Élargissement de l’A-20: Same old, same old…

Sur le site web du Journal de Québec, hier après-midi, est apparu un article de Stéphanie Martin sur l’avis d’experts au sujet du projet d’élargissement de l’autoroute 20 à Lévis. Parce qu’à chaque fois qu’il y a un tel projet, il y a toujours des experts qui viennent expliquer que l’ajout de capacité du réseau routier ne sert à rien.

Same old, same old,…

Ces soi-disant experts, qui n’ont probablement jamais conduit un camion de leur vie, basent leur raisonnement sur une théorie qu’ils appellent la “circulation induite”; Ils prétendent que l’ajout de capacité d’une route (ou d’un pont, d’un tunnel, etc.) incitent les usagers à négliger les transports en commun pour reprendre leur véhicule personnel, lors de leurs déplacements, ce qui fait que l’amélioration, au bout de quelques mois à peine, rend la situation pire qu’elle ne l’était avant les travaux.

L’idée, ici, est d’isoler les automobilistes, et de les culpabiliser, en prétendant que les bouchons de circulation, au bout de la ligne, sont strictement de leur faute. Je vais vous expliquer que la vérité est toute autre, et je vais le faire par un exemple.

Imaginons qu’une route ait été construite avec une capacité de 50,000 véhicules par jour. Avec le temps, c’est plutôt 120,000 véhicules par jour qu’elle supporte; il est donc normal qu’à certains moments de la journée, particulièrement aux heures de pointe, mais pas seulement, des bouchons de circulation se créent. Imaginons maintenant que le responsable de la route projette de faire des améliorations qui amènent la capacité de celle-ci à 90,000 véhicules par jour. Malgré une capacité de la route presque doublée, il n’en demeure pas moins qu’il y a toujours 30,000 véhicules de trop. Les bouchons seront peut-être moins longs, dureront peut-être moins longtemps, mais tôt ou tard, les bouchons seront à nouveau irritants pour tout le monde.

Posons la question; lors des dernières améliorations du réseau routier, ces experts ont-ils mesuré l’utilisation des transports en commun, afin de démontrer qu’il y a réellement eu transfert des utilisateurs des transports en commun vers les véhicules personnels? Dans l’article de madame Martin, aucune donnée ne vient démontrer les prétentions des experts interrogés. Et je ne me souviens pas d’avoir lu d’articles affichant de telles données. Bref, c’est comme on dit souvent; si ça existait, on le saurait.

Si l’on regarde l’augmentation de la population depuis, disons, les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, on se rend rapidement compte que le réseau routier supérieur, en particulier, n’a jamais suivi la progression de la population; alors que les villes ont vu leur population se doubler, se tripler, voire davantage, les routes principales ont gardé, pour la plupart, la même capacité. La même nombre de voies, les mêmes distances couvertes, mais le nombre d’utilisateurs s’est multiplié. Le pont Samuel-de Champlain, entre Montréal et Brossard, en est le meilleur exemple. Résultat des courses; des bouchons de circulation récurrents, et des accidents qui surviennent de plus en plus souvent.

L’article parle d’un projet d’élargissement de l’A-20, et est complémentaire de cet autre article, aussi signé Stéphanie Martin, qui explique davantage le projet, dont les travaux devraient commencer dès 2026. Ces travaux ajouteraient une troisième voie sur environ 3,5 kilomètres, en direction ouest. On en profiterait pour ajuster la hauteur libre sous le pont d’étagement de l’avenue Taniata (route 275), question d’avoir suffisamment de dégagement sur les trois éventuelles voies de l’A-20. Le tout fait partie d’un projet d’élargissement d’une dizaine de kilomètres de la chaussée de l’autoroute, en direction ouest, projet désormais évalué à 101,3 millions de dollars.

Faisons quelques calculs, juste pour le fun. On parle d’un chantier de deux ans, pour ajouter 3,5 kilomètres de voie, dans une seule direction. Admettons que maintenant, on décide d’ajouter une troisième voie à l’A-20 sur toute la distance entre Montréal et Québec, ce dont nous aurions bien besoin. Pour les besoins de la cause, et pour simplifier les calculs, disons que le doublement s’étend entre l’échangeur de l’autoroute 30 (sortie 98), près de Sainte-Julie, et l’échangeur de l’autoroute 73 (sortie 312), à Lévis. Aussi, arrondissons le montant du projet de Lévis à 100M$, soit 10M$ du kilomètre. Il nous faudrait donc construire une nouvelle voie sur (312 – 98 =) 214 km, multiplié par 2, parce qu’il y a deux chaussées. Cela nous donnerait 428 kilomètres de ”troisième voie” à construire, à 10M$ du kilomètre, ce qui coûterait la modique somme de 4,28 milliards de $.

Comme il faudra deux ans pour accomplir 3,5 kilomètres de chaussée, on parle de 1,75 kilomètres par année. Donc, pour construire 428 kilomètres, à 1,75 kilomètres par année, il faudrait la bagatelle de 244 ans et 208 jours. Il est donc clair qu’aucun d’entre nous ne sera présent le jour de l’inauguration.

On blague avec ces chiffres, mais cela nous démontre que les travaux d’augmentation de la capacité du réseau routier n’ont jamais suivi l’augmentation du nombre d’utilisateurs de celui-ci. Aussi, devant ce constat, il est évident que les tenants de la théorie de la circulation induite veulent tout simplement privilégier leurs idées, au détriment des besoins réels de la société. Parce que les camions, qui approvisionnent autant les “magasins de proximité” que les grands magasins, n’utiliseront jamais les transports en commun, il faudra toujours des routes. À tout le moins, jusqu’au jour où la téléportation deviendra un moyen abordable de transport. Ce qui, avouons-le, n’est pas pour demain.

Réseau autoroutier: Y a-t-il des “autoroutes vers nulle-part”, au Québec?

Il y a quelque temps, déjà, je visionnais sur YouTube une vidéo qui montrait quelques projets autoroutiers non-complétés aux USA, qu’ils appellent “highways to nowhere”, ou en français, des “autoroutes vers nulle-part”. Cela m’a donné l’idée de voir si nous avons, nous aussi, au Québec, des projets commencés, mais pas encore complétés, que ce soit des projets intéressants, mais mis “sur la glace”, faute de budget, ou encore de vieux trucs oubliés au fil des décennies.

Devinez quoi? J’en ai trouvé.

Je dois préciser que toutes les images de ce billet proviennent de Google Earth.

En voici une première, qui se situe sur la rive-sud de Montréal, plus précisément aux limites de Brossard et de La Prairie. J’ai déjà écrit sur ce projet, probablement enterré pour toujours, et qui serait probablement devenu l’autoroute 6.

Jusqu’au tournant des années 2000, environ, les chaussées que l’on voit à gauche, au sud de la rivière Saint-Jacques, étaient séparées de façon à construire un échangeur avec l’A-15, échangeur donnant sur une éventuelle nouvelle autoroute. L’autoroute 6 devait longer l’autoroute des Cantons-de-l’Est (A-10) afin de relier Brossard à Saint-Jean-sur-Richelieu, Farnham et Cowansville.

À l’ouest de Farnham, un bout de chaussée d’environ un kilomètre a même été construit; il sert aujourd’hui de piste d’atterrissage à une école de parachutisme. De plus, les voies de contournement sud, tant de Farnham que de Cowansville, montrent une largeur d’emprise beaucoup plus large que ce que la route 104 ne pourrait jamais avoir besoin. Vous pouvez voir le billet sur l’autoroute 6 en cliquant ici.

Il y a ensuite, bien entendu, les “chaînons manquants” de l’autoroute 40, à Trois-Rivières et à Québec.

On voit ici qu’au nord-est de l’échangeur A-40/A-55, deux bouts de chaussées ont été entamés, alors que tout en haut, au centre de l’image, un développement commercial a été construit, mais que celui-ci respecte la ligne d’emprise de l’autoroute; on a l’impression que le terrain a été découpé de travers, et que seule la partie ouest fut développée. C’est que la partie ouest, où il reste quelques arbres, appartient toujours au MTQ. Nous savons que l’A-40 originale devait continuer vers le nord-est après l’A-55, et se raccorder à l’actuelle “courbe Courteau”, dans l’ancienne municipalité de Saint-Louis-de-France, maintenant regroupée à Trois-Rivières.

Du côté de Québec, plus précisément de Saint-Augustin-de-Desmaures, on voit les deux chaussées de l’A-40 très distancées l’une de l’autre. C’est parce que l’autoroute 40 devait se continuer entre les chaussées actuelles, qui sont en principe les bretelles menant à, ou provenant de, l’autoroute 440.

L’A-40 devait ensuite passer au sud de l’aéroport Jean-Lesage, que l’on voit à gauche, sur cette image, passer dans le petit corridor, au centre de la photo, dans la municipalité de l’Ancienne-Lorette, et rejoindre le gros échangeur A-40/A-73/A-573, complètement en-haut de l’Image. Le gouvernement actuel a promis que jamais une autoroute ne sera construite dans le petit corridor et, joignant le geste à la parole, profite des travaux de reconstruction de l’échangeur pour créer des espèces de buttes antibruit, question de couper le son vers le quartier situé au sud-ouest de l’échangeur. De plus, tous les ponts d’étagement existants, qui auraient permis de raccorder une éventuelle autoroute 40 à l’échangeur, mais qui auraient eu besoin d’être rafraichis, n’ont tout simplement pas été reconstruits.

Retournons sur la rive sud du fleuve, cette fois aux limites des régions de l’Estrie et du Centre-du-Québec, là où devaient se rejoindre les autoroutes 55 et 51.

Situé dans le canton de Melbourne, en Estrie, ce lieu devait être celui d’un échangeur, mais quand on a décidé d’éliminer l’A-51, et de faire passer l’A-55 par Drummondville, cette grande courbe, sur le chemin situé au sud de l’autoroute, est devenue bien inutile. Par contre, elle nous permet de voir les dimensions de la boucle que devait opérer l’A-55 si elle avait été construite; celle-ci devait arriver du coin nord-est de l’image, puis passer sous les ponts que l’on voit au niveau du petit sentier, là où les chaussées de l’A-55 se séparent. Vous pouvez voir plus de détails sur ce lieu dans ce billet, qui date de… bien plus longtemps que cela.

Un autre site qui, celui-là, est bien visible sur les images satellites, est celui de la sortie 258 de l’autoroute 50, au sud de la ville de Lachute.

On peut clairement voir, à gauche sur l’image, que l’A-50 devait continuer tout droit vers l’est, et que l’échangeur de la sortie 258 devait être à l’est de la route, et non pas à l’ouest. C’est que, probablement, on a fait cette courbe de façon temporaire, au moment de la construction de la section de l’autoroute qui devait contourner la ville de Lachute, dans le milieu des années 1970. Lorsque vint le temps de compléter l’A-50, il fut clairement établi que l’autoroute ne passera définitivement pas au sud de l’aéroport de Mirabel, mais plutôt par la route d’accès à l’aéroport, construite par le fédéral, et comme celle-ci passait au nord de l’aéroport, on a probablement décidé de conserver la courbe temporaire de façon permanente.

Voici maintenant un endroit où vous vous direz sûrement que l’on n’aura probablement jamais besoin d’une autoroute, c’est à dire juste un peu au nord de la frontière Québec-New York.

Complètement à droite de l’image, on voit l’autoroute 15, à la hauteur de la sortie 6, à Hemmingford. À peu près au centre de l’image, dans un axe est-ouest, c’est la route 202. Mais curieusement, elle fût construite avec, au nord et au sud de celle-ci, des voies de service et, entre celles-ci, l’espace nécessaire pour construire une deuxième chaussée. À l’est de l’A-15, l’emprise de la route 202 permet aussi de construire une deuxième chaussée, et ce jusqu’à la route 221. Celle-là, je n’ai aucune idée de ce que le MTQ avait en tête, au moment de l’acquisition de l’emprise.

À voir certains endroits, tout porte à croire que le MTQ a déjà eu un département de planification à long terme du réseau routier. On peut alors se demander si ce département existe toujours, et s’il a laissé des documents que l’on pourrait consulter, afin de constater les planifications effectuées par le passé, et peut-être découvrir d’autres projets que le MTQ envisageait. De nos jours, par contre, il est clair que la planification du réseau routier tient beaucoup plus de contexte électoral que de celui de la fluidité de la circulation; le gouvernement actuel promettait, lors de la campagne électorale de 2018, le début de la construction du 3e lien Québec-Lévis avant la fin de ce mandat électoral, alors que la ministre des transports, sept ans plus tard, se promène encore avec ses cartables. Ce gouvernement n’a plus de crédibilité, et d’ici aux élections de 2026, on verra les ministres de démener, comme des diables dans de l’eau bénite, entre les coupures de budgets et les promesses électorales.

Filière batteries: Des projets semblent avoir de l’eau dans le gaz

Ce matin, je lisais un article de Benoît Charette, sur le site web de l’Annuel de l’auto, qui date du 31 octobre dernier, et qui semble indiquer que le projet d’usine de composantes de cathodes de batteries, de Ford, en partenariat avec les coréennes EcoPro BM et SK, serait à nouveau sur pause. Ce projet a connu quelques arrêts, depuis son inauguration, en août 2022*.

Je me suis mis à la recherche d’autres sources, et je suis tombé sur un article de Francis Beaudry, de la SRC, aussi publié le 31 octobre dernier, selon lequel Ford se retire du projet, mais que le principal investisseur, EcoPro, poursuivait la construction, après une pause. Les travaux ont repris fin septembre, début octobre. L’article dit aussi qu’un porte-parole de Ford a confirmé, par courriel, que la firme se retirait du projet, à titre de partenaire minoritaire.

Dans La Presse, c’est Julien Arsenault qui a publié un article, qui reprenait la même nouvelle, à savoir que Ford retirait ses billes, allant même jusqu’à dire que le constructeur n’avait finalement jamais joint officiellement le consortium derrière ce projet, et que maintenant, c’est EcoPro qui “prend toute la place” dans le projet.

Si l’on ajoute cela aux délais de Northvolt, en Montérégie, c’est une bonne partie de la “filière batteries” qui semble avoir “de l’eau dans le gaz”, pour reprendre une expression bien de chez nous. Quand les gouvernements nous ont annoncé le grand projet, ils semblaient dire qu’il était important d’agir rapidement dans ce dossier, question d’être aux premières loges, d’être les pionniers dans le domaine. Un an et des poussières plus tard, force est de constater que le fait d’agir vite pourrait nous laisser avec quelques “corps morts” d’usines qui ne seront jamais mises en production.

Le fait est que les ventes de véhicules électriques tournent au ralenti, ces temps-ci; la fin des subventions gouvernementales ne semble pas convaincre les consommateurs de se porter acquéreurs de véhicules électriques. Lorsque les premiers modèles ont été mis en vente par les divers constructeurs, il y a plusieurs années, les enthousiastes se sont précipité aux portes des concessionnaires, laissant place à des listes d’attente de plusieurs mois, pour ne pas dire de quelques années. Mais une fois ces amateurs de l’électrique contentés, les ventes ont considérablement ralenti, faisant en sorte que les cours des concessionnaires sont désormais remplies à capacité; les constructeurs doivent consentir des rabais substantiels pour permettre de liquider les inventaires.

Et là, on ne parle même pas de la mauvaise presse; les médias sociaux sont inondés de vidéos d’incendies de véhicules électriques, et de gens qui tombent en panne par manque de courant, soit parce que le réseau de bornes de recharge n’est pas au point, soit parce que l’on a parfois surestimé la capacité restante de la batterie. En plus des messages, postés dans les jours suivant les tempêtes majeures, du genre “Vous êtes à la maison, et vous devez vous déplacer dans la tempête, mais la batterie de la voiture est morte, et vous n’avez pas d’électricité. Vous faites quoi?” Bref, tout cela vient mettre du négatif sur toute l’affaire des véhicules électriques.

Bon, je ne dis pas que toute la filière va faire faillite, et que les gouvernements vont manger leurs bas avec cela, mais je crois que la rapidité, pour “être le chef de file”, comporte aussi des risques, qui sont loin d’être négligeables.

* Selon les autres sources, le projet du chantier aurait plutôt été inauguré en août 2023.

Rage au volant: Ça va s’amplifier

Au hasard d’une visite sur le web, je suis tombé sur un article du site de TVA Nouvelles qui traitait d’un cas de rage au volant entre camionneurs. Selon l’article, signé Yves Poirier, une camionneuse aurait été agressée par deux individus, un camionneur et son passager, après qu’ils eurent tenté de contourner une file d’attente. C’est lorsque la camionneuse leur a mentionné qu’il fallait attendre en file que les deux hommes s’en seraient pris à elle.

L’incident s’est produit à Vaudreuil-Dorion, là où, toujours selon l’article, une autre camionneuse a été agressée, sur le pont de l’île-aux-Tourtes, cette fois, après une simple altercation, le 21 août dernier.

Je ne sais pas si les bonzes du MTQ ont calculé les risques de rage au volant dans la planification de leurs travaux, mais il est clair que la multiplication des chantiers va entraîner une augmentation des cas.

Comprenez-moi bien; chaque cas de rage au volant en est un de trop. Par contre, avec la situation qui prévaut sur le réseau routier actuellement, la pression monte pour tous les conducteurs, et particulièrement les camionneurs, qui n’ont pas le choix de composer avec la congestion, et les nombreux détours, dans le cadre de leur travail. Ainsi, lorsque la pression est déjà à son maximum, la moindre étincelle risque de faire exploser certains individus qui ont la mèche plus courte que les autres.

Je veux bien croire que le gouvernement actuel a hérité de la situation que son prédécesseur lui a laissé, mais si la ministre des transports, Geneviève Guilbault, cessait de rire des automobilistes dans leur face, cela aiderait peut-être un peu. Le réseau routier supérieur, en plus d’être en retard de 50 ans dans son développement, a besoin de beaucoup, beaucoup d’amour. Et de fonds publics, bien entendu.

Il est plus que temps d’établir un plan d’action pour les 20, 30, voire 50 ans à venir, et d’investir manu militari dans le réseau qui, bon an mal an, est classé parmi les pires, selon le pire au Canada. Comme je l’ai déjà écrit ici, le réseau routier, en plus d’être incomplet, se dégrade à vitesse grand V, justement parce qu’il n’est pas assez développé. Les véhicules qui se répartiraient sur un réseau d’une plus grande ampleur, doivent se contenter du réseau existant, ce qui le surcharge, et accélère sa dégradation. Il faudra donner un sérieux coup de barre pour parvenir à reprendre le dessus, et finir par avoir un réseau routier efficace, à défaut d’être digne de mention.

Donc, au lieu de se montrer avec son look Metallica, la ministre Guilbault devrait enfiler ses bottes à caps d’acier, et se montrer au travail. Quant au premier ministre, François Legault, je le met au défi de nommer un camionneur comme ministre des transports; à défaut d’être plus photogénique, il y aurait peut-être un peu plus d’action à la table du Conseil des ministres.

En tant que camionneur, je peux vous garantir que je fais du mieux que je peux pour éviter d’éclater, et de devenir moi-même un cas de rage au volant, malgré que les occasions se font de plus en plus nombreuses.

3e lien Québec-Lévis: Pour en finir…

Je suis tombé, ce matin, sur une chronique de Richard Martineau, publiée hier sur le site web du Journal de Montréal, dans laquelle il parle de la crédibilité du gouvernement caquiste de François Legault avec le projet de 3e lien à Québec. Il illustre, avec des paroles de chansons des Rolling Stones, certaines leçons de la vie, leçons que François Legault et son gouvernement semble balayer du revers de la main avec leur nouvelle profession de foi envers le 3e lien.

Évidemment, tous les éditorialistes anti-3e lien ont sauté sur les conclusions du rapport de CDPQ-Infra (la division des infrastructures de la Caisse de dépôts et placements du Québec), déposé ces derniers jours, sur les grands projets de Québec, à savoir d’avancer avec le tramway, et de mettre le 3e lien sur la glace. Afin de faire un petit peu plaisir à tout le monde, l’organisme paragouvernemental a entrouvert une porte, celle de la sécurité économique, afin de s’avancer sur un projet de lien autoroutier inter-rives. Il n’en fallait pas plus pour que les bonzes de la CAQ s’y engouffrent.

L’affaire de sécurité économique en question, c’est grosso-modo ce que je m’évertue à dire depuis des années; personne ne pense au camionnage dans les projets de transport. Et là, coup de théâtre – ou coup de génie, la Caisse ouvre une brèche; la sécurité économique devient un enjeu vital, incontournable. Cela fait des décennies que les politiciens l’ignorent complètement, malgré que je criais sur tous les toits. Vous me remercierez plus tard, les élus de la CAQ!

Ce que je raconte depuis des décennies, c’est que le réseau routier supérieur du Québec est en retard de 50 ans sur ce qu’il devrait être. Bon, OK, le chiffre a varié avec le temps; j’ai d’abord parlé de 25 ans, puis de 30, mais là, on en est rendus à 50 ans de retard. Cela fait aussi un bon bout que je dis que si la grande région de Québec ne veut pas se retrouver comme celle de Montréal, c’est à dire enfermée dans des successions de bouchons de circulation, le gouvernement doit agir, et maintenant. Quand on sait qu’il faudra une bonne dizaine d’années pour réaliser un lien fixe entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent, on est mieux de se mettre à l’ouvrage maintenant, car qui sait de quoi la situation aura l’air dans dix ans.

En fait, on s’en doute un peu.

Voyez-vous, à la fin de février 2003, le commissaire Roger Nicolet déposait le rapport de sa commission d’étude sur la mobilité entre Montréal et sa rive sud, et dans les principales conclusions, il mentionnait que la construction d’un nouveau pont, dans l’est, entre Repentigny et Varennes, améliorerait grandement la mobilité entre les deux rives du fleuve. Or, le ministre des transports de l’Époque, le péquiste Serge Ménard, n’en voulait pas, de ce nouveau pont. Aujourd’hui, avec les travaux au tunnel Lafontaine, la grande région de Montréal respirerait probablement beaucoup plus d’aise si ce nouveau pont avait été construit comme recommandé.

Depuis que le pays a été développé, il y a plus de 400 ans, je ne me souviens pas d’avoir vu un déclin de la population tel que l’on puisse se débarrasser d’une infrastructure, et qu’elle soit définitivement déclarée “de trop” par l’ensemble de la population, comme des décideurs. La population n’a jamais décliné à un point tel que l’on puisse dire “ce pont est de trop”, à moins que ladite infrastructure ait déjà été remplacée par une autre, nettement supérieure à bien des points de vue. Aussi, je ne crois pas que la population du grand Québec diminue au point de dire que l’on peut sacrifier un pont, ou ne serait-ce que le service de traversier actuel entre Québec et Lévis. Je suis plutôt du genre à croire que, dans dix ans, si rien n’est fait, ceux qui raillent actuellement contre un éventuel 3e lien seront les premiers à déchirer leur chemise en criant “Pourquoi le gouvernement n’a rien fait pour prévenir cette situation épouvantable?”

Il y a un vieux dicton qui disait que “Gouverner, c’est prévoir”. Or, si l’on recule d’une trentaine d’années au moins, on avait un outil qui s’appelait le recensement. Géré par le gouvernement fédéral, il permettait d’établir combien de personnes vivait dans une région, et permettait de prévoir les infrastructures nécessaires dans un avenir plus ou moins rapproché. Il faut dire qu’à cette époque, la population augmentait encore par les naissances, alors que de nos jours, celle-ci augmente surtout par l’immigration; les demandes de nouvelles infrastructures sont beaucoup moins prévisibles, et d’autant plus immédiates, que les immigrants en ont besoin ici, et maintenant, pas dans 30 ans. La crise du logement actuelle illustre cette situation à la perfection.

Quant à l’argument de l’étalement urbain, souvent utilisé par les anti-3e lien, il faut bien comprendre pourquoi les gens vont s’établir en banlieue; parce que les unités de logement disponibles au centre-ville se font rares, et sont donc hors de prix, d’une part, et d’autre part, ne correspondent pas à ce que les gens recherchent. Par ailleurs, l’étalement urbain a toujours existé, et existera probablement toujours; plus il y a de gens, plus il leur faudra de l’espace pour vivre. Ce ne sont pas toutes les familles qui se sentent bien dans un condo en étage; plusieurs veulent un tant-soit-peu de confort, comme une cour arrière, une piscine, un garage, et quoi d’autre. Les villes-centre ne peuvent plus répondre à cette demande à un coût raisonnable. Et de quel droit ceux qui profitent de ce confort peuvent-ils dire que ce temps est expiré, que tout le monde doit vivre en étage? Pourquoi ne donnent-ils pas l’exemple en s’établissant eux-mêmes en condos?

Si François Legault, et son gouvernement, veulent tenter de récupérer un brin de crédibilité, d’ici les prochaines élections, il faudra que ses paroles ne soient pas que des promesses sans valeur; il devra passer à l’action, déposer des plans sérieux, et les mettre à exécution. Et surtout cesser de promettre tout et son contraire.