Train de banlieue: Une gare à Saint-Janvier, ça presse!

Dans ma lecture furtive du site web du canal Argent, je suis tombé sur un article de Denise Proulx, daté du 20 janvier en après-midi, et intitulé “Une gare de l’AMT installée à l’aéroport de Mirabel ?

Pour ceux et celles qui n’ont pas suivi ce dossier, mentionnons que la chicane fait rage depuis 2006; le maire de Mirabel de l’époque, Hubert Meilleur, dans l’optique de l’ouverture de la ligne de train de banlieue vers Saint-Jérôme, voulait obtenir une gare de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) sur le territoire de la municipalité, plus précisément tout près de l’ancien village de Saint-Janvier, là où le développement domiciliaire est florissant depuis plusieurs années.  Le problème, c’est que la ville souhaitait que la gare soit située sur la rue Victor (point indiqué en A, sur l’image), sur un terrain situé en territoire agricole, et que le syndicat local de l’Union des producteurs agricoles (UPA) est fortement opposée au dézonage de ce terrain, lui qui a vu de nombreuses terres converties en quartiers résidentiels.  Le maire Meilleur disait que c’était l’endroit tout désigné, que le chemin de fer passait directement là, et qu’on n’avait qu’à construire le quai, et les installations nécessaires.  Le terrain est situé à distance de marche de beaucoup de résidences, ce qui réduirait le besoin en espaces de stationnement.

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Cliquez sur l’image pour la voir en grand format. © 2014, Google Earth

L’affaire s’est retrouvée à plusieurs reprises devant la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), et la dernière fois fut au cours de l’été de 2013; celle-ci a toujours rejeté les demandes de dézonage de la municipalité.  Cette dernière rebuffade de la CPTAQ a poussé la ville de Mirabel à faire installer, le long de l’A-15, et PanneauA15Mirabelde la route 117, des panneaux montrant que la ville de MIrabel était contrariée par Québec.  L’article d’Argent mentionne qu’en septembre dernier, le ministre des transports, Sylvain Gaudreault, avait mandaté l’Agence métropolitaine de transport (AMT) pour trouver un emplacement dans la zone urbaine du quartier Saint-Janvier.  Pour sa part, l’UPA recommandait deux emplacement sur la rue Charles (je n’ai pas la certitude des emplacements précis, mais je les imagine logiquement en B, sur l’image).  Toujours en 2013, la députée de la circonscription de Mirabel, la péquiste Denise Beaudoin, y est allée d’une autre suggestion; elle a proposé, le plus sérieusement du monde, d’installer la gare de l’AMT sur le site de l’aéroport international de Mirabel (en C, sur l’image)!

Pour ma part, à défaut d’être le moindrement constructive, la prise de position de la députée Beaudoin, dans ce dossier, m’amène à croire qu’elle a certainement fumé du sacré bon stock!  Je m’explique.

Si l’on regarde à nouveau l’image de Google Earth, on remarquera que le terrain convoité par la ville de MIrabel, et le maire Meilleur, en A, tout comme les deux sites proposés par l’UPA locale, en B, ont le mérite de se trouver à proximité de la voie ferrée, et à distance de marche du secteur résidentiel.  Au niveau des inconvénients, le premier se trouve en territoire agricole, alors que les deux derniers sont désavantagés par leur superficie réduite, rendant une éventuelle expansion de la gare impossible, et limitant sérieusement le nombre d’espaces de stationnement.  Par contre, le site proposé par la députée offre beaucoup, beaucoup d’espaces de stationnement.  Le problème, c’est qu’il se trouve, à vol d’oiseau, à quelque 8,5 kilomètres de la voie ferrée!  Encore mieux; il faudra construire un nouveau tronçon de voie ferrée, qui devra traverser la route 117, l’autoroute 15, et se frayer une voie jusqu’à l’aérogare, actuellement désaffectée.  Ensuite, comme un train requiert beaucoup plus d’espace qu’un autobus pour changer de direction, il faudra construire une boucle, afin de tourner, et revenir vers la voie ferrée d’origine.  De plus, comme le rayon de braquage d’un train est beaucoup plus grand que celui d’un autobus, il faudra forcément exproprier – et faire dézoner devant la CPTAQ – une surface de terrain, le long de la ligne actuelle, pour construire les bretelles donnant accès à la nouvelle ligne vers l’aérogare, terrain qui sera plus grand que ce qui serait nécessaire pour construire la gare sur la rue Victor!  Je n’ose même pas tenter d’imaginer la facture d’une telle lubie!

Autre point; selon la page de la ligne de train de banlieue de Saint-Jérôme du site web de l’AMT, le train met normalement 14 minutes pour faire la distance entre les gares de Saint-Jérôme et de Blainville; le détour vers l’aérogare prolongera ce trajet d’une bonne vingtaine de minutes, sans compter le temps d’embarquement, et/ou de débarquement des passagers.  Si l’on regarde ensuite la distance à parcourir pour les gens de Saint-Janvier, qui devront forcément prendre leur voiture pour se rendre d’abord à l’aérogare, ils devront parcourir environ 12 kilomètres, si l’on mesure à partir du coin de la rue Charles et de la route 117.  Or, s’ils font 12 kilomètres dans l’autre direction, ils auront dépassé l’autoroute 640!  Ils auront parcouru presque la moitié du parcours pour se rendre à leur travail!  Autrement dit, ce ne serait pas vraiment plus long pour eux de se rendre directement à Saint-Jérome, pour prendre le train à la gare terminale!

Comme on peut le voir, la proposition de la députée Denise Beaudoin est cousue de fil blanc, et n’a aucun rapport avec la moindre logique.  Bel essai, madame, mais compte tenu de tout ce qu’il en coûterait, et de l’achalandage qui risque d’être finalement très faible, à cause de tous les désagréments, je vous dirai tout simplement, en mon nom personnel, et au nom de tous ceux qui voudront joindre leur voix à la mienne, “Thanks, but no, thanks!”  La prochaine fois que vous aurez une idée semblable, regardez-vous dans le miroir, et demandez-vous si vous avez le goût de défrayer la facture associée à votre idée à partir de vos finances personnelles.  Il sera clair que cette idée ne se rendra pas jusqu’aux médias locaux.  Quant aux autres décideurs de la région, et à l’actuel maire de Mirabel, je vois dirai, tout aussi simplement qu’à madame la députée, qu’une gare à Saint-Janvier, ça presse!

Aéroport Mirabel: Analyse d’une mauvaise décision

Il y a de cela plus de 3 ans, j’écrivais un billet sur l’aéroport de MIrabel (officiellement Montréal-Mirabel), qui tombait (et continue de tomber) en décrépitude.  Depuis quelques mois, beaucoup de visiteurs ont afflué vers cette page, alors qu’un article (d’abord, puis plusieurs ensuite) traitant de l’opposition à la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Nantes, en France, comprenait un lien vers mon billet sur Mirabel, montrant ainsi un exemple de méga-structure inutilisée.  Il faut d’abord comprendre pourquoi Mirabel a été abandonné, et ce afin d’éviter à la région de Nantes de subir les mêmes décisions que celles prises par les autorités responsables des aéroports du grand Montréal.

Il faut d’abord spécifier que la gestion, l’exploitation, et le développement des installations des principaux aéroports montréalais, de responsabilité fédérale, a été confiée à une société à but non-lucratif, créée en 1992, Aéroports de Montréal (ADM), dans le cadre d’un bail foncier de 60 ans, et ce dans la foulée d’un transfert de responsabilités, suite à un changement de mandat de Transports Canada.  Ainsi, depuis la création d’ADM, c’est cet organisme qui a la charge des deux principaux aéroports de Montréal, soit Pierre-Elliott-Trudeau (PET, anciennement Montréal-Dorval) et MIrabel.  Aussi, après des années de tergiversations, d’abord auprès de Transports Canada, puis d’ADM ensuite, cette dernière a finalement choisi, en 1997, de concentrer tout le trafic passager sur PET, ne laissant à Mirabel que le fret, et certaines installations industrielles.  L’application de cette décision s’est étendue sur plusieurs années, puisque le dernier vol de passagers à décoller de Mirabel fut le vol TS-710 d’Air Transat, vers Paris, le 31 octobre 2004.

Et ces années de tergiversations, elles auront profité à qui?  À Toronto!  L’aéroport Toronto-Pearson fonctionne maintenant avec deux terminaux, alors que le petit aéroport Billy Bishop (autrefois Toronto City Center Airport), en-face du centre-ville, aéroport déficitaire depuis sa construction, dans les années 1930, est devenu rentable en 2010, et roule à pleine capacité; presque exclusivement opéré par Porter Airlines, celui-ci était, en 2011, le 9e aéroport au Canada, et le 3e en Ontario, en termes de trafic passagers, et le 14e au Canada au niveau du nombre de mouvements d’appareils.

Depuis la fermeture du trafic passagers, en 2004, hormis les activités de fret, le site de l’aéroport de MIrabel regroupe quand même plusieurs activités.  Une base d’entretien d’aéronefs, où l’on s’occupe entre autres des F-18 américains, qui sont arrêtés par un fil de fer, en travers de la piste, comme sur un porte-avions.  L’usine Bell Helicopter, située tout près, vient y tester ses machines, entre autres avec des manoeuvres à reculons.  La firme Hélibellule y a aménagé une aérogare pour hélicoptères, évaluée à 5 millions de dollars  L’organisation iCar opère, directement sur le tarmac, une piste de karting, ainsi qu’une autre, plus grande, qui sert tantôt de site de présentation à la presse de nouveaux véhicules, tantôt de piste d’essais, où l’on pratique des manoeuvres d’urgence avec un peu de tout, même des ambulances.  L’avionneur Bombardier, qui pratique aussi des manoeuvres d’urgence, cette fois avec les avions qui sortent de sa chaîne de montage.  Le tout sans tour de contrôle, puisque tout le trafic est planifié depuis PET!

Donc, à part les pistes, et quelques installations industrielles, le site de Mirabel ressemble à une ville-fantôme; de nombreux bâtiments du parc industriel sont toujours à louer, et l’aérogare est totalement désert.  Depuis mon billet de septembre 2009, ADM a revampé l’édifice administratif, et tente désespérément d’en louer les espaces à bureaux.

Pendant ce temps, à PET, tout ne va pas nécessairement comme prévu.  Le plan d’ADM, étalé sur 25 ou 30 ans, prévoyait des investissements de plus d’un milliard de dollars sur les installations aéroportuaires même, alors que les gouvernements devaient s’occuper de ceux couvrant les infrastructures entourant le site.  La navette ferroviaire, qui devait relier le centre-ville à l’aérogare, se fait toujours attendre.  Les travaux de reconfiguration de l’échangeur A-20/A-520, communément appelé le “rond-point Dorval”, entrepris en 2009, ou 2010, sont gelés depuis plus de deux ans.  Avant tous ces investissements, PET était enclavé parmi des quartiers résidentiels, et le parc industriel de Pointe-Claire; après tous ces milliards, il le sera toujours.  Et le jour où l’espace physique manquera, où l’on se rendra compte qu’il y a des limites à “agrandir par en-dedans”, il faudra tout recommencer, avec de nouveaux milliards, ailleurs.  Mais que restera-t-il de Mirabel, à ce moment-là?

Déjà, les infrastructures inutilisées souffrent d’un manque d’entretien flagrant, façon polie de dire que tout tombe en ruines.  Si l’on se fie au fait que cet aéroport a été construit au même moment, et plus ou moins avec les mêmes matériaux, et les mêmes firmes d’ingénieurs, que les infrastructures routières qui tombent aussi en ruines avant la fin de leur vie utile, tout porte donc à croire que le jour où l’on se tournera vers Mirabel, il faudra tout raser, et reconstruire à neuf.  Si l’on avait décidé, en 1997, de tout concentrer à MIrabel, les voyageurs profiteraient de superbes installations, dont les mises à jour auraient coûté sensiblement le même prix que celles de PET, et qui auraient pu prendre de l’expansion, compte tenu de tout le terrain disponible, et ce malgré que l’usine de Bombardier ait été construite sur les espaces prévus pour cette expansion.

Mais malheureusement, ce n’est pas dans ce sens que les dirigeants d’ADM sont allés, il y a plus de 15 ans.  Et leur décision coûtera cher, et plus particulièrement aux contribuables canadiens.

Donc, que faire, pour le trafic aérien de Nantes?  D’abord, il faut commencer par déterminer combien de temps l’aéroport actuel peut continuer à offrir un service digne de mention.  Dans un second temps, il faut planifier la suite; s’il faut un nouvel aéroport, on doit s’assurer de démanteler l’ancien site aussitôt que le nouveau sera pleinement opérationnel, question d’éviter les retours en arrière qui ont causé, à terme, la mort de Mirabel.