Pont Champlain: Serait-ce « la bonne petite crise identitaire » que le PQ cherche tant?

En lisant les réactions de Québec – et accessoirement celles de Montréal – aux annonces faites ce mercredi par le ministre fédéral des transports, Denis Lebel, j’en suis à penser que le gouvernement de Pauline 1ère 1ère (avouez que ça faisait longtemps que je ne l’avais pas appelée comme ça!) devrait cesser cette commission stupide, coûteuse et surtout inutile sur le projet de loi 60 (oui oui, celui sur la Charte!), et investir son tout-va dans le dossier du pont Champlain.  Non, mais c’est vrai; selon ce que rapporte Tommy Chouinard, sur le site web de La Presse, il n’y a pas une, ni deux, mais bien cinq sources de colère pour Québec!

Je fais faire un truc que je n’ai pas fait depuis un bon bout, soit de prendre ces cinq points en litige cités par le journaliste, et les décortiquer un à un, afin d’expliquer mon point de vue sur ces pommes de discorde.  En kaki, ce sont des extraits du texte de Tommy Chouinard.  Allons-y!

> Le péage

Ottawa persiste à vouloir imposer un péage sur le nouveau pont. «J’aurais souhaité que le gouvernement fédéral soit davantage sensible» à cette question, alors que le péage est rejeté par toute la région métropolitaine, a déclaré le ministre des Transports et des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault. «Je tiens à mentionner que M. Lebel a dit qu’il n’avait pas l’intention de dévoiler le montant exact du péage; [ce serait fait] seulement quelque temps avant l’ouverture du pont. Écoutez, on ne peut pas fonctionner comme ça.»

Si on ne peut pas fonctionner comme ça, le ministre Sylvain Gaudreault devrait nous expliquer pourquoi Québec a fonctionné exactement de cette façon avec les deux ponts à péage qui furent construits récemment, soit le pont Serge-Marcil, sur l’autoroute 30, et avant, le pont Olivier-Charbonneau, sur l’autoroute 25.  Bien entendu, il aura le loisir de répondre que c’est la faute aux libéraux, mais encore!  Le tarif étonnamment bas du pont de l’A-30 sera corrigé le 1er février; ainsi, le tarif pour une voiture sera de 2$, pour l’A-30, alors qu’il varie déjà de 1,84$ en période hors-pointe, à 2,44$ aux heures de pointe, sur l’A-25.  Ces tarifs servent à financer la construction et l’entretien de chacun de ces ponts, et de certains tronçons d’autoroutes s’y rattachant; c’est d’ailleurs le cas dès qu’un partenaire privé est sollicité par le gouvernement, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP); celui-ci finance l’opération, et charge les usagers en retour.  Pendant que nous y sommes, le ministre Gaudreault devrait aussi nous expliquer comment on pourrait fonctionner, si l’on ne peut pas fonctionner comme ça.

> Les niveaux

Ottawa écarte le scénario d’un pont à deux niveaux, celui privilégié par Québec et les membres du Bureau de partenaires du pont Champlain. Le niveau inférieur serait réservé aux transports collectifs – autobus et train léger. Le niveau supérieur accueillerait à la circulation automobile, avec six voies, deux accotements et une piste pour les piétons et les cyclistes.

Si le gouvernement Marois est frustré par cette prise de position, je dois avouer que je le suis aussi, quoique pour des raisons fort différentes.  Alors que Québec visait les deux niveaux pour des raisons de sécurité, disait-on, de mon côté, je me désole de voir que l’on veut construire un pont avec la même capacité que le pont Champlain actuel, qui est déjà congestionné à chaque jour!  Si l’on peut saluer l’aménagement d’une piste cyclable et piétonnière, ce n’est sûrement pas l’addition d’un train, puisse-t-il être léger, qui va redonner la fluidité à la circulation aux heures de pointe, puisque celui-ci remplacera les autobus qui utilisent présentement la voie réservée en sens inverse de la circulation de pointe.  Et comme les stationnements incitatifs Panama et Chevrier sont pratiquement toujours remplis à pleine capacité, tout porte à croire que les gens continueront à prendre leur voiture pour se rendre à Montréal, et le nouveau pont sera tout aussi congestionné que l’est le pont actuel.

> La facture

Québec soupçonne Ottawa de vouloir lui refiler la totalité de la facture du train léger (SLR). Il lui demande de financer le SLR avec l’enveloppe dite «au mérite» du Fonds Chantiers Canada. La part de cette enveloppe qui reviendrait au Québec – environ 1 milliard de dollars – devrait être consacrée à ce seul projet, estime le gouvernement Marois.

Face à ce constat, Québec devrait reconsidérer son choix.  Un système ferroviaire conventionnel, comme celui du Train de l’Est, ou des autres trains de banlieue, coûterait probablement moins cher à aménager et à opérer, puisque sa compatibilité avec les voies ferrées existantes permettrait de complètement redéployer l’offre de trains de banlieue sur la rive-sud de Montréal.  On pourrait ainsi ouvrir des lignes vers Châteauguay et Salaberry-de-Valleyfield, vers Saint-Jean-sur-Richelieu et Granby, vers Saint-Hyacinthe et Drummondville, ainsi que vers Contrecoeur et Sorel-Tracy.  Le tout, accompagné d’arrêts et de stationnements incitatifs à chaque route importante, le long de ces trajets, pourrait se faire au rythme des budgets, et de la demande.

> Le bureau conjoint

Le gouvernement fédéral ne donne aucune réponse à la demande de Québec de créer un bureau conjoint Canada-Québec pour la construction du nouveau pont.

Quant à cette demande, pour ma part, Québec devra “s’asseoir dessus”, comme disait mon ex!  Le pont Champlain est de responsabilité fédérale, et le pont à construire, qui le remplacera, le sera aussi.  En conséquence, le gouvernement Marois devra se contenter de répondre aux question que daignera bien lui poser Ottawa, le cas échéant.  Si l’on remplaçait un pont à responsabilité partagée, comme le pont Honoré-Mercier, par exemple, un bureau conjoint serait le bienvenu, mais comme il s’agit d’un projet fédéral à 100%, Québec devrait profiter de l’occasion, qui lui est offerte sur un plateau d’argent, pour conserver son personnel (si tant est qu’à la lumière des révélations du rapport Duchesneau, le MTQ ne déborde pas d’ingénieurs!), afin de faire avancer d’autres dossiers importants, comme celui de l’échangeur Turcot.

> Le concours

Québec regrette que le fédéral ne tienne pas un concours architectural pour le design du nouveau pont.

Ça aussi, c’est malheureux, mais puisque tout le monde faisait pression sur Ottawa pour agir plus rapidement, dans la construction d’un nouveau pont, en remplacement de Champlain, il leur a bien fallu couper quelque part.  Personnellement, je préfère que l’on coupe le concours architectural que sur l’ingénierie, par exemple, ou sur la qualité du béton.

Plus sérieusement, si Québec se donnait la peine de coopérer, un tant soit peu, avec Ottawa, au lieu de constamment monter des dossiers de chicane, peut-être que le remplacement du pont Champlain pourrait avancer encore plus rapidement.

Que se passe-t-il avec Virginie Roy?

Je dois vous faire un aveu.  Je suis inquiet.

J’étais sur le site de Canoë, ce matin, et sous le thème « Environnement », je vois les noms de Hubert Reeves, de Daniel Green, et de Virginie Roy, comme à l’accoutumée.  Me sentant un peu vindicatif, voire même un peu « méchant », je décide d’aller voir la liste des articles de madame Roy, question de voir si j’aurai de quoi me mettre sous la dent.  Mais ma surprise fut de taille; le dernier texte de Virginie Roy date… du 11 mars!  Presque un mois, qu’elle n’a rien écrit!  De deux choses l’une; soit qu’elle est sur un grand reportage qui mettra sa carrière en évidence, soit – autre extrême – qu’elle fut victime d’une mise à pied de l’agence QMI, nouveau bébé de l’empire Péladeau.

J’ai beau la critiquer, je souhaite quand même que madame Roy voit sa carrière l’amener vers le haut, et non pas vers le bas.

En attendant, je vais tenter de commenter sa dernière intervention, « Montréal, une ville en lambeaux« .  Dans cet article, madame Roy fait encore une incursion en politique, et n’utilise l’environnement que pour contester une décision du maire de Montréal, Gérald Tremblay.

Elle jette un coup d’oeil aux coupures de 155 millions$, imposées par le maire de Montréal, en mars dernier, coupures qui s’ajoutent, dit-elle, à un programme de coupes budgétaires de 300 M$, que la ville a amorcé en 2006, et qui entraînerait la perte d’environ 1000 emplois, d’ici la fin de l’année.  Je présume que Virginie Roy se sert de ce chiffre pour illustrer l’importance des coupures imposées par le maire Tremblay; dans les faits, les villes, à l’image des autres gouvernements, garantissent la « sécurité d’emploi » à leurs fonctionnaires.  Il serait donc très surprenant que des employés de la ville, et je pense particulièrement aux cols bleus, se fassent singulièrement « slacker ».

Madame Roy, en sous-titrant « Des choix discutables », approfondit ensuite les coupures elle-mêmes, et bien sûr, les 40 M$ d’efforts imposés à la STM.  Elle mentionne que « Les heures de pointe sont devenues carrément infernales et la STM avoue ne plus savoir comment contenir cette explosion inattendue« .  D’abord, il faudrait préciser que la seule chose inattendue, dans ce cas, est à savoir à quel moment cette explosion du nombre d’usagers allait survenir, puisque déjà, en 2008, les représentants de la STM, et ceux de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) étaient bien présents, lorsque Québec a lancé sa Politique québécoise du transport collectif, qui visait une hausse de l’offre de service de 16%, pour tenter d’atteindre une augmentation de l’achalandage de 8%.  Cela porte à croire que ce n’était pas aussi inattendu que ce que Virginie Roy prétend.  Elle mentionne également le retrait de neuf projets, dans l’arrondissement Ville-Marie, ainsi que l’effort de 20 M$ demandé à l’ensemble des arrondissements, pour mieux souligner sa propre interrogation, à savoir si la crise économique actuelle n’a pas le dos un peu trop large.  En effet, madame, la crise a le dos large, mais le principal problème, c’est que les citoyens ont les poches vides.  Aussi, il devient de plus en plus insultant, pour eux, de voir les fonctionnaires de la ville se mettre à dix pour boucher quelques nids-de-poule, et utiliser trois camions de surnuméraires pour aller sarcler des fleurs, dans les parcs.

Elle se plaint ensuite du fait que Montréal s’offre une enveloppe de 2,4 M$ sur trois ans, pour faire la promotion de la ville comme centre international de créateurs de mode.  Elle dit:

« Le projet ne représente rien de mauvais en soi, mais quand la Ville annonce des compressions de plus de 150 M$ supplémentaires à un programme de coupes de 300 millions, quelle est la pertinence d’investir dans la mode en pleine crise économique?

Le secteur de la mode et du design revendique un coup de pouce depuis belle lurette, mais le contexte économique actuel aurait peut-être dû réveiller certains décideurs. Si la mode n’était pas une priorité d’investissement avant la crise, comment peut-elle le devenir maintenant? Toutes nos réserves s’épuisent et la mode semble être devenue l’incontournable point d’investissement de la saison. C’est à n’y rien comprendre…« 

Comme madame Roy ne semble rien comprendre à la situation, je vais tenter de lui fournir une explication, sur cette décision de la ville.

Partout, ces temps-ci, les gouvernements disent « investir » dans divers domaines, afin de relancer l’économie.  Alors le maire Tremblay a probablement voulu faire son effort, et comme Montréal est l’hôte de plusieurs écoles de création de mode reconnues, il est allé dans cette direction.  Un peu à l’image des gouvernements supérieurs, comme le fédéral, qui investit dans les filiales canadiennes de GM et de Chrysler, afin de sauver ces canards boiteux de la faillite.  Par contre, pour monsieur le maire, il est un peu trop tard, pour tenter de sauver les milliers d’emplois perdus dans l’industrie montréalaise du vêtement, puisque toutes les « shops de guénilles » de la rue Chabanel sont fermées depuis belle lurette, les entreprises préférant la main-d’oeuvre des Caraïbes, beaucoup moins onéreuse.  Gérald Tremblay tente donc de « sauver les meubles », et d’attirer des entrepreneurs, dans le domaine de la création de mode, en investissant, sur trois ans, une somme équivalente à… un et demi pour cent de l’ensemble des nouvelles coupures exigées, cette année seulement, à tous les niveaux de gestion de la ville.  Autrement dit, les 2,4 M$ que la ville entend investir dans ce domaine – souvenons-nous que c’est sur trois ans –  équivaut à ¼ de 1% du budget de la STM, qui se chiffre à 938,038,000 $, et ce pour l’année 2008 seulement.  Vraiment trop gourmande, la création de mode, n’est-ce pas, madame Roy?

Par contre, je suis d’accord avec Virginie Roy, sur un point; c’est vrai que Montréal est en lambeaux.  Toutefois, il ne faudrait pas que la ville ne songe à tout investir que sur la qualité de vie des citoyens – dont je suis – pour assurer un retour à la rentabilité, car ce faisant, Montréal risquerait de confirmer le rôle, souhaité par madame Roy, de « métropole du bien-être ».  S’il est vrai que ce terme sonne bien, il faut préciser que la ville deviendrait effectivement la métropole du bien-être, mais dans un sens bien particulier; celui de métropole du bien-être social.