Jean-Talon: Legault est échenollé

Nous avons tous été témoins de la victoire imposante du Parti québécois (PQ) lors de l’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon, située dans les secteurs Sainte-Foy et Sillery de la ville de Québec. La candidate de la Coalition Avenir Québec (CAQ), Marie-Anik Shoiry, fut renversée à plus de deux votes contre un par le candidat péquiste Pascal Paradis lundi soir dernier.

Pour que cette victoire survienne, je soupçonne la radio parlée de Québec d’avoir mobilisé les électeurs de Jean-Talon. Ça sent cela, et ce même si les médias mainstream n’en soufflent mot. Je m’explique.

En avril dernier, l’abandon du projet de 3e lien par le gouvernement Legault, projet phare grâce auquel, entre autres, la CAQ a remporté de façon convaincante l’élection générale six mois plus tôt, a été prise littéralement comme une trahison par les partisans de ce projet. Il n’en fallait pas plus pour provoquer une mobilisation à la première occasion, et l’élection partielle dans Jean-Talon s’est présentée sur un plateau d’argent. Mais là, il ne fallait pas se contenter de dire “n’importe qui sauf la CAQ”, parce que les autres partis auraient vu leur nombre de votes augmenter, mais pas suffisamment pour faire perdre la circonscription au parti de François Legault; il fallait canaliser tous les votes de protestation vers un seul candidat, afin que ce dernier puisse gagner, mais sans changer l’orientation du gouvernement, et sans permettre à un parti de se renforcer outre mesure.

Et c’est là que je soupçonne les radios d’avoir proposé de voter pour le PQ; ce parti, en cas de victoire, passerait de 3 à 4 députés. Rien pour changer la gouvernance générale du gouvernement actuel, mais la défaite viendrait dire à François Legault que l’appui de la population ne doit jamais être pris pour acquis.

Maintenant, ce que l’on voit tient presque du théâtre. Le premier ministre, après avoir reconnu la défaite avec une certaine classe, lundi soir, est revenu, le lendemain, avec un point de presse dans lequel il disait que tout allait être revu, incluant le retour du projet de 3e lien. Autrement dit, on a vu un premier ministre qui venait de se prendre un inévitable – et douloureux – coup de pied dans les chenolles – permettez-moi le terme, venir se tordre de douleur devant les journalistes, et supplier les électeurs du grand Québec qu’il ne le refera plus jamais jamais, promis!

Premièrement, François Legault devra comprendre que les électeurs du grand Québec n’ont que faire des belles paroles. S’il veut retrouver leur confiance – et leurs votes, ce n’est pas de beaux discours qu’il devra leur livrer, mais des actes. Le 3e lien devra être complété, tôt ou tard. Et avec le temps nécessaire pour réaliser un tel projet, il vaudra mieux tôt que tard. Si l’on veut prioriser la réalisation d’une véritable autoroute périphérique autour de la grande région de Québec, afin que ceux qui n’ont pas besoin d’aller dans la ville puissent la contourner, il faudra de nouvelles traversées du fleuve. Le lieu idéal avait déjà été prévu; l’échangeur A-40/A-440 est, sur la côte de Beaupré, offre un point de départ merveilleux pour entamer une traversée du fleuve. Les gens de l’île d’Orléans ont besoin d’un nouveau pont, eux aussi; pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups? On permet aux insulaires d’atteindre la rive-nord gratuitement, et on met un péage entre l’île et la rive-sud, question de créer un ticket modérateur.

Ensuite, François Legault est un très mauvais vendeur, quand vient le temps de présenter un projet; prenons à nouveau l’exemple du 3e lien. S’il avait pris sa calculatrice, et pris le temps de comparer le coût du projet avec le coût du nouveau pont Samuel-de Champlain, ouvert il y a quelques années entre Montréal et Brossard, il aurait eu un argument de vente implacable, à savoir que même son projet le plus coûteux (celui avec le gros tube unique, réalisé avec le plus gros tunnelier au monde, au coût de 10 milliards$) était plus économique, en coût par kilomètre, que le nouveau pont Champlain. Évidemment, ce projet, s’il se réalise, ne se pas à l’abri des imprévus, et des dépassements de coût. Par contre, si le chantier est entamé, et avance rondement, les gens de Québec pourront peut-être donner leur appui au parti qui l’aura mis en branle.

Finalement, les souverainistes de la première heure devront retenir leur enthousiasme retrouvé lundi soir; ils devraient se souvenir que René Lévesque, aussi populaire puisse-t-il avoir été, n’a jamais remporté la moindre élection partielle de toute sa carrière politique. De l’autre côté, l’ancienne Action démocratique du Québec remportait assez aisément les élections partielles, mais n’a jamais été plus loin que l’Opposition officielle dans un gouvernement minoritaire. Bref, le PQ n’a maintenant que quatre députés, pas quarante, et que ce fait ne garantit rien pour les prochaines élections générales; après tout, il y a un an, le PQ a obtenu plein de deuxièmes places, pour un grand nombre de votes, mais seulement trois sièges, et la chose pourrait très bien se répéter au prochain scrutin.

Tout cela pour dire que les médias s’époumonnent pour montrer un François Legault échenollé tenter de reprendre la main sur une gouvernance qui ne va nulle part, mais qu’en fait, il reste encore trois ans bien sonnés avant les prochaines élections générales, et qu’en politique, six mois représentent une éternité. Alors prenons le temps de rire de cet épisode loufoque, et attendons de voir la suite des choses.

Circulation à Montréal: A-t-on atteint le point de non-retour?

Mon travail de routier professionnel m’amène à oeuvrer, entre autres, dans le grand Montréal. À ce temps-ci de l’année, les voies rapides devraient, à défaut d’être désertes, être beaucoup plus libres, compte tenu des professeurs et enseignants qui sont toujours en vacances, entre autres. Mais tel n’est pas le cas; si les petits matins sont plus calmes, la suite de la journée est loin d’être rose. Et ce, pas seulement sur l’île de Montréal, mais aussi tout autour.

Au point de se demander si la grande région montréalaise a atteint ce que l’on pourrait qualifier de « point de non-retour ».

La population du grand Montréal, bon an mal an, augmente; si celle de la ville elle-même stagne, ou varie très peu, celle de ses couronnes, elle, augmente beaucoup plus rapidement. Et la raison est bien simple; ce ne sont pas tous les ménages qui veulent vivre dans des appartements en étage. Beaucoup recherchent une maison détachée, avec une cour arrière, question de permettre aux enfants de jouer dehors sans être constamment en état de surveillance active. Avec les dangers d’enlèvement, qui subsistent toujours dans les parcs urbains, les gens veulent que leurs enfants puissent vivre, et s’amuser, sans devoir constamment regarder par-dessus leur épaule, de peur qu’un inconnu ne les saisissent. Et ces propriétés ne sont accessibles qu’à l’extérieur de l’île de Montréal, et encore; il faut s’éloigner des banlieues immédiates, qui deviennent de plus en plus occupées, et de moins en moins accessibles.

De là la pression grandissante vers les municipalités plus éloignées.

J’ai eu à faire quelques déplacements dans la région de Boisbriand, ces jours-ci, et on va se le dire; l’autoroute 640 est devenue un véritable enfer. L’échangeur des autoroutes 15 et 640 a été complètement reconstruit il y a quelques années à peine, et déjà, il ne suffit plus à la tâche. L’autoroute elle-même aurait besoin d’au moins une voie supplémentaire, voire deux, entre Deux-Montagnes et Charlemagne, soit sur presque 40 kilomètres.

En fait, le réseau actuel du grand Montréal a été imaginé au milieu des années 1950, dans le but d’être complété au tournant des années 1980. Nous sommes en 2021, et plusieurs parties de ce réseau ne sont toujours pas construites. Cela occasionne une surutilisation du réseau existant, de là les bouchons à répétition, et l’usure prématurée des infrastructures. Le problème, c’est que la planification à long terme est tout simplement inexistante; nos dirigeants s’imaginent que les gens vont prendre les transports en commun, et ainsi abandonner l’utilisation de la voiture, alors que c’est tout le contraire qui se produit. On voit une multitude d’entrées privées avec trois voitures ou plus. Aussi, les voitures électriques, qui ont dépassé le stade de curiosités, et qui deviennent de plus en plus populaires, devront bien rouler quelque part, elles aussi. La table est donc mise pour un autre grand coup de développement du réseau routier supérieur.

Mais il faut se rendre à l’évidence; des interventions ciblées, ici et là, seront nettement insuffisantes. L’échangeur 15/640 en est le meilleur exemple; par le temps écoulé entre les études de circulation et la fin des travaux, le nouvel échangeur est déjà désuet. De plus, les travaux de construction, en général, sont de plus en plus longs; si l’on voudrait construire un complexe comme celui de la baie James, il faudrait plus de cent ans. Autre exemple; les ponts de l’autoroute Décarie. Les 21 passages supérieurs de l’autoroute Décarie ont été rénovés au tournant des années 2000, travaux qui ont duré environ trois ans. En 1967, lors de la construction initiale de la voie rapide, les mêmes 21 ponts furent construits, à partir de rien,… en quatre mois.

De là la question. A-t-on atteint un point de non-retour?

Qu’on le veuille ou non, il faudra accomplir de grands travaux, ou alors la ville de Montréal sera condamnée à mourir. Mais le problème, prenons par exemple entre Montréal et la rive-sud, est si lourd qu’un seul nouveau pont, sur le fleuve Saint-Laurent, ne règlera rien. Nous l’avons constaté entre Montréal et Laval; aucun pont existant n’a vu son achalandage diminuer significativement depuis l’ouverture du pont Olivier-Charbonneau (A-25) qui, lui aussi, malgré son péage, est désormais loin d’être désert. C’est donc dire que ni ce pont, ni l’ouverture du métro vers Laval, n’ont réussi à abaisser le niveau de circulation des autres traversées.

Une autre partie du problème de circulation du grand Montréal consiste aux livraisons par camion. Quoi que l’on dise, si l’on veut des commerces de proximité, il faudra bien les desservir, les approvisionner. Et si l’on veut que ce soit fait par des camions plus petits, il faudra des centres de distribution, parce que l’on sait tous que les laitues que l’on trouve, dans les magasins d’alimentation, par exemple, ne poussent pas sur le toit de ces magasins. Il faut aller les chercher là où elles poussent; chez les producteurs qui, eux, sont en-dehors du grand Montréal. Et c’est la même chose pour tout; l’achat local, je veux bien, mais il s’agit d’un rêve dont les limites sont vite atteintes. Pour le reste, mentionnons qu’aucun magasin, petit ou grand, n’a de desserte ferroviaire; ils sont donc tous dépendants des camions.

Donc, de grands travaux, et de grâce, bien planifiés. Le nouveau pont Samuel-de Champlain est un exemple de mauvaise planification; le pont Champlain original, ouvert en 1962, comportait trois voies par direction. Aujourd’hui, avec les populations, des deux côtés du pont, qui se sont multipliées, combien de voies par direction a-t-on mis, sur le nouveau pont? Eh oui, trois voies par direction. Nous avons maintenant une infrastructure beaucoup plus solide, certes, mais pas plus serviable, en ce sens qu’elle a la même capacité que celle qu’elle remplace, et qui fut construite presque 60 ans plus tôt. Par contre, ce pont, avec sa travée centrale qui supportera le REM, qui sera bientôt en service, illustre à merveille l’orientation prise par nos dirigeants; tout pour le transport en commun, rien pour les véhicules routiers.

Il faut d’abord planifier à quoi ressemblera le prochain demi-siècle, et desservir les populations en ce sens. Autrefois, on pouvait voir environ vingt ans à l’avance; la génération montante, une fois adulte, aura besoin d’infrastructures, de villes, d’écoles, d’hôpitaux, bref, de tout ce que le monde a besoin. De nos jours, il est plus difficile de prévoir; avec l’immigration massive, les nouveaux besoins doivent être prêts maintenant, pas dans vingt ans. Il faut donc se mettre au travail tout de suite, et imaginer la grille des transports idéale. Comme le Québec est en retard d’environ 40 ans sur le développement de son réseau routier supérieur, la grille des transports doit aussi combler ces lacunes, le tout en se basant sur le réseau actuel, et ses possibilités de développement.

Donc, pour commencer, il faut compléter le réseau des années 1950. Terminer l’autoroute 440, vers l’ouest jusqu’à Kirkland, en passant par l’île Bizard, et vers l’est, entre l’A-25 et l’A-40, à la pointe nord-est de l’île de Montréal. Compléter l’autoroute Ville-Marie, peu importe le numéro qu’on lui donnera, entre le pont Jacques-Cartier et le tunnel L.-H.-Lafontaine. Prolonger l’autoroute 19 au moins jusqu’à l’A-640. Et boucler la boucle de l’actuel niveau de route périphérique, en raccordant l’A-640 à l’A-40, entre Saint-Joseph-du-Lac et Hudson, et en rattachant l’A-640 à l’A-30, entre Charlemagne et Varennes. Aussi, en boulevard urbain non-autoroutier, creuser un tunnel entre les boulevards Pie-IX, à Montréal, et Taschereau, à Longueuil. Et dans le but d’alléger la tâche du pont Honoré-Mercier, prolonger l’A-730 jusqu’à l’A-20, près de l’échangeur Saint-Pierre. Je sais, c’est très urbanisé, et ça coûtera cher, mais l’autre option, soit de prolonger l’A-13 vers le sud jusqu’à Châteauguay, ne sera pas économique non plus.

Ensuite, il faudra compléter un autre niveau de route périphérique qui, lui, sera beaucoup plus grand. Partons de l’échangeur 15/50, au sud de Saint-Jérôme, et allons dans le sens des aiguilles d’une montre. Il faudra prolonger l’A-50 de ce point jusqu’au nord du village de Saint-Esprit, où elle croisera l’A-25, en contournant la ville de Saint-Lin–Laurentides par l’ouest, où elle sera rejointe par l’A-19, puis par le nord. De Saint-Esprit, on devra convertir la route 158 en autoroute 50, et ce jusqu’à l’échangeur avec l’A-31, à Joliette. La périphérique se poursuivra sur l’A-31, qui deviendra l’A-35; elle prendra un nouvel itinéraire au sud du viaduc ferroviaire, un peu à l’est du tracé actuel (qui, jusqu’à l’A-40, deviendra un tronçon de la route 131). Ce nouvel itinéraire passera juste à l’est de Lavaltrie, et traversera le fleuve à la hauteur de Contrecoeur. De là, la nouvelle A-35 croisera l’A-30, contournera Saint-Marc-sur-Richelieu, traversera l’A-20, puis se glissera entre le mont Saint-Hilaire et le secteur résidentiel, avant d’aller croiser l’A-10, et rejoindre l’actuelle A-35 au nord de la route 104. L’A-35 actuelle, depuis ce point, en passant par le pont Félix-Gabriel-Marchand, et jusqu’à la rue Pierre-Caisse, deviendra l’A-6, qui se prolongera vers l’ouest, traversera sous le lac Saint-Louis, et s’arrimera à l’A-20 à la hauteur du boulevard Cavendish. L’autre section actuelle de l’A-35, entre la rue Pierre-Caisse et l’A-10, deviendra l’A-506.

Pour revenir à la nouvelle périphérique, celle-ci continuera vers le sud sur l’A-35 actuelle, puis sur la section actuellement en construction. Dans la courbe au sud de la route 133, près de Saint-Sébastien, un échangeur devra être construit, conduisant vers une nouvelle autoroute, l’A-2, à construire plus ou moins en parallèle avec la route 202. Celle-ci longera la frontière américaine, à quelques kilomètres près, en passant entre autres par Lacolle, Hemmingford, et Saint-Antoine-Abbé (où une éventuelle A-13 pourrait s’y rattacher, en provenance de Châteauguay), avant de contourner Huntingdon par le sud, puis tourner vers le nord-ouest pour être rejointe par une nouvelle section de l’A-530, puis traverser le fleuve à la hauteur du club de golf Saint-Anicet.

De là, l’A-2 longera la frontière ontarienne, suivant plus ou moins la route 325, en passant par Rivière-Beaudette, Saint-Télesphore, Sainte-Justine-de-Newton et Très-Saint-Rédempteur, avant de se terminer à l’A-40 près de la montée de la baie Saint-Thomas, à l’ouest de Rigaud. De là, la nouvelle périphérique suivra l’A-40 jusqu’aux courbes, près de la sortie 1, pour prendre une autre nouvelle autoroute, l’A-48, qui traversera la rivière des Outaouais, et qui rejoindra l’A-50, passant au sud de Saint-André-Est, puis rejoignant Mirabel en longeant, plus ou moins, le chemin de la Rivière-Rouge Sud, le chemin Lalande, au sud du village de Saint-Hermas, et le chemin Saint-Simon, où elle pourrait être rejointe par un prolongement de l’A-13. De là, retour au point de départ, soit l’échangeur 15/50.

Évidemment, les tronçons manquants de cette nouvelle route périphérique pourront être construits par étapes, en fonction de l’évolution des besoins.

Comme on peut le voir, le MTQ aura beaucoup de pain sur la planche pour rattraper le retard accumulé depuis des décennies. Et il aura besoin de budgets énormes, parce qu’en plus de développer son réseau, il devra entretenir le réseau existant, et réparer des décennies de négligence. C’est pour cela que je parle de point de non-retour.

3e lien: Catherine Dorion aussi dit n’importe quoi!

Depuis un jour ou deux, nous avons tous vu – ou à tout le moins entendu parler de – la vidéo de la députée solidaire de Taschereau, Catherine Dorion, qui raconte que le 3e lien – dans le grand Québec – est comme une ligne de coke.  Regardons cette intervention de plus près.

Madame Dorion raconte que ce serait un éventuel 3e lien qui pousserait les gens à s’établir “super-loin” du centre-ville, et de ce fait, le répit que ce lien apporterait à la circulation serait de courte durée, soit environ deux ou trois ans, toujours selon ses dires.  Dans les faits, le scénario de madame Dorion – c’est scénarisé puisque l’on voit les multiples coupures dans l’enregistrement – présente la chose en regardant du mauvais côté des lunettes d’approche.  Les gens s’établissent en banlieue, plus ou moins rapprochée, parce que les propriétés qu’ils recherchent sont inabordables – ou tout simplement inexistantes – en ville.  Aussi, pour trouver la propriété recherchée à un prix accessible, les gens doivent s’établir de plus en plus loin de la ville.  Il y a donc, puisque les deux liens actuels sont côte-à-côte, de plus en plus de gens qui se présentent “à la tête des ponts”, comme on dit communément; à l’échangeur A-20/A-73 le matin, et à l’échangeur A-73/A-540/QC-175 l’après-midi.

Ce que madame Dorion prend bien soin de ne pas mentionner, dans son scénario qui sonne bien, c’est que cet axe – même s’il y a deux ponts – est le seul qui permet de relier les régions de Québec et de Lévis.  Or, ces deux villes sont à l’ouest de cet axe, et qu’un nouveau lien à l’est permettrait d’établir ce que la majorité des grandes villes ont, c’est à dire une autoroute périphérique.  Une telle infrastructure permet, en principe, de contourner une agglomération sans y pénétrer.  Et ça, c’est essentiel pour un autre type de transport que madame Dorion oublie – par inadvertance ou non, et c’est le transport de marchandises par camion.  Si l’on permet aux camions de choisir une ou l’autre des traversées du fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de la région de Québec, soit entre le pont Pierre-Laporte et le 3e lien, on allège la circulation, et améliore la fluidité.

Je serais curieux de connaître l’expérience routière – mesurée en kilomètres par année au volant d’un véhicule – de madame Dorion.  Pour ma part, en tant que camionneur, j’estime mon expérience à quelque chose comme entre 150,000 et 180,000 kilomètres par année, et ce à travers l’Amérique du Nord.  Je dirai à madame Dorion que les seuls endroits où les problèmes de circulation sont aussi sévères qu’au Québec sont les endroits où l’on a négligé ces problèmes.  Le Québec a négligé l’entretien de ses routes, mais a aussi et surtout négligé le développement de son réseau routier supérieur.  Le Québec est en retard d’environ 40 ans sur le développement de son réseau, ce qui entraîne une détérioration accélérée de son réseau actuel, qui est, forcément, surutilisé.  Cela entraîne une multiplication des travaux d’urgence, une prolifération des cônes orange, et un niveau supérieur de cas de rage au volant, dont seuls les cas aux conséquences les plus graves sont médiatisés.

De nombreuses métropoles américaines investissent dans leur réseau d’autoroutes, situation dans laquelle il est important de mentionner que le réseau des Interstate de nos voisins du Sud reçoit un financement fédéral à hauteur de 90%.  Le secret de leur succès est que les investissements se font avant que la circulation ne devienne trop problématique.  Aussi, il faudrait prendre exemple sur les Américains.  Chez nous, au contraire, il faut que ça tombe à terre avant d’y mettre des fonds; pensons à l’échangeur Turcot, ou au pont Champlain, où il a fallu passer à deux doigts de véritables drames avant que des investissements soient annoncés.

Madame Dorion dit, dans sa vidéo, que des solutions comme le 3e lien ne durent, au mieux, que deux ou trois ans.  Je ne nie pas que, dans la situation actuelle, un nouveau lien fixe puisse effectivement se remplir assez rapidement; d’ailleurs, un nouveau pont entre Montréal et sa rive sud, par exemple, ne changerait pas grand chose à la situation actuelle, tellement elle est problématique.  Par contre, les situations problématiques en transport en commun ne se règlent pas de façon permanente non plus!  Parlez-en aux usagers du métro, à la station Henri-Bourassa, à Montréal, qui passent leur temps à regarder des rames remplies d’usagers de Laval passer dans leur face.  Les temps changent, les situations démographiques aussi, et aucune situation ne se règle jamais “une fois pour toutes”.

En bout de ligne, les usagers du transport en commun de Québec ont besoin d’un réseau structurant – c’est la plus grande agglomération en Amérique du Nord à ne pas en avoir un, et les gens de la rive sud de Québec ont besoin d’un 3e lien, afin d’éviter que la situation, dans le grand Québec, ressemble à celle de Montréal.  Aussi, contrairement à ce que prétend madame Dorion, nous devrions être capables de marcher, et de mâcher de la gomme, en même temps; le réseau structurant, et le 3e lien, s’adressent à deux clientèles différentes, et aucune d’entre-elles ne mérite de passer avant l’autre.

Circulation à Montréal: Autopsie d’une négligence généralisée

Tous ceux et celles qui ont à se rendre à Montréal, que ce soit exceptionnel, ou sur une base régulière, le savent; la circulation y est infernale.  À chaque année, c’est la même chose; l’été, pendant les vacances de la construction, on se dit que c’est moins pire que l’on s’imaginait, puis les gens rentrent de leurs vacances, le problème s’amplifie, et ce jusqu’au jour fatidique de la rentrée des classes, au début de septembre. À ce moment-là, tout est bloqué partout!  Puis, de semaine en semaine, les gens s’habituent, les choses se replacent un peu, et on vit avec le problème.

En fait, ce scénario se répète d’année en année, la situation empirant un peu plus à chaque année.  Et je vous dirais que tout cela est le fruit d’une négligence généralisée.

Déjà dans les années 1950, la circulation était problématique dans les rues de Montréal.  Le maire de l’époque, Jean Drapeau, expliquait dans un documentaire en deux parties (partie 1, partie 2) réalisé par l’Office national du film (ONF), que la circulation, dans les rues d’une ville, était comme la circulation du sang dans le corps humain; lorsque la circulation ne se fait pas, on se retrouve avec des problèmes très graves.  Puis il expliquait que les solutions au problème de la circulation sont de trois niveaux; le premier comprend des solutions qui ne coûtent rien, ou presque rien, comme établir la circulation à sens unique sur des rues parallèles, le second niveau étant les solutions qui nécessitent des investissements plus importants, comme le réaménagement de certaines intersections, et finalement, le troisième niveau présente les solutions nécessitant de grands travaux.

On remarquera que la plupart des grands travaux d’envergure sont survenus au début des années 1960, Montréal étant stimulée par la venue d’Expo67, la grande exposition universelle.  Le pont Champlain, l’autoroute Décarie, la nouvelle route 3 (aujourd’hui l’autoroute René-Lévesque), et le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine, sans oublier l’échangeur Turcot, furent construits à cette époque.  Ils furent précédés par l’avènement de l’autoroute Métropolitaine, à la fin des années 1950, et furent suivis par la construction de l’autoroute Ville-Marie, au centre-ville, dans les années 1970.  Puis en 1976, le premier gouvernement du parti québécois arrive au pouvoir; celui-ci décide d’imposer un moratoire à la construction d’autoroutes, et de transférer ces sommes au prolongement du métro de Montréal.  Depuis ce temps, le retard accumulé dans la construction d’autoroutes n’a malheureusement jamais été rattrapé.  Et je passe ici sous silence les manquements à l’entretien des voies rapides déjà construites.

Nous nous retrouvons donc en 2016, avec un réseau autoroutier planifié dans les années 1950, dans le but d’être complété dans les années 1980, qui n’est pas encore terminé.  Les coûts de construction augmentant de façon exponentielle, et certains terrains où furent prévus la construction d’autoroutes ayant été utilisés à d’autres fins, on ne voit malheureusement pas le jour où ce réseau sera enfin complet.  Le principal problème, actuellement, c’est que la circulation croît plus rapidement que le réseau routier, ce qui fait que les améliorations planifiées ne suffisent pas à contenir l’augmentation du flux de véhicules.  Il faudrait donc donner un autre grand coup, comme celui des années 1960, pour compléter le réseau de base, à tout le moins, puis éventuellement à l’améliorer avec de nouvelles autoroutes périphériques, le tout en dotant la région du grand Montréal d’un réseau de transport en commun digne de mention.

Compte tenu des coûts reliés à une telle opération, ce n’est pas demain la veille du jour où tout cela va se réaliser!

Pendant ce temps, nos administrations publiques sont en train d’échapper le contrôle de la circulation d’une autre grande agglomération; celle de la ville de Québec!

Péages sur les ponts de Montréal: Il y a un prérequis important!

Cela fera une semaine demain, un rapport était publié par la Commission de l’écofiscalité du Canada, un groupe de recherche indépendant regroupant des économistes de tout le pays, rapport qui proposait d’instaurer des péages sur tous les ponts conduisant à l’île de Montréal, et ce soi-disant dans le but de réduire la congestion routière dans la région métropolitaine.  Le quotidien La Presse le rapportait, sous la plume de Bruno Bisson.

Sauf et à soustraire qu’il y a tout un monde entre la théorie d’un rapport, et ce qui se passe sur le plancher des vaches.  Car si de telles mesures, implantées à Londres et à Stockholm, ont effectivement réduit la congestion routière dans les zones tarifées, qu’en est-il de l’économie locale de ces deux villes?  Les commerces locaux ont-ils vu une baisse, ou une hausse, de leur chiffre d’affaires?  Une telle mesure implantée à Montréal représenterait une mine d’or pour le Quartier Dix30, et tous les autres centres d’achats et “power centers” situés autour de Montréal, et ce pour la simple et bonne raison que les clients de l’extérieur de l’île vont désormais magasiner… à l’extérieur de l’île!  Montréal se plaindra alors d’une baisse de l’achalandage de ses commerces.  Un autre problème, c’est que les gens qui tentent leur chance avec les transports en commun regardent souvent passer des trains (ou des rames de métro, ou des bus) déjà remplis à capacité, et doivent attendre longtemps avant d’obtenir une place, ce qui les reconduit inévitablement vers leur voiture; puisqu’il faut attendre, autant le faire en tout confort!

Mais il y a un prérequis encore plus important que cela, si l’on veut instaurer un péage général autour de l’île de Montréal, et j’ai nommé une autoroute périphérique digne du nom.  Si l’on vient des Laurentides, par exemple, via l’autoroute 15, et que l’on veut se rendre à Salaberry-de-Valleyfield, la seule façon de faire, sans toucher l’île de Montréal, est de se taper le traversier d’Oka, ou encore un détour par Hawkesbury!  Et on pourrait donner de multiples exemples d’itinéraires pour lesquels les automobilistes n’ont pas d’autre choix que de passer par l’île de Montréal.  Si l’on veut réduire la congestion dans l’île, il faudrait d’abord faire en sorte que ceux qui n’ont pas affaire à Montréal puissent contourner l’île rapidement.  Et ça, même si c’est promis depuis le milieu des années 1950, ça n’existe pas encore!

Ainsi, une fois que le grand Montréal aura été ceinturé par une véritable autoroute périphérique, là, et seulement là, on pourra parler de péage sur tous les ponts menant à l’île de Montréal.