables. Ce gouvernement n’a plus de crédibilité, et d’ici aux élections de 2026, on verra les ministres de démener, comme des diables dans de l’eau bénite, entre les coupures de budgets et les promesses électorales.

La route 4 – (2) de Châteauguay à Montréal

La dernière fois, nous nous sommes arrêtés juste au pied du viaduc surplombant l’autoroute 30, que nous avions traversé.  La route 4 (routes 132 et 138), ou boulevard Saint-Jean-Baptiste, se poursuit sous la forme d’une rue commerciale typique d’une ville de banlieue.  Après 1,8 kilomètres de commerces en tous genres, nous arrivons à la route 3 ouest, aussi appelée boulevard d’Anjou; la route 4 se poursuit en multiplex avec celle-ci.  Nous ferons 1,2 kilomètres de plus, toujours parmi les commerces, avant d’atteindre le boulevard Saint-Francis, et la réserve autochtone de Kahnawake, où l’on roule sur 4 voies, plus une voie de virage à gauche dans les deux sens, au centre, plus une voie réservée aux autobus, complètement à droite.  Cette dernière a ceci de curieux que la signalisation relative à celle-ci est faite, en alternance, de panneaux en français, et de panneaux… en langue Mohawk!  Aucun panneau en anglais, cependant!  Bizarre, quand même!

Après 3,4 kilomètres, la route 4 (routes 132 et 138) devient à chaussées séparées, et entre dans une courbe, vers la droite, au bout de laquelle on retrouve une intersection.  Pour poursuivre notre chemin vers Montréal, nous continuerons tout droit, mais il est clair que l’itinéraire de 1950 nous conduit plutôt à prendre à gauche, sur la Blind Lady’s Hill Road, jusqu’aux anciennes approches du pont Honoré-Mercier; il faut mentionner ici que le pont Mercier, et ses approches furent complètement refaites lors de la construction de la voie maritime du Saint-Laurent.  Vous trouverez les détails de cet itinéraire sur la troisième page consacrée à la route 3, que vous pouvez voir en cliquant sur ce lien.  En continuant, donc, nous nous trouvons sur ce qui aurait dû devenir un tronçon de l’autoroute 30 originale; d’ailleurs, à quelque 350 mètres de l’intersection de la Blind Lady’s Hill Road, la route devient droite comme une flèche, et à un kilomètre de là, la jonction de la St. Isidore Road (route 221) est étagée, avec viaduc et échangeur en demi-trèfle.  Nous ferons un demi-kilomètre de plus avant d’arriver aux bretelles qui conduisent à la route 3 est (route 132 est); nous continuerons vers le pont Mercier.

Nous roulerons encore 400 mètres sur la terre ferme avant d’atteindre les premières travées des bretelles conduisant au pont, qui est de juridiction partagée; en gros, on peut dire que la partie au-dessus de la voie maritime, incluant les brettes surélevées en territoire Mohawk, appartient au gouvernement fédéral, alors que celle au-dessus du fleuve Saint-Laurent appartient au provincial, mais dans les faits, la répartition des responsabilités est beaucoup plus complexe.  Vous trouverez un résumé plus détaillé en cliquant sur ce lien.  Après un peu plus de 500 mètres, nous arrivons à un feu de circulation, qui régule la circulation lors de l’heure de pointe du matin, puis nous atteignons le pont proprement dit.  Après environ 1,6 kilomètres, nous débarquons sur l’île de Montréal, plus précisément dans ce que l’on appelait – et qu’on appelle toujours – ville LaSalle.  À partir de ce point, ma carte de 1950 n’est plus suffisamment précise; j’ai donc utilisé une carte de 1952, sur l’utilisation des sols sur l’île de Montréal, que j’ai déniché sur le site web de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), qui montre que le pont Mercier, à l’époque, se raccordait à l’avenue Lafleur, près d’une intersection “à cinq coins”, qui comprend, outre cette avenue, la rue Airlie et le boulevard Newman.  Pour atteindre cette intersection, depuis le pont Mercier, vous devrez prendre la sortie 1 (Rue Airlie, Boul. Newman, Boul. de la Vérendrye); vous passerez sous un viaduc (c’est l’avenue Lafleur), puis vous tournerez à droite sur la rue Berhens.  Il y a une courbe à 90 degrés vers la droite, puis à l’intersection, vous continuez tout droit sur la rue Centrale.  Il y a ensuite un arrêt à l’avenue Orchard, puis un autre, pour une traverse de piétons.  Au suivant, vous tournez à droite; vous êtes sur l’avenue Lafleur.  Après 250 mètres, vous êtes à notre fameuse intersection; disons que c’est à ce point que la route 4 se poursuit.

De là, ne vous fiez pas au panneau indiquant la direction à prendre pour la route 138; il vous ramènera vers le pont Mercier!  Continuez plutôt tout droit; l’avenue Lafleur est droite comme une flèche, sur 1,3 kilomètres, jusqu’à la rue Elmslie.  Vous devrez bifurquer vers la droite, puisque l’avenue Lafleur s’arrête là, mais après environ 200 mètres, vous atteindrez l’avenue Dollard, que vous prendrez en tournant à gauche.  Dès que vous atteignez la petite pente, vous vous rendez compte que le terre-plein central devient beaucoup plus large; c’est qu’en 1950, à cet endroit, l’avenue Lafleur rejoignait l’avenue Dollard, dans une intersection en pointe, mais que suite au réaménagement du pont Mercier, toute la circulation venant des deux pont-levis, que vous voyez droit devant, fut détournée vers Dollard.  La route 4 traversait donc ces pont-levis, situés juste de l’autre côté de la rue Saint-Patrick.  Celui que l’on traversera, le pont Lafleur, fut érigé en 1959; c’est donc clair qu’en 1950, la circulation se faisait sur deux voies seulement, sur l’autre structure, le pont Gauron, qui lui fut construit en 1913.  Le tablier du pont Lafleur est en acier grillagé, contrairement à celui du pont Gauron qui est asphalté.  De l’autre côté des ponts, qui traversent le canal Lachine, la route 4 devient l’avenue Saint-Pierre; ce changement nous rappelle que nous sommes passés dans ce qui était autrefois ville Saint-Pierre, petite ville qui fut fusionnée à Lachine, dans le but de ne pas être fusionnée de force à la ville de Montréal, dans le cadre des méga-fusions municipales de 2002, mais la manoeuvre fut inutile puisque lors des référendums sur les défusions, en 2006, l’ancienne ville de Lachine n’a pas réussi à redevenir une ville, et est donc demeurée un arrondissement de la nouvelle ville de Montréal.  Nous allons donc parcourir quelque 320 mètres sur la route 4, en traversant la rue Notre-Dame, une voie ferrée, et l’autoroute 20, avant d’arriver à sa fin, soit à l’intersection de l’avenue Saint-Pierre et de la rue Saint-Jacques, qui était, en 1950, la route 2.