Réseau autoroutier: Y a-t-il des “autoroutes vers nulle-part”, au Québec?

Il y a quelque temps, déjà, je visionnais sur YouTube une vidéo qui montrait quelques projets autoroutiers non-complétés aux USA, qu’ils appellent “highways to nowhere”, ou en français, des “autoroutes vers nulle-part”. Cela m’a donné l’idée de voir si nous avons, nous aussi, au Québec, des projets commencés, mais pas encore complétés, que ce soit des projets intéressants, mais mis “sur la glace”, faute de budget, ou encore de vieux trucs oubliés au fil des décennies.

Devinez quoi? J’en ai trouvé.

Je dois préciser que toutes les images de ce billet proviennent de Google Earth.

En voici une première, qui se situe sur la rive-sud de Montréal, plus précisément aux limites de Brossard et de La Prairie. J’ai déjà écrit sur ce projet, probablement enterré pour toujours, et qui serait probablement devenu l’autoroute 6.

Jusqu’au tournant des années 2000, environ, les chaussées que l’on voit à gauche, au sud de la rivière Saint-Jacques, étaient séparées de façon à construire un échangeur avec l’A-15, échangeur donnant sur une éventuelle nouvelle autoroute. L’autoroute 6 devait longer l’autoroute des Cantons-de-l’Est (A-10) afin de relier Brossard à Saint-Jean-sur-Richelieu, Farnham et Cowansville.

À l’ouest de Farnham, un bout de chaussée d’environ un kilomètre a même été construit; il sert aujourd’hui de piste d’atterrissage à une école de parachutisme. De plus, les voies de contournement sud, tant de Farnham que de Cowansville, montrent une largeur d’emprise beaucoup plus large que ce que la route 104 ne pourrait jamais avoir besoin. Vous pouvez voir le billet sur l’autoroute 6 en cliquant ici.

Il y a ensuite, bien entendu, les “chaînons manquants” de l’autoroute 40, à Trois-Rivières et à Québec.

On voit ici qu’au nord-est de l’échangeur A-40/A-55, deux bouts de chaussées ont été entamés, alors que tout en haut, au centre de l’image, un développement commercial a été construit, mais que celui-ci respecte la ligne d’emprise de l’autoroute; on a l’impression que le terrain a été découpé de travers, et que seule la partie ouest fut développée. C’est que la partie ouest, où il reste quelques arbres, appartient toujours au MTQ. Nous savons que l’A-40 originale devait continuer vers le nord-est après l’A-55, et se raccorder à l’actuelle “courbe Courteau”, dans l’ancienne municipalité de Saint-Louis-de-France, maintenant regroupée à Trois-Rivières.

Du côté de Québec, plus précisément de Saint-Augustin-de-Desmaures, on voit les deux chaussées de l’A-40 très distancées l’une de l’autre. C’est parce que l’autoroute 40 devait se continuer entre les chaussées actuelles, qui sont en principe les bretelles menant à, ou provenant de, l’autoroute 440.

L’A-40 devait ensuite passer au sud de l’aéroport Jean-Lesage, que l’on voit à gauche, sur cette image, passer dans le petit corridor, au centre de la photo, dans la municipalité de l’Ancienne-Lorette, et rejoindre le gros échangeur A-40/A-73/A-573, complètement en-haut de l’Image. Le gouvernement actuel a promis que jamais une autoroute ne sera construite dans le petit corridor et, joignant le geste à la parole, profite des travaux de reconstruction de l’échangeur pour créer des espèces de buttes antibruit, question de couper le son vers le quartier situé au sud-ouest de l’échangeur. De plus, tous les ponts d’étagement existants, qui auraient permis de raccorder une éventuelle autoroute 40 à l’échangeur, mais qui auraient eu besoin d’être rafraichis, n’ont tout simplement pas été reconstruits.

Retournons sur la rive sud du fleuve, cette fois aux limites des régions de l’Estrie et du Centre-du-Québec, là où devaient se rejoindre les autoroutes 55 et 51.

Situé dans le canton de Melbourne, en Estrie, ce lieu devait être celui d’un échangeur, mais quand on a décidé d’éliminer l’A-51, et de faire passer l’A-55 par Drummondville, cette grande courbe, sur le chemin situé au sud de l’autoroute, est devenue bien inutile. Par contre, elle nous permet de voir les dimensions de la boucle que devait opérer l’A-55 si elle avait été construite; celle-ci devait arriver du coin nord-est de l’image, puis passer sous les ponts que l’on voit au niveau du petit sentier, là où les chaussées de l’A-55 se séparent. Vous pouvez voir plus de détails sur ce lieu dans ce billet, qui date de… bien plus longtemps que cela.

Un autre site qui, celui-là, est bien visible sur les images satellites, est celui de la sortie 258 de l’autoroute 50, au sud de la ville de Lachute.

On peut clairement voir, à gauche sur l’image, que l’A-50 devait continuer tout droit vers l’est, et que l’échangeur de la sortie 258 devait être à l’est de la route, et non pas à l’ouest. C’est que, probablement, on a fait cette courbe de façon temporaire, au moment de la construction de la section de l’autoroute qui devait contourner la ville de Lachute, dans le milieu des années 1970. Lorsque vint le temps de compléter l’A-50, il fut clairement établi que l’autoroute ne passera définitivement pas au sud de l’aéroport de Mirabel, mais plutôt par la route d’accès à l’aéroport, construite par le fédéral, et comme celle-ci passait au nord de l’aéroport, on a probablement décidé de conserver la courbe temporaire de façon permanente.

Voici maintenant un endroit où vous vous direz sûrement que l’on n’aura probablement jamais besoin d’une autoroute, c’est à dire juste un peu au nord de la frontière Québec-New York.

Complètement à droite de l’image, on voit l’autoroute 15, à la hauteur de la sortie 6, à Hemmingford. À peu près au centre de l’image, dans un axe est-ouest, c’est la route 202. Mais curieusement, elle fût construite avec, au nord et au sud de celle-ci, des voies de service et, entre celles-ci, l’espace nécessaire pour construire une deuxième chaussée. À l’est de l’A-15, l’emprise de la route 202 permet aussi de construire une deuxième chaussée, et ce jusqu’à la route 221. Celle-là, je n’ai aucune idée de ce que le MTQ avait en tête, au moment de l’acquisition de l’emprise.

À voir certains endroits, tout porte à croire que le MTQ a déjà eu un département de planification à long terme du réseau routier. On peut alors se demander si ce département existe toujours, et s’il a laissé des documents que l’on pourrait consulter, afin de constater les planifications effectuées par le passé, et peut-être découvrir d’autres projets que le MTQ envisageait. De nos jours, par contre, il est clair que la planification du réseau routier tient beaucoup plus de contexte électoral que de celui de la fluidité de la circulation; le gouvernement actuel promettait, lors de la campagne électorale de 2018, le début de la construction du 3e lien Québec-Lévis avant la fin de ce mandat électoral, alors que la ministre des transports, sept ans plus tard, se promène encore avec ses cartables. Ce gouvernement n’a plus de crédibilité, et d’ici aux élections de 2026, on verra les ministres de démener, comme des diables dans de l’eau bénite, entre les coupures de budgets et les promesses électorales.

Train à grande vitesse: Une autre promesse d’élection?

Lundi dernier (28 octobre), la Société Radio-Canada (SRC), comme plein d’autres médias, annonçait l’avènement d’un projet de train à grande vitesse (TGV) dans le corridor Québec-Toronto. Les journalistes Thomas Gerbet, Louis Blouin et Mathieu Prost ont collaboré à un article, publié sur le site web de la SRC, qui donne quelques détails sur le projet, que le gouvernement fédéral n’a pas voulu confirmer pour l’heure, compte tenu que le contrat n’a pas encore été octroyé. Il devrait l’être d’ici plusieurs semaines, voire quelques mois, soit au plus tard au printemps de 2025.

On y mentionne que la vitesse visée serait de 300 km/h, ce qui permettrait de relier Montréal et Toronto en quelque trois heures, parcours qui prend environ cinq heures et demie en voiture, sans compter les bouchons potentiels en cours de route. Évidemment, les trains ne rouleront pas sur une voie existante; il faudra en construire une nouvelle, ne comprenant aucun passage à niveau. Et comme on parle aussi de passages très fréquents, on peut présumer que la nouvelle voie sera double, avec des ponts un peu partout, question de surmonter toutes les embûches potentielles, et éviter toutes les possibilités de collision. Toujours selon l’article, le train devrait desservir Québec, Trois-Rivières, Laval, Montréal, Ottawa, Peterborough et Toronto.

Selon moi, un tel projet pourrait retirer quelques voitures de l’axe routier Québec-Toronto, mais pas suffisamment pour créer une amélioration majeure au niveau de la circulation. La clientèle visée est plutôt celle qui prend les nombreux avions qui relient les divers aéroports compris dans l’axe. Si l’on prend les populations desservies le long du corridor, quelques agglomérations pourraient être ajoutées, surtout en Ontario, comme Kingston, et Oshawa. Bref, on n’en est qu’aux premiers balbutiements de ce projet, et beaucoup d’eau va couler sous les ponts avant la levée de la première pelletée de terre.

C’est ce qui me pousse à croire que ce projet est une autre promesse électorale. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau est si impopulaire qu’il en est rendu à promettre tout et n’importe quoi dans le but de remonter un tant-soit-peu dans les sondages; il a même promis de réviser à la baisse les quotas d’immigration, malgré que celle-ci a été sa marque de commerce depuis le début de son premier mandat, en 2015. Et comme le gouvernement Trudeau est minoritaire, il pourrait tomber à tout moment. Bon, OK, la chute sera un peu télégraphiée, comme on dit au hockey, mais n’empêche que les partis politiques, en ce qui concerne leurs campagnes de publicité, sont passés… à la grande vitesse.

Bien entendu, on ne parle pas de la facture d’un tel projet; toujours selon l’article, Transports Canada avait initialement évalué le coût d’un TGV à quelque 80 milliards$, mais les trois consortiums impliqués dans le projet arrivent à la conclusion que la facture serait “beaucoup moins chère que prévu au départ”, selon une source gouvernementale. Par contre, un expert interrogé par les journalistes, Pierre Barrieau, chargé de cours en planification des transports à l’Université de Montréal, et consultant de la firme Gris Orange, ne serait pas surpris que le coût du projet atteigne les 120 milliards. Et si l’on se fie aux divers projets de transports en commun des dernières années, au Québec, les factures ont toujours une tendance à la hausse.

Au final, je crois qu’il faut garder son calme, et ne pas aller tout de suite sur le site de VIA Rail Canada pour réserver ses billets. Il s’agit d’un autre projet dont je ne verrai pas la fin de mon vivant.

3e lien Québec-Lévis: Pour en finir…

Je suis tombé, ce matin, sur une chronique de Richard Martineau, publiée hier sur le site web du Journal de Montréal, dans laquelle il parle de la crédibilité du gouvernement caquiste de François Legault avec le projet de 3e lien à Québec. Il illustre, avec des paroles de chansons des Rolling Stones, certaines leçons de la vie, leçons que François Legault et son gouvernement semble balayer du revers de la main avec leur nouvelle profession de foi envers le 3e lien.

Évidemment, tous les éditorialistes anti-3e lien ont sauté sur les conclusions du rapport de CDPQ-Infra (la division des infrastructures de la Caisse de dépôts et placements du Québec), déposé ces derniers jours, sur les grands projets de Québec, à savoir d’avancer avec le tramway, et de mettre le 3e lien sur la glace. Afin de faire un petit peu plaisir à tout le monde, l’organisme paragouvernemental a entrouvert une porte, celle de la sécurité économique, afin de s’avancer sur un projet de lien autoroutier inter-rives. Il n’en fallait pas plus pour que les bonzes de la CAQ s’y engouffrent.

L’affaire de sécurité économique en question, c’est grosso-modo ce que je m’évertue à dire depuis des années; personne ne pense au camionnage dans les projets de transport. Et là, coup de théâtre – ou coup de génie, la Caisse ouvre une brèche; la sécurité économique devient un enjeu vital, incontournable. Cela fait des décennies que les politiciens l’ignorent complètement, malgré que je criais sur tous les toits. Vous me remercierez plus tard, les élus de la CAQ!

Ce que je raconte depuis des décennies, c’est que le réseau routier supérieur du Québec est en retard de 50 ans sur ce qu’il devrait être. Bon, OK, le chiffre a varié avec le temps; j’ai d’abord parlé de 25 ans, puis de 30, mais là, on en est rendus à 50 ans de retard. Cela fait aussi un bon bout que je dis que si la grande région de Québec ne veut pas se retrouver comme celle de Montréal, c’est à dire enfermée dans des successions de bouchons de circulation, le gouvernement doit agir, et maintenant. Quand on sait qu’il faudra une bonne dizaine d’années pour réaliser un lien fixe entre les deux rives du fleuve Saint-Laurent, on est mieux de se mettre à l’ouvrage maintenant, car qui sait de quoi la situation aura l’air dans dix ans.

En fait, on s’en doute un peu.

Voyez-vous, à la fin de février 2003, le commissaire Roger Nicolet déposait le rapport de sa commission d’étude sur la mobilité entre Montréal et sa rive sud, et dans les principales conclusions, il mentionnait que la construction d’un nouveau pont, dans l’est, entre Repentigny et Varennes, améliorerait grandement la mobilité entre les deux rives du fleuve. Or, le ministre des transports de l’Époque, le péquiste Serge Ménard, n’en voulait pas, de ce nouveau pont. Aujourd’hui, avec les travaux au tunnel Lafontaine, la grande région de Montréal respirerait probablement beaucoup plus d’aise si ce nouveau pont avait été construit comme recommandé.

Depuis que le pays a été développé, il y a plus de 400 ans, je ne me souviens pas d’avoir vu un déclin de la population tel que l’on puisse se débarrasser d’une infrastructure, et qu’elle soit définitivement déclarée “de trop” par l’ensemble de la population, comme des décideurs. La population n’a jamais décliné à un point tel que l’on puisse dire “ce pont est de trop”, à moins que ladite infrastructure ait déjà été remplacée par une autre, nettement supérieure à bien des points de vue. Aussi, je ne crois pas que la population du grand Québec diminue au point de dire que l’on peut sacrifier un pont, ou ne serait-ce que le service de traversier actuel entre Québec et Lévis. Je suis plutôt du genre à croire que, dans dix ans, si rien n’est fait, ceux qui raillent actuellement contre un éventuel 3e lien seront les premiers à déchirer leur chemise en criant “Pourquoi le gouvernement n’a rien fait pour prévenir cette situation épouvantable?”

Il y a un vieux dicton qui disait que “Gouverner, c’est prévoir”. Or, si l’on recule d’une trentaine d’années au moins, on avait un outil qui s’appelait le recensement. Géré par le gouvernement fédéral, il permettait d’établir combien de personnes vivait dans une région, et permettait de prévoir les infrastructures nécessaires dans un avenir plus ou moins rapproché. Il faut dire qu’à cette époque, la population augmentait encore par les naissances, alors que de nos jours, celle-ci augmente surtout par l’immigration; les demandes de nouvelles infrastructures sont beaucoup moins prévisibles, et d’autant plus immédiates, que les immigrants en ont besoin ici, et maintenant, pas dans 30 ans. La crise du logement actuelle illustre cette situation à la perfection.

Quant à l’argument de l’étalement urbain, souvent utilisé par les anti-3e lien, il faut bien comprendre pourquoi les gens vont s’établir en banlieue; parce que les unités de logement disponibles au centre-ville se font rares, et sont donc hors de prix, d’une part, et d’autre part, ne correspondent pas à ce que les gens recherchent. Par ailleurs, l’étalement urbain a toujours existé, et existera probablement toujours; plus il y a de gens, plus il leur faudra de l’espace pour vivre. Ce ne sont pas toutes les familles qui se sentent bien dans un condo en étage; plusieurs veulent un tant-soit-peu de confort, comme une cour arrière, une piscine, un garage, et quoi d’autre. Les villes-centre ne peuvent plus répondre à cette demande à un coût raisonnable. Et de quel droit ceux qui profitent de ce confort peuvent-ils dire que ce temps est expiré, que tout le monde doit vivre en étage? Pourquoi ne donnent-ils pas l’exemple en s’établissant eux-mêmes en condos?

Si François Legault, et son gouvernement, veulent tenter de récupérer un brin de crédibilité, d’ici les prochaines élections, il faudra que ses paroles ne soient pas que des promesses sans valeur; il devra passer à l’action, déposer des plans sérieux, et les mettre à exécution. Et surtout cesser de promettre tout et son contraire.

Révision de la carte électorale: Il faudra un jour se brancher

Je suis tombé, tôt ce matin, sur un texte de Hugo Pilon-Larose, sur le site web de La Presse, qui traite de la révision de la carte électorale du Québec, texte dans lequel le député de Matane-Matapédia, le péquiste Pascal Bérubé, se plaignait que l’agrandissement de sa circonscription, ainsi que d’autres circonscriptions de la région gaspésienne, du fait d’une éventuelle fusion des circonscriptions de Gaspé et de Bonaventure, mettrait sa sécurité en danger; les routes peuvent être dangereuses, surtout en hiver, d’autant plus que la connexion cellulaire n’est pas disponible partout, selon lui.

À mes yeux, cette situation me démontre que le député de Matane-Matapédia a du pain sur la planche d’ici la fin de son mandat, à savoir d’améliorer l’état des principales routes de sa circonscription, en plus de les doter du signal cellulaire. Je veux dire, quand il y a de la poudrerie, les routes sont dangereuses, peu importe où l’on se trouve dans notre belle province. Et comme disent les policiers de la Sûreté du Québec lorsque l’on se fait intercepter pour aller un peu trop vite, il fallait partir plus tôt.

Bref, tout cela pour dire que les arguments de monsieur Bérubé sont bien minces pour défendre les prochaines modifications à la carte électorale. Parce que, comme c’est mentionné dans le texte de monsieur Pilon-Larose, les changements que l’on veut faire sont de réduire la Gaspésie et la région de Montréal d’une circonscription chacune, et de créer deux nouvelles circonscriptions, une dans les Basses-Laurentides, et l’autre dans la région des Bois-Francs, le tout en fonction des mouvements de population sur le territoire.

Parce que la Loi électorale est ainsi faite qu’au lieu d’ajouter des circonscriptions sur le territoire, le nombre de celles-ci est fixé à 125, question de ne pas avoir à agrandir le Salon bleu, ou à entasser les élus les uns sur les autres. Ainsi, pour garder le nombre à 125, il faut réviser la carte afin que chaque circonscription représente plus ou moins le même nombre d’électeurs, révision qui se fait habituellement à toutes les deux élections générales. Ainsi, quand une région voit sa population diminuer, elle se fait retrancher une circonscription, et au contraire, une région dont la population augmente se verra ajouter un nouvel élu. C’est la Commission de la représentation électorale (CRE) qui a le mandat de procéder à la révision de la carte, à travers un processus bien établi dans la loi. Il y a d’ailleurs une page, sur le site web d’Élections Québec, qui explique tout le processus.

On retrouve aussi, dans la Loi électorale, le principe d’exception; celui-ci s’applique lorsqu’une circonscription ne peut compter le nombre d’électeurs moyen prévu par la loi; cette fois-ci, on parle de 50,694 électeurs, plus ou moins 25%. Les seuils sont de 63,368 au maximum, et de 38,021 au minimum. C’est le cas pour les Îles-de-la-Madeleine, pour laquelle le statut d’exception est enchâssé dans la loi électorale, mais aussi pour cinq autres circonscriptions, à savoir Ungava, Abitibi-Est, Abitibi-Ouest, Duplessis et René-Lévesque, qui se retrouvent toutes sous le minimum. Selon un article de Véronique Duval, du site web de Radio-Canada, publié le 27 octobre 2023, soit après les audiences publiques de l’automne dernier, la carte électorale de 2017 accordait le statut d’exception aux circonscriptions de Gaspé et de Bonaventure. L’article explique également pourquoi certaines circonscriptions profitent du statut d’exception.

Pour ma part, d’abord et avant tout, je regrouperais la circonscription des Îles-de-la-Madeleine avec celle de Gaspé, et ce pour la simple et bonne raison que dans la très grande majorité des divisions administratives, tant au provincial qu’au fédéral, les îles sont déjà rattachées à la Gaspésie, et personne n’en est mort. C’est ben beau de vouloir une représentation régionale forte, mais à un moment donné, il faut aussi se mettre les yeux devant les orbites, et comprendre que rien ne peut expliquer que 11,176 électeurs – c’est le nombre aux îles – aient le même poids politique que les 60,791 électeurs de la circonscription d’Arthabaska. Si l’on continue comme ça, la moitié des circonscriptions vont devenir des exceptions, et ce pour des fins d’identité régionale. S’il faut “tasser la ligne” un peu plus, ben tassons la ligne, un point, c’est tout. Je veux dire, si je prends par exemple Lebel-sur-Quévillon, les gens de la place se sentent probablement beaucoup plus proches de l’Abitibi que de Kuujjuaq; pourtant, Lebel-sur-Quévillon, comme Kuujjuaq, sont dans Ungava. Et comme c’est écrit dans l’article de madame Duval, il y a déjà onze circonscriptions qui sont plus grandes que les potentielles futures Gaspé-Bonaventure et Matane-Matapédia. Ce à quoi j’ajouterai que non seulement il n’y a pas de couverture cellulaire partout, dans Ungava, mais il n’y a souvent même pas de route.

Au final, je trouve que Pascal Bérubé fait sa drama queen, dans ce dossier. S’il trouve que son job est trop compliqué, il n’a qu’à revendiquer un siège dans la grande région de Montréal, et à laisser Matane-Matapédia à quelqu’un qui prendra son rôle à coeur, avec les difficultés que cela comporte. Il faudra, un jour ou l’autre, se brancher; on fait 125 circonscriptions à peu près égales en termes de population, ou on fait dans le régional, et au diable les proportions.

Chemin Roxham: Comment les médias profitent de l’inexpérience d’une nouvelle ministre

Tous ceux qui suivent un peu l’information, sur les principaux médias télévisés québécois, ont vu la nouvelle ministre de l’immigration du Québec, Christine Fréchette, tourner à 180 degrés au sujet de la fermeture du chemin Roxham. Du moins, c’est ce que l’on serait porté à croire, à la vue de ce que les médias – TVA/LCN comme la SRC/RDI – ont bien voulu nous laisser voir. Ce qui me trouble, c’est que pour les fins d’analyse, on compare deux très courts extraits de mêlées de presse, où la ministre semble dire une chose et son contraire, alors que dans les faits – lire si on prend les mêlées de presse dans leur ensemble, elle explique très bien son point, et au final, elle ne s’est jamais contredite.

Dans la première mêlée de presse, elle explique que le fait de fermer – dans le sens d’empêcher le passage par – le chemin Roxham ne changerait rien à la situation de l’immigration illégale qui s’exerce là-bas, puisque les passeurs vont utiliser un autre chemin, probablement plus mauvais, et dangereux, pour faire passer leurs clients. Dans la seconde, elle répète les propos qu’elle avait dits lors d’une entrevue, qui date de la semaine dernière, où elle avait utilisé le mot “basta!”, pour dire qu’il faut que cela cesse, dans le sens de tout le système de passage illégal à la frontière, et non pas dans celui du seul passage physique du chemin Roxham.

Petite parenthèse pour mentionner un point, à savoir; il est où, le maudit chemin Roxham?

Le chemin Roxham est une petite route de campagne, qui se déroule dans un axe nord-sud, et qui est coupé en deux par la frontière entre le Québec et l’état de New York. La partie américaine est longue de moins d’un kilomètre, et depuis la frontière, elle prend vers le sud jusqu’à la North Star Road, qui elle-même est reliée à la route 17 de l’état de New York, qui mène au village de Champlain. Du côté québécois, toujours en partant de la frontière, elle prend vers le nord sur environ 3 kilomètres avant d’atteindre la route 202, et… le Parc Safari. Ben oui, toi! Le Parc Safari est sur le chemin Roxham. Le chemin suit ensuite, sur environ deux kilomètres et demi, toujours vers le nord, la route 202 jusqu’à l’intersection où la route 202 prend vers l’est, et le chemin vers le nord devient le chemin Bogton,

OK, on ferme la parenthèse.

Bon, si l’on enlève l’affaire de la ministre Fréchette, on pourrait presque dire que la journée d’aujourd’hui serait ce que l’on appelle en anglais une slow-news-day; il aurait fallu passer la journée sur les derniers rebondissements de l’autre affaire, celle de l’embauche d’Amira Elgawhaby par le gouvernement fédéral, affaire qui commence à tirer au reste.

Donc, pour revenir à madame Fréchette, elle aura sûrement appris une leçon, aujourd’hui, soit celle de ne jamais faire confiance à des journalistes; ils peuvent prendre vos propos, surtout les plus honnêtes, en garder quelques extraits, les retourner contre vous, et les balancer en ondes en se foutant complètement des effets secondaires, et principalement en vous faisant passer pour le dindon de la farce. Bref, “ne laissez jamais la vérité venir détruire une belle histoire”, comme le disent les journalistes entre eux.