La politicaillerie va finir par gangrener le dossier du remplacement du pont Champlain! C’est ce que je constate à chaque fois qu’il est question de ce problème majeur dans le domaine de la circulation du grand Montréal.
Cette fois, c’est un rapport de la firme d’ingénierie Buckland & Taylor, remis à Transports Canada la semaine dernière, et rendu public ce mercredi, qui fait mention de travaux supplémentaires à effectuer. Le rapport indique que la Société des Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI), l’agence fédérale qui gère entre autres ces deux ponts de Montréal, devrait fortement envisager d’accélérer le remplacement de la structure vieillissante. Cet état de faits est rapporté par Andy Riga, le journaliste spécialiste en transports du quotidien anglophone The Gazette, de Montréal. Il parle d’investissements totaux de 500 M$ sur cinq ans, soit presque cinq fois plus que ce qu’Ottawa avait budgété!
Et ça, c’est juste un détail croustillant de plus dans toute cette affaire. Imaginez; le pont Champlain original, ouvert à la circulation en 1962, fut construit avec trois voies de circulation dans chaque direction. Maintenant, on planifie le remplacement de ce pont, vieux de plus de 50 ans, par un autre qui comporte… trois voies de circulation dans chaque direction! Bon, on y mettra bien des voies de transport en commun en site propre, et un corridor pour piétons et cyclistes, bien sûr, mais personne ne me fera croire que la capacité du pont construit il y a 50 ans est suffisante aujourd’hui! Présentement, Champlain est bouché soir et matin; qu’arrivera-t-il si l’on construit une infrastructure avec la même capacité? Il surviendra la même chose! Les véhicules ne vont pas disparaître par miracle!
Il faut un minimum de cinq voies de circulation dans chaque direction, et des accotements des deux côtés de chaque chaussée. Avec deux voies réservées en site propre au centre, on pourrait parler d’une configuration 5-2-5. Bien sûr, ça coûtera plus cher. Mais que veut-on, au juste? Un pont qui fait le job pour lequel il est construit, et qui durera le temps prévu, ou un pont qui deviendra hors-d’usage avant la moitié de sa durée de vie? Parce qu’il y a un principe simple; ce n’est pas parce que l’on diminue le diamètre de la conduite d’eau que les gens, à l’autre bout, auront moins soif! Une infrastructure de capacité insuffisante ne provoquera que des bouchons plus longs! La population du grand Montréal, tout comme celle du Québec, a presque doublé depuis un demi-siècle, et le nombre de véhicules sur les routes a pratiquement quadruplé; il serait donc complètement stupide de construire un pont dont la capacité est la même que celui qui fut construit il y a cinquante ans!
En ce qui concerne le système de transport en commun à mettre en place sur le nouveau pont, la meilleure solution serait d’utiliser des trains conventionnels, qui pourraient ensuite se répartir sur tout le territoire de la rive-sud de Montréal; certains vers Saint-Jean-sur-Richelieu, et Granby, d’autres vers Saint-Bruno, Beloeil et Saint-Hyacinthe, et d’autres encore vers Varennes, Contrecoeur et Sorel-Tracy. Sur les deux voies réservées, on devrait installer les rails de façon à ce qu’ils soient affleurants; ainsi, des autobus, voire même des taxis, pourraient utiliser les voies entre les passages de trains, ce qui augmenterait encore la capacité de ces voies réservées.
Quant à la construction du pont, en tant que telle, le temps n’est pas aux grands coups d’éclat dispendieux en architecture! On doit s’en tenir aux techniques simples, peu coûteuses, mais dont la solidité, la durabilité et la facilité d’entretien ont été éprouvées depuis longtemps. Une construction qui pourrait commencer au plus tôt, et qui pourrait se dérouler par étapes. D’abord, la préparation des lieux, déplacement de servitudes, etc. Ensuite, la construction d’une première moitié du nouveau pont, question de maintenir au minimum la capacité actuelle pendant toute la durée des travaux. Vient ensuite la démolition du pont actuel, la construction de la seconde moitié du nouveau pont, et les travaux de finition. Pour bien faire, il faudrait boucler les travaux sur le terrain à l’intérieur d’une période maximale de 3 à 5 ans.
Le remplacement de l’actuel pont Champlain serait une occasion en or d’augmenter la capacité du réseau routier du grand Montréal, réseau qui, avouons-le, en a bien besoin. Mais les politiciens croient qu’en réduisant les capacités du réseau, les véhicules vont disparaître comme par magie. Comme d’habitude, ils ne comprennent rien à rien!